Peut-on arrêter de bouger la nuit ?

D’un côté, d’un autre, puis sur le dos, les jambes secouées de spasmes… les nuits agitées sont loin d’être reposantes. De la simple conséquence d’un dîner trop lourd au trouble neurologique, les causes de mouvements nocturnes sont variées mais doivent toujours faire l’objet de questionnements. "Habituellement, le sommeil est calme, même s’il est fréquent et banal d’observer des mouvements pendant le sommeil. En premier lieu, il faudra vérifier s’il y a un retentissement de ces mouvements sur la qualité du sommeil et de s’assurer que le sommeil est suffisamment réparateur", note le docteur Jérôme Lefrançois, médecin généraliste et membre de la Société Française de Recherche et de Médecine du Sommeil (SFRMS).
Soigner son hygiène de vie
Un sommeil mouvementé trouve ses causes les plus banales dans de mauvaises habitudes de vie : "le stress, une dette de sommeil, la consommation d’excitants comme le tabac, le café ou l’alcool ou encore un excès de sédentarité" énumère le spécialiste. Dans ce cas, le premier réflexe à avoir consiste à soigner son hygiène de vie : "adopter des horaires réguliers de coucher, conformes au besoin de son horloge biologique personnelle ; les 'couche-tôt' doivent, la majorité des soirs, se coucher tôt !" décrit tout d’abord le docteur Lefrançois.
Autre conseil pour des nuits plus apaisées : "Ne mangez ni trop gras, ni trop alcoolisé le soir et terminez votre repas au moins une heure et demie ou deux heures avant l’heure du coucher" recommande le médecin. Côté activité sportive, "évitez les sports 'violents' le soir, par contre les activités sexuelles sont à conseiller…" Enfin, limitez toute source de stimulation du cerveau (usage des écrans, conflits, tâches administratives…) et "privilégiez ce qui peut relaxer le corps et la tête dans les deux heures précédant le coucher, au choix parmi la relaxation, la méditation, la lecture apaisante ou encore la musique".
En attendant, côté literie, on fait comment ? "En couple, si l’un des deux bouge beaucoup, il peut être approprié de se poser la question de 'faire chambre à part' et, a minima, de faire 'lit à part' car la qualité du sommeil est fondamentale pour la qualité de la vie et pour la santé, à la fois de la personne qui bouge beaucoup et pour son ou sa partenaire" reconnaît le docteur Lefrançois. Une solution peut être celle d’un grand lit à large sommier comportant deux matelas séparés : "l’idéal serait de tester cette solution (par exemple à l’hôtel) avant d’enclencher un achat coûteux" conseille le médecin.
Myoclonies et rythmies du sommeil : le bon diagnostic
Si vous respectez une bonne hygiène de vie, les agitations nocturnes sans causes pathologiques devraient se dissiper. Mais si malgré vos efforts, "les mouvements nocturnes restent fréquents et gênants pour vous ou pour votre voisin·e de lit, consultez un médecin" recommande le docteur Lefrançois. Il ou elle saura rechercher les troubles pouvant expliquer la persistance de mouvements nocturnes.
Parmi ces pathologies, on trouve les myoclonies. Il s’agit de secousses musculaires brutales des membres ou de tout le corps. "Elles sont banales et fréquentes lors de l’endormissement et peuvent réveiller la personne qui en souffre" note le docteur Lefrançois. "Grâce à un simple interrogatoire, le médecin saura faire la part des choses entre une banale myoclonie d’endormissement et la nécessité d’examens complémentaires" ajoute-t-il. S’il ne s’agit que de myoclonies d’endormissement, le seul traitement consistera, en plus des mesures d’hygiène de vie, à rassurer la personne qui en souffre.
Mais les myoclonies peuvent également être dues à une maladie neurologique qui affecte notamment la moelle épinière. Dans ce cas, elles seront appelées myoclonies propriospinales et nécessiteront un diagnostic pour mettre en place un traitement, le plus souvent à base d’hypnotiques ou d’antiépileptiques.
Autre trouble pouvant perturber la plénitude nocturne : les rythmies du sommeil. "Elles se limitent le plus souvent à la petite enfance et, quand elles réapparaissent à l’âge adulte, les raisons sont généralement psychologiques" observe le docteur Lefrançois.
Comment les reconnaître ? "Elles consistent en des mouvements de balancement répétitifs de la tête, du tronc, parfois de tout le corps" décrit le médecin.
Comment agir ? "Il faudra surtout protéger l’enfant contre les risques de traumatismes crâniens et les diminuer en appliquant des mesures d’hygiène du sommeil (coucher à heure régulière, pas d’écran deux heures avant le coucher et dîner de qualité et de quantité suffisante, comprenant des légumineuses et des féculents mais pas de sucreries)" détaille le spécialiste. Chez l’adulte, une prise en charge psychologique sera envisagée, avec éventuellement un traitement par anxiolytiques.
Agitation des jambes : mouvements périodiques et jambes sans repos
Les agitations nocturnes peuvent aussi être liées à un trouble appelé mouvement périodique des jambes. "Ces mouvements sont des contractions en flexion (de la jambe, de la cuisse, du pied, d’un orteil, unilatérales ou bilatérales), survenant pendant le sommeil, qui peuvent devenir gênantes par leur fréquence, hachant le sommeil pendant la nuit car elles provoquent souvent un sursaut. Elles peuvent aussi réveiller le ou la voisin·e de lit qui reçoit des coups" détaille le docteur Lefrançois.
Que faire ? Consulter son médecin, qui pourra rechercher et traiter le cas échéant une carence en fer ou un déficit en dopamine, une molécule de communication entre les neurones impliquée dans le contrôle des mouvements.
Au-delà de ces dosages, un diagnostic plus poussé sera nécessaire car dans 80% des cas, les mouvements périodiques des jambes sont associés au syndrome des jambes sans repos. "Ce problème chronique consiste en des sensations (très) désagréables dans les membres inférieurs : fourmillements, picotements, brûlures, décharges électriques… qui entraînent un besoin impérieux de bouger les jambes, de se lever et de marcher pour les faire disparaitre" constate le docteur Lefrançois.
Comment soigner ce syndrome ? "Outre les règles d’hygiène de vie classiques, il faudra éviter la sédentarité et bouger tous les jours. Par ailleurs, même s’il ne s’agit pas directement de symptômes liés à une insuffisance veineuse, la prévention et le traitement de celle-ci apportent une aide réelle, comme par exemple se passer de l’eau froide le soir juste avant le coucher sur les deux jambes, du dessus du genou jusqu’aux pieds", selon le médecin.
Cas plus extrême : le somnambulisme
Les mouvements nocturnes peuvent également revêtir la forme du somnambulisme, qui se traduit par le fait de se lever et de déambuler alors que le cerveau dort profondément. "Spectaculaire, impressionnant, et pourtant bien banal chez l’enfant, il disparaît le plus souvent à l’âge adulte", note le docteur Lefrançois.
Comment réagir ? "Il ne faut surtout pas chercher à réveiller l’enfant mais il faut doucement le reconduire vers son lit. Vous pouvez aussi sécuriser son environnement nocturne (barrière en haut de l’escalier, fenêtres impossibles à ouvrir, etc…) et veiller à un bon équilibre psychologique de la vie de tous les jours, qui ne peut qu’être favorable" recommande le spécialiste. Chez l’adulte, les médecins pourront envisager un traitement médicamenteux notamment à base d’anxiolytiques et une prise en charge psychologique, une psychothérapie brève, des séances d’hypnose ou encore une thérapie cognitivo-comportementale (TCC).
Sources
Merci au docteur Jérôme Lefrançois, médecin généraliste et membre de la Société Française de Recherche et de Médecine du Sommeil (SFRMS), cofondateur de l’Ecole de la Santé à Divonne-les-Bains et co-auteur avec Véronique Deschamps de l’ouvrage Les erreurs qui vous empêchent de dormir, ré-édité en novembre 2018 aux Editions Alpen.
De quel trouble du sommeil souffrez-vous ? Fondation Sommeil (Montréal, Québec), page consultée le 20 novembre 2018
Valérie Cochen De Cock . Les mouvements anormaux au cours du sommeil. Neurologie 2010;2(1):12-15. doi:10.1684/nro.2009.0117