Migraine : les techniques pour la soulager sans médicaments

Souvent associée à des blagues graveleuses, la migraine est un trouble bien réel pour celles et ceux qui en souffrent. Elle n'est d'ailleurs pas rare, puisque près d'une personne sur cinq est migraineuse en France. Dans les trois quarts des cas, ce sont les femmes qui sont touchées.
Au-delà des symptômes bien connus, la migraine peut être particulièrement invalidante, avec des répercussions sur la vie personnelle, sociale et professionnelle. Des traitements permettent de les apaiser, voire même de les prévenir.
En complément de cette approche "chimique", des méthodes non médicamenteuses permettent de soulager une crise, sur le plan du confort et du bien-être notamment. E-Santé fait le point avec deux spécialistes de la migraine et de la douleur.
Eviter les facteurs de déclenchement
A la base de toute migraine, une excitation anormale des neurones se produit. C'est elle qui provoque les symptômes douloureux. Ce brusque regain d'activité est souvent lié à des facteurs de déclenchement. Fromages, charcuterie, luminosité… Ceux-ci sont multiples.
"On peut proposer leur éviction quand les patient.e.s ont constaté qu'ils généraient des crises ou les aggravaient, explique le Dr Marguerite d'Ussel, présidente du Comité de lutte contre la douleur (CLUD) au Groupe hospitalier Paris-Saint-Joseph (Paris).
Mais il arrive que certains déclencheurs soient inévitables. Un rayon de soleil mal placé, par exemple. Lorsque les premiers signes se font ressentir, le réflexe est généralement le même : se réfugier dans une pièce calme, sombre et fraîche.
"En phase de crise, les patient.e.s évitent systématiquement les sources de bruit, la lumière mais aussi certaines odeurs, confirme le Dr Danièle Ranoux, neurologue spécialiste de la migraine au Groupe hospitalier Paris-Saint-Joseph.
Un réflexe salvateur puisqu'il aide à mieux tolérer la douleur pulsatile qui caractérise ce trouble neurologique. Ça n'est d'ailleurs pas pour rien que les crises s'accompagnent souvent d'une intolérance à la lumière et d'une hypersensibilité aux odeurs et aux bruits.
Ce repos dans l'obscurité peut être l'occasion de tester une autre méthode non médicamenteuse : la sieste. "Certains patients ont besoin de dormir pour que la crise s'arrête, sans qu'on puisse réellement l'expliquer, opine la neurologue. C'est particulièrement le cas chez les enfants, qui disposent de peu d'options médicamenteuses."
La stimulation trans-cutanée
Dans le cas de migraine chronique, les services hospitaliers spécialisés dans le traitement de la douleur disposent d'une arme complémentaire : les appareils de neurostimulation électrique transcutanée (TENS).
Prescrits par un médecin en activité dans un service spécialisé dans les douleurs chroniques, et remboursés par l'Assurance maladie, ces dispositifs ont plusieurs mécanismes intéressants. Certaines migraines chroniques sont entretenues, voire provoquées, par des contractures cervicales. Or, "la neurostimulation a un effet de relaxation musculaire et un effet antalgique", explique Marguerite d'Ussel.
A utiliser chez soi, ils consistent en plusieurs électrodes qui délivreront un léger courant électrique au niveau des cervicales. "Elles aident à soulager la contracture au moment où la crise arrive", souligne la spécialiste de la douleur. Mais à une condition : utiliser dès les premiers signes, sans attendre que la douleur ne s'installe.
L'apport ponctuel du massage
Pour soulager les cervicales, le massage peut aussi s'avérer utile – qu'il soit réalisé ou non par un.e professionnel.le. "Il arrive que je prescrire de la kinésithérapie, si la personne souffre de tensions cervicales, précise Danièle Ranoux. Mais il faut savoir que certains massages ont l'effet contraire et déclenchent des migraines."
Une seule personne saura indiquer si les manipulations lui sont utiles ou non : le ou la patient.e. "Les migraineux.ses se connaissent bien et savent identifier ce qui déclenche une crise", rappelle la neurologue.
L'intérêt des huiles essentielles
Au rayon des techniques naturelles, les huiles essentielles peuvent aussi apporter un soulagement concret. Appliquées sur les doigts, elles sont déposées sur les tempes par un léger massage au moment de la crise.
Cette stratégie n'est pas systématiquement efficace, et ne fera pas de miracle. Mais il est intéressant de la tester pour plusieurs raisons.
"Je conseille souvent d'utiliser le baume du tigre ou l'huile essentielle de menthe poivrée, qui sont assez efficaces, surtout chez l'enfant, indique le Dr Danièle Ranoux, neurologue. Ils ont l'intérêt de diminuer l'intensité de la douleur et laissent un moment pour se reprendre."
En plus de cette action antalgique, ces produits peuvent aussi décongestionner les sinus, ce qui offre plus de confort lors d'une crise de migraine.
Le chaud ou le froid : à la carte
La menthe poivrée a une action rafraichissante mais ce n'est pas la seule substance qui permette de soulager la douleur. Une poche de glaçons peut aussi avoir un effet bénéfique. "Le froid a plus tendance à fonctionner au niveau des tempes, là où la douleur est pulsatile", indique le Dr Ranoux.
A l'inverse, le chaud s'avère plus intéressant pour détendre les épaules, qui ont tendance à se crisper en période de crise. "Si la chaleur leur fait du bien, il faut l'utiliser dès le début de la crise, pas une fois que la douleur est totalement installée", recommande le Dr Marguerite d'Ussel.
En effet, les contractures musculaires peuvent entretenir une crise de migraine. Les combattre s'avère donc utile. Pour cela, douches et bains sont intéressants. "Mais l'eau du bain ne doit pas être trop chaude, rappelle Danièle Ranoux. L'intérêt de la douche, c'est qu'on peut la prendre très chaude sans augmenter la température corporelle."
Le choix de la méthode incombe à chacun, en fonction de ce qui s'avère le plus efficace.
L'auto-hypnose est utile
Les symptômes de la migraine sont particulièrement invalidants. Mais ils ont aussi des répercussions psychologiques sérieuses. C'est pourquoi disposer de techniques permettant de mieux la supporter est très utile.
"Les neurologues n'y sont pas toujours favorables, mais l'auto-hypnose est souvent utilisée par les patients", explique le Dr Danièle Ranoux. Elle permet d'accéder à un état de conscience modifié qui limiterait l'anxiété et les douleurs.
Pour en tirer tout le bénéfice, il est important d'entamer la séance lorsque la migraine montre ses premiers signes. "Cela permet de la rendre psychologiquement plus supportable et de réduire son intensité, mais il est plus difficile de la mettre en œuvre quand la douleur s'est installée", indique la neurologue.
En centre antidouleur, d'autres techniques similaires peuvent être enseignées, comme des exercices de respiration ou encore la cohérence cardiaque. "Ces stratégies diminuent l'anxiété, aident à respirer correctement, liste le Dr Marguerite d'Ussel. On pense aussi qu'elles sollicitent les aires cérébrales impliquées dans la douleur, diminuant le ressenti douloureux", ajoute cette spécialiste de la douleur.
Une TCC pour réduire l'anxiété
Toujours sur le plan psychologique, recourir à une thérapie cognitivo-comportementale (TCC) peut s'avérer intéresser pour combattre les répercussions quotidiennes de la migraine. "Beaucoup de patient.e.s ont tendance à anticiper les crises de manière anxiogène et adoptent des comportements d'évitement trop larges", déplore le Dr Danièle Ranoux.
Cette thérapie, proposée par des psychologues ou psychiatres, permet d'adopter une attitude plus positive vis-à-vis de la migraine. Evitant, au passage, d'exclure les petits plaisirs du quotidien qui ne sont pas impliqués dans les crises. "Se priver de chocolat parce qu'il cause des migraines chez certaines personnes, c'est dommage", confirme le Dr Marguerite d'Ussel.
Une limite toutefois : ces thérapies ne sont pas remboursées par l'Assurance maladie et peuvent représenter un coût non négligeable…
Ne pas attendre le dernier moment
Quelle que soit la méthode non médicamenteuse, un élément est essentiel : il ne faut pas attendre le dernier moment pour agir. "Les patient.e.s ont tendance à attendre que le mal soit installé pour agir", déplore Marguerite d'Ussel.
En ce qui concerne les médicaments, les neurologues insistent bien sur l'importance de prendre les triptans à temps. "Mais ce n'est toujours pas un réflexe pour les approches non-médicamenteuses, alors qu'elles sont plus efficaces si elles sont prises tôt", souligne la spécialiste de la douleur.
Les médicaments restent indispensables
Si les techniques non médicamenteuses sont très utiles, il est important de se rappeler qu'elles ne remplaceront pas un traitement médicamenteux, ponctuel ou de fond. "La plupart du temps, il faut un médicament pour faire céder la crise de migraine", abonde le Dr Danièle Ranoux.
La neurologue voit ces stratégies comme "une boîte à outils qui permet d'aider à calmer les crises". Un discours confirmé par le Dr Marguerite d'Ussel : "Les techniques non médicamenteuses que nous proposons complètent les médicaments mais ne les remplacent pas."
Ces différentes méthodes peuvent avoir un effet additionnel : limiter le recours aux médicaments comme le paracétamol ou la codéine. "Ces traitements peuvent entraîner ou entretenir des migraines chroniques", rappelle la spécialiste de la douleur. D'où l'importance de ne pas céder aux sirènes de l'automédication et de se tourner vers un spécialiste de ces douleurs.
Sources
Fiche sur la migraine de la Fédération Française de Neurologie, consulté le 13 avril 2018
Site de la Société française d'études des migraines et des céphalées
Les migraines, c'est fini, Dr Daniel Scimeca, éditions Alpen