Grossesse : les maladies qui mettent en danger le fœtus

Publié par Mathilde Polivka
le 22/05/2019
Maj le
10 minutes
a shot of pregnant woman holding ultrasound scan
Istock
Certaines maladies banales en temps normal, peuvent avoir de lourdes conséquences lorsque l’on est enceinte. Des maladies comme la rubéole, la toxoplasmose, la varicelle, le cytomégalovirus (CMV)... peuvent atteindre le fœtus et entraîner des malformations, des retards de croissance, voire des morts fœtales in utero. Le point avec le Dr Adèle Pagès, gynécologue.

En règle générale, les femmes enceintes sont des patientes fragiles car leurs défenses immunitaires sont diminuées. Certaines maladies courantes deviennent  à risques pour le fœtus. La gynécologue Adèle Pagès rappelle : "toute fièvre ou éruption cutanée pendant la grossesse doit amener à consulter son médecin." 

Rubéole, varicelle, grippe, coqueluche : prévenir avant la grossesse

Tout d’abord, Adèle Pagès souligne l’importance de ce qu’il faut faire avant d’être enceinte : "Il est fortement recommandé de vérifier les vaccinations, spécialement celles de la rubéole, de la de la grippe en période endémique, mais également de la coqueluche, et éventuellement de l'hépatite B."

Certains agents infectieux sont capables de traverser la barrière du placenta et être responsables de complications foetales. D'autres ne traversent pas la barrière placentaire mais peuvent infecter le nouveau-né à la naissance, pouvant mettre gravement en danger la vie du nouveau-né. Enfin, "Même si tous les agents infectieux ne passent pas la barrière placentaire, certains sont tout de même susceptibles de provoquer des contractions et susceptibles de provoquer des accouchement prématurés", rappelle le Dr Adèle Pagès.

A noter donc, que certaines maladies virales peuvent être évitées par des vaccins disponibles :

Le vaccin de la rubéole : Vaccination habituellement dans l'enfance. Il faut s'assurer que les femmes ayant un projet de grossesse ont bien reçu 2 doses de vaccin (surtout chez les femmes nées avant 1983)

Le vaccin contre la varicelle : Avant un projet de grossesse, il est également important de savoir si la femme a eu la varicelle dans l'enfance. Si ce n'est pas le cas, on recommande de faire un vaccin avant la grossesse. Le risque ? Le développement de malformations surtout quand on contracte la varicelle avant 4 mois de grossesse. Après 20 semaines d'aménorrhée, il n’y a plus risque de malformations. Cependant, si la maman attrape la varicelle quelques jours avant ou après l’accouchement, le risque pour le nouveau né est d'être infecté à son tour. Il s'agit de la varicelle néonatale qui est une infection sévère. Le Dr Adèle Pagès rappelle également : "La varicelle chez l'adulte et notamment la femme enceinte est potentiellement grave avec un risque de pneumonie varicelleuse. Il y a donc un double intérêt à bien s’assurer que la femme est vaccinée." Attention, il n'est pas possible de vacciner contre la varicelle une femme déjà enceinte et il faut attendre un mois avant de concevoir après une vaccination.

Le vaccin de la coqueluche : si il y a projet de grossesse, la femme doit vérifier qu'elle est bien vaccinée contre la coqueluche, ainsi que tout l’entourage du futur bébé. La coqueluche est particulièrement dangereuse avant l’âge de 6 mois. Or, cela ne provoque pas de malformations. Le seul risque est à la naissance en cas de contagion. Chez le nouveau-né, des complications graves peuvent survenir, notamment pulmonaires. La vaccination est possible en fin de grossesse ou après l'accouchement.

Le vaccin de la grippe : en période d'épidémie hivernale, il n’y a pas de malformations possibles pour le fœtus, mais la grippe néonatale est extrêmement grave. Même pendant la grossesse, la femme enceinte peut se faire vacciner contre la grippe en période d'épidémie hivernale.

Toxoplasmose : risques de fausses couches et malformations foetales

En dehors de la grossesse, cette maladie ne pose aucun problème particulier.  Les symptômes pouvant apparaître sont la fièvre, un peu de fatigue, des ganglions au niveau du cou. Mais dans la plupart des cas, l’infection ne donne aucun signe, voilà pourquoi il peut s’avérer difficile de repérer l’infection. Ainsi, une sérologie de la toxoplasmose est systématiquement prescrite avant ou en début de grossesse.

Le germe en question est un parasite appelé toxoplasma gondii qui se retrouve dans la terre. La transmission peut se faire via la consommation de fruits et légumes contaminés par le contact de la terre, les chats et leurs excréments mais aussi dans la viande et les poissons crus. Le Dr Adèle Pagès recommande alors quelques mesures de précaution à prendre.

Si le test de sérologie toxoplasmose révèle qu’on n'est pas immunisé (autrement dit on n’a jamais attrapé la toxoplasmose auparavant) :

  • Se laver les mains régulièrement, surtout après avoir manipulé de la viande crue ou des légumes souillés, après avoir caressé son chat ou avant de passer à table.
  • Eviter le contact avec les chats et ne pas changer leurs litières (si c’est un chat d’appartement qui ne quitte pas le domicile et qu’il est nourrit exclusivement aux croquettes ou conserves, ces mesures sont inutiles).
  • Bien laver les fruits et les légumes avant consommation.
  • Eviter la consommation de légumes crus au restaurant.
  • Pour les viandes crues et poissons crus ou crustacés : bien faire cuire et congeler au préalable pour détruire le parasite.

Quels sont les risques pour le foetus ? Le risque de transmission de la toxoplasmose entre la mère et le bébé est assez faible en début de grossesse, mais augmente au cours de la grossesse. 

La gynécologue rappelle que cette infection peut engendrer des fausses couches si on l’infection survient au premier trimestre de grossesse. En dehors de cette période, il y a peu de risques de mort foetale mais la toxoplasmose peut engendrer des malformations importantes notamment au niveau neurologique et ophtalmologique (type cataracte ou chorioretinite avec un risque de cécité) ou encore des retards de croissance. Plus l'infection survient tôt pendant la grossesse, plus les complications sont potentiellement graves. 

Listéria : des risques de mort foetale in utero

La bactérie listeria monocytogenesse se transmet via la consommation d’aliments contaminés. C’est une infection rare, mais très sévère. La gynécologue Dr Adèle Pagès nous rappelle l’hygiène alimentaire à suivre avec les aliments à éviter pour éviter le risque d’infection :

  • Les produits de la mer crus : les poissons (même fumés), coquillages, les sushis, sashimis, le surimi, les huîtres, etc...
  • Les viandes crues ou peu cuite.
  • Les charcuteries artisanales : notamment les rillettes, les produits en gelée, les pâtés, le foie gras etc.
  • Les fromages aux laits crus à pâtes molles à croute fleurie (type camembert, brie) et à croûte lavée (type munster, pont-l’évêque), mais aussi les fromages râpés industriels. Préférez les fromages à pâtes cuites comme le gruyère ou le comté.

Les symptômes chez la mère : une fièvre inexpliquée, des symptômes ORL ou digestifs, voire exceptionnellement une septicémie

Les risques pour le fœtus :

  • Fausses couches spontanées.
  • Mort fœtal in utero.
  • Accouchement prématuré.
  • Infection du nouveau-né.

Rappel : le Dr Adèle Pagès précise qu’"un traitement antibiotique précoce et urgent limite les complications." 

Rubéole : retards de croissances et malformations

Autre maladie dangereuse : la rubéole. Son germe est un virus. La transmission de ce dernier se fait par voie aérienne (tout, éternuements, mouchage). L'infection peut passer inaperçue chez la femme enceinte ou être responsable d'une fièvre et d'une éruption cutanée évocatrice.

Pour le fœtus, il y a un risque de malformations sévères si l’infection survient avant 20 semaines d'aménorrhée. Voici les conséquences possibles :

  • Retard de croissance.
  • Malformations cardiaques.
  • Atteintes neurosensorielles : oculaires avec risque de cécité et atteintes auditives avec risque de surdité.
  • Retards psychomoteurs.

Comment prévenir les risques ? La gynécologue souligne : "Il faut bien s’assurer d’être vacciné avant la conception. Deux injections sont nécessaires pour être protégé contre la rubéole". Il faut ensuite attendre un mois après le vaccin pour concevoir.

Si les femmes ont déjà fait les 2 rappels, elles sont automatiquement protégées quelque soit le résultat de la prise de sang  lorsqu’elles sont enceintes.

Chez une femme non protégée par la vaccination, sachant que la vaccination n'est pas possible pendant la grossesse :

Le Dr Adèle Pagès nous rappelle quelques gestes de prévention :

  • Eviter le contact avec toute personne atteinte de rubéole.
  • Ne pas partager les objets de la vie quotidienne avec ses proches (couverts, verres, brosses à dents…).
  • Aérer régulièrement vos pièces, maintenir une température à 19°C.
  • Une sérologie de contrôle sera faite vers 18 à 20 semaines d'aménorrhée pour s’assurer de l’absence de séro-conversion pendant la grossesse avec risques de malformations sévères.

Cytomégalovirus : des atteintes neurologiques

Le CMV (cytomégalovirus) est un virus qui s’attrape par contact aérien, par les sécrétions des muqueuses, surtout par la salive, il faut éviter le contact avec les enfants en bas âge.

La gynécologue insiste : "Quand on est enceinte, ou qu'on a un projet de grossesse, on évite d’échanger les cuillères avec les jeunes enfants." Cela même si l'infection maternofoetale reste rare.

Les symptômes chez la mère : dans la plupart des cas, l’infection par le virus reste asymptomatique. Il peut cependant y avoir parfois des :

  • Symptômes grippaux banals (fièvre, douleurs musculaires et/ou articulaires, ganglions cervicaux).
  • Eruptions cutanées : tâches rouges assez typiques. Au départ sur le visage puis vers le tronc et les membres.

Les risques pour le fœtus ? Dans la plupart des cas, il n’y a pas de retentissements fœtaux. Cependant, plus l’infection survient tôt et est symptomatique chez la mère, plus les risques et les séquelles sont potentiellement graves. Le fœtus peut contracter :

  • Une atteinte neurosensorielle avec risque de surdité.
  • Une atteinte neurologique avec risques de retards psychomoteurs.
  • Un retard de croissance.
  • Une mort fœtale in utero.

Il n’y a pas de vaccins disponibles contre ce virus. Le Dr Adèle Pagès nous rappelle quelques mesures de prévention à adopter :

  • Eviter le contact avec les enfants en bas âge même si cela reste une mesure compliquée quand la mère est en contact avec d’autres enfants.
  • Se laver les mains fréquemment et systématiquement après changes et mouchage des enfants.
  • Eviter d’échanger les couverts.

Le dépistage du CMV par une sérologie en début de grossesse est controversé et discuté depuis plusieurs années.

Parvovirus B19 : fausses couches et morts feotales

Le parvovirus B19 est une infection rare, la transmission se fait par voie aérienne principalement.

Quels symptômes chez la mère ? L’infection est généralement bénigne, et peut être asymptomatique. Cependant, il est également possible d’avoir un syndrome pseudo grippal peu spécifique (fièvre, douleurs musculaires et/ou articulaires), ou encore des éruptions cutanées. La majorité des femmes sont cependant immunisées.

Quels risques pour le fœtus : le Dr Adèle Pagès explique : "Il faut savoir que dans la grande majorité des cas, il n’y a pas de transmission fœtale (le risque est de 10%) mais il peut être responsable d'anémie foetale avec un risque de fausse couche ou de mort foetale in utéro.." Plus l’infection est précoce, plus les conséquences sont graves. 

Hépatite B, Hépatite C et VIH : des risques d'infections néonatales

Il n’y a pas de risques de passage placentaire mais il existe un risque de transmission à l’accouchement avec un risque d’infection néonatale. Ainsi, il est important de se faire dépister au mieux avant ou pendant la grossesse par une sérologie VIH, VHB et VHC car des mesures spécifiques pendant la grossesse et à l’accouchement seront entreprises pour la mère ainsi que l’enfant à la naissance.

Syphilis : malformations, retards de croissances, morts foetales in utero

La syphilis est une infection sexuellement transmissible. L’agent responsable est la bactérie treponema pallidum. Le dépistage se fait en début de grossesse. Cette maladie provoque des risques de malformations foetales, des risques de retards de croissance et des morts fœtales in utero. Un traitement est disponible si il y a une sérologie positive en début de grossesse.

Voyages : attention au Zika

La gynécologue nous rappelle : "de manière générale, il faut éviter de voyager dans les pays à risque quand on a un projet de grossesse. Je pense notamment aux Antilles pour le virus Zika, qui peut donner des risques de malformations cérébrales. Il est donc nécéssaire de consulter un médecin lors d'un projet de voyage à l'étranger et notamment dans les zones à risques"

Papillomavirus : un cas particulier

Il n’y a pas de risques de malformations fœtales avec le papillomavirus, mais il existe un risque de papillomatose laryngée à la naissance avec risque de détresse respiratoire, si il y a présence de condylomes vulvaires (verrues vulvaires) chez la mère pendant l’accouchement.

C'est le contact du bébé avec ces condylomes à l’accouchement peut être potentiellement responsable de détresse respiratoire à la naissance. D’où l’importance notamment de la vaccination HPV, contre le cancer du col de l’utérus : "outre le bénéfice sur le risque de cancer du col de l’utérus et la prévention des conisations, susceptibles de provoquer des accouchements prématurés ou des fausses couches tardives, le vaccin permet de prévenir l’apparition des condylomes vulvaires."

Rappel : la vaccination se fait entre 11 et 14 ans, avec rattrapage jusqu’à 19 ans révolus.

Partager :