Cancer du sein : jeûner avant la chimio boosterait le traitement

Publié par Sophie Raffin
le 29/06/2020
Maj le
5 minutes
Adobe Stock
Faire un jeûne avant la chimiothérapie : voici le conseil à suivre pour renforcer l'efficacité du traitement lorsqu’on a un cancer du sein, selon des chercheurs de l’université de Leiden (Pays-Bas). Toutefois, plusieurs professionnels de la santé appellent à la prudence.

Une chimiothérapie est un traitement lourd et difficile à supporter. Les patients qui doivent se soumettre à ces soins éprouvants, essaient d’adopter une hygiène de vie qui leur permet de les supporter et booster leur chance de guérison. Selon les scientifiques de l’université de Leiden, suivre un jeûne avant de débuter une chimio, améliore justement l’état des malades du cancer du sein.

Cancer du sein : jeûner pour "affamer" les tumeurs 

Depuis plusieurs années, les recherches sur le jeûne comme possible arme anti-cancer se multiplient. La nouvelle étude, publiée dans la revue Nature le 23 juin 2020, assure pour sa part que suivre une alimentation à base de plantes et pauvre en calories, aide à lutter contre le cancer du sein. Ce régime imitant le jeûne (Fasting mimicking diet, FMD), composé de soupes, de bouillons, de liquides et de thé, affameraient les tumeurs.

L’équipe du centre médical de l'université néerlandaise s'appuient sur les données obtenues après avoir suivi 129 patientes atteintes d’un cancer du sein de stade 2 ou 3. 65 d’entre elles devaient “jeûner” trois jours avant la chimiothérapie ainsi que le premier jour du traitement. Elles absorbaient ainsi 1200 kilocalories le premier jour puis 200 Kcal par jour les trois suivants. Les glucides complexes représentaient alors environ 80% des calories absorbées. 

8 sur 10 ont complété ce programme alimentaire lors de leur premier cycle de chimiothérapie. Plus de 50% l’ont suivi sur 2 sessions, et seulement 20% ont respecté le FMD sur l’ensemble de leur traitement.

Après avoir recueilli les données de celles qui avaient réussi à le faire sur au moins deux cycles, ils ont comparé les résultats avec les patientes ayant suivi une alimentation normale. 

La responsable de l'expérience Stefanie de Groot indique que les femmes ayant fait un jeûne avaient mieux supporté le traitement. S’il ne renforce pas la toxicité du traitement, il améliore la survie sans progression de la tumeur. Selon les chercheurs européens, les cellules saines passent d'un état de prolifération à celui de réparation pendant ce régime spécial, tandis que les cellules malignes ne s'adaptent pas à un environnement pauvre en nutriments. "Le jeûne prive les cellules cancéreuses proliférantes de nutriments, de croissance et d'autres facteurs, ce qui les rend plus sensibles au traitement du cancer et augmente la mort cellulaire", est-il écrit dans la revue scientifique.

twitter.com/nresearchnews/status/1276190983663816717

Jeûne et cancer : une piste de recherche souvent étudiée

La piste de recherche des Néerlandais n’est pas vraiment nouvelle. Le Dr Virginia Kaklamani, du Mays Cancer Center de la faculté de San Antonio a confié au site MedPage Today : "nous parlons de jeûne intermittent depuis longtemps, donc ce n'est pas un hasard". Elle poursuit "le concept est basé sur un grand nombre de données précliniques que nous avons, et pas seulement sur la chimiothérapie. Quand vous regardez comment le métabolisme du corps change lors d’un jeûne intermittent, c'est assez fascinant parce que vous diminuez beaucoup de marqueurs inflammatoires, vous diminuez beaucoup de facteurs de croissance comme l'insuline. Et donc la pensée est que cela pourrait être une bonne thérapie anti-cancer en soi". Toutefois, l’étude montre quelques points faibles.

Jeûne et cancer : une étude avec des lacunes

Jeûne et cancer : une étude avec des lacunes

Dans leur article paru, les chercheurs se réjouissent : "il s'agit de la première étude contrôlée randomisée évaluant les effets du jeûne sur la toxicité et l'efficacité de la chimiothérapie chez les patientes atteintes d'un cancer”. Pour eux, les résultats obtenus sont encourageants. Toutefois, ils reconnaissent que des études supplémentaires pour déterminer les avantages effectifs de ce régime dans le cadre d’une thérapie anticancéreuse sont nécessaires.

Toutefois, plusieurs professionnels demandent à se montrer prudents concernant les conclusions de cette recherche. Ils pointent plusieurs lacunes dans ces travaux. En premier lieu, les participantes n’ont pas suivi le jeûne sur la même durée. 

Interrogée par nos confrères de Sciences et Avenir, Bruno Raynard, gastro-entérologue et chef de l'unité transversale de diététique et de nutrition à l'Institut Gustave Roussy, déplore également qu’il n’y a pas "d'explication sur les mécanismes expliquant cet effet sur la survie sans progression". Il ajoute "il manque également beaucoup de données pour juger de l'effet réel du jeûne étudié, comme l'état nutritionnel préalable des patients, les ingesta (ce que les patientes ont ingéré, ndlr) notamment protéiques, et leur niveau d'activité physique. Ces trois critères sont des facteurs éminemment importants pour juger de l'effet pronostique (prédiction des résultats cliniques, ndlr) d'un support nutritionnel."

De plus, il existe un possible conflit d'intérêt : deux chercheurs ont des liens avec l’entreprise qui fournissait les produits diététiques consommés par les participantes. 

Ainsi, "il faut rester très méfiant sur les usages du jeûne que ce travail pourrait entraîner chez les patients. Il faut garder à l'esprit que la piste reste à étudier, mais qu'il n'y a pas de preuves suffisamment fortes pour que le recours au jeûne soit recommandé", conclut Bruno Raynard.

Jeûne intermittent : un régime à la mode qui comporte des risques

Jeûne intermittent : un régime à la mode qui comporte des risques

Le jeûne intermittent est très populaire. De Jennifer Aniston à Adèle, de Jennifer Lopez à Nicolas Canteloup, de nombreuses stars plébiscitent ce régime. Il consiste à alterner des périodes de jeûne et des périodes d’alimentation normale sur 18 à 24 heures. 

Selon ces adeptes, ce programme alimentaire aiderait à perdre du poids, à booster les fonctions cérébrales (mémoire) ou encore à améliorer le contrôle du sucre dans le sang ainsi que l’espérance de vie.

Toutefois, les professionnels mettent en garde contre certaines complications. Si le jeûne permet de fondre, il augmente les risques de déshydratation (d’autant plus en période estivale), de somnolence, d’irritabilité, d’asthénie ou même de mauvaise haleine (halitose). Il peut aussi provoquer des carences, un déséquilibre métabolique et par effet domino une perte musculaire.

Il peut aussi entraîner certains disciples à adopter des conduites boulimiques ou anorexiques. Par ailleurs, ce régime est déconseillé aux personnes âgées, aux femmes enceintes et aux enfants. Les patients diabétiques ou atteints de pathologie cardiaque doivent également éviter le jeûne.

Il est ainsi conseillé de consulter son médecin traitant ou un nutritionniste pour évaluer la possibilité de suivre ce régime, mais également s’informer sur les bonnes pratiques à suivre.

Sources

Fasting mimicking diet as an adjunct to neoadjuvant chemotherapy for breast cancer in the multicentre randomized phase 2 DIRECT trial, Nature, 23 juin 2020

Jeûne et cancer : des résultats favorables mais avec "des incohérences et imprécisions", sciences et avenir, 23 juin 2020

Brief Quasi-Fasting Diet Boosts Breast Cancer Chemo Response, MedPage Today, 28 juin 2020

Partager :