Manger son placenta après l'accouchement : faut-il le faire ?

Publié par Sophie Raffin
le 15/10/2019
Maj le
5 minutes
3d illustration of fetus (baby) in womb anatomy
Istock
Publication validée par Dr Olivia Anselem
La vue d’un placenta n’est pas très ragoûtante. Pourtant, des mamans d’outre-Atlantique n’hésitent pas à récupérer cet organe pour le manger ou le transformer en gélules, certaines que cela facilitera les suites de couches. Mais est-ce vraiment bon pour la santé ?

Placenta : peut-il être mangé après l’accouchement ?

Le placenta est un organe éphémère qui se forme pendant la grossesse. Il permet de rapprocher les éléments du sang maternel et ceux du sang fœtal par le biais des chambres intervilleuses. Il a une fonction nutritive et respiratoire. Il protège également le bébé de certaines toxines et pathogènes rencontrés par la mère. Il permet aussi d'extraire - via le sang de la mère - les déchets du fœtus. “On peut le voir comme une station d’épuration” explique le Dr Olivia Anselem, gynécologue obstétricienne.

De forme arrondie, le placenta a un diamètre moyen de 22 cm pour un poids d'environ 450 grammes à terme. Certaines femmes le récupèrent après l’accouchement pour le consommer dans l’espoir de lutter contre la fatigue et la dépression post-partum. Aux USA, il est - le plus souvent - séché et transformé en poudre pour ensuite être pris sous la forme de gélule.

Placentophagie : une pratique interdite en France 

La placentophagie - acte de manger le placenta - n’est pas une tendance très développée dans l’Hexagone. Le docteur Olivia Anselem précise "En France, nous sommes très exceptionnellement confrontés à ce genre de demande dans notre pratique. Ce n’est pas dans notre culture. Par ailleurs, la loi française est très claire : le placenta est un déchet biologique qui doit être traité comme tel. C’est-à-dire qu’il doit être incinéré. Il n’est pas possible de le récupérer". L’experte ajoute "La seule chose qui peut se faire est le don de placenta pour une utilisation à visée scientifique. Il sert par exemple dans des recherches thérapeutiques".

Les hôpitaux n’étant pas autorisés à donner les placentas aux parturientes, les seules Françaises qui pourraient avoir accès à l’organe éphémère sont celles qui accouchent à leur domicile. “Toutefois, les accouchements à domicile sont aussi une pratique rare”. En effet, ils représentent en France que 1% à 2% des naissances. Selon L'Insee, sur les 784 000 bébés nés en 2016, 5 000 seulement ont vu le jour hors d’un hôpital ou d’une maternité.

Manger son placenta : des vertus non vérifiées

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<strong>Manger son placenta : des vertus non vérifiées</strong>

Les adeptes de la placentophagie assurent que cette pratique a des vertus thérapeutiques. Manger le placenta permettrait de prévenir la dépression post-partum, récupérer plus rapidement de l'accouchement et aussi favoriser la lactation.

L’obstétricienne explique “Le placenta contient beaucoup de sang donc - comme lorsque vous mangez du foie ou du boudin - il est riche en fer et en vitamine B12. Ainsi, dans l’absolu, il constitue un apport de fer. C’est d’ailleurs pour ça que les mammifères consomment le placenta après la mise bas”. Toutefois, elle prévient : "nous avons, pour notre part, d’autres sources de fer disponibles. Il suffit d’aller chez le boucher ou encore manger des lentilles pour augmenter notre apport en fer. fer. Il existe également des compléments alimentaires".

Les effets bénéfiques de la consommation de placenta sur la prévention de la dépression post-partum sont par ailleurs discutables. Le Dr Olivia Anselem ajoute “Il n’y a aucune étude scientifique qui le prouve” Elle poursuit “il faudrait faire manger en double-aveugle du placenta ou un placebo à des femmes et étudier les effets” puis reconnaît "Ce type d’étude n’est pas envisageable en raison des risques associés à la consommation de placenta … et parce que cette méthodologie serait probablement peu accepté par les femmes".

Le placenta : des risques possibles pour la santé

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<strong>Le placenta : des risques possibles pour la santé</strong>

Manger son placenta représente un risque infectieux. L’organe contient une quantité importante de sang. Or, ce dernier est un milieu de culture favorable à la prolifération des bactéries. “Il peut ainsi contenir un grand nombre de bactéries. D’autant plus, si on a accouché à domicile. La poche des eaux étant ouverte pendant tout le travail, les germes qui viennent de l'extérieur ou tout simplement du vagin peuvent venir coloniser le placenta “ explique la médecin.

Ces bactéries mettent en danger la maman, mais éventuellement aussi le bébé. Le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies des USA (Centers for Disease Control and Prevention - CDC) a alerté les femmes contre cette pratique en 2017. En septembre 2016, une maman qui consommait des gélules de placenta contaminées au Streptococcus agalactia, a transmis l’infection à son bébé en l’allaitant. Hospitalisé, il a été soigné grâce à des antibiotiques. Les chercheurs du CDC prévenaient dans leur rapport “Le processus de mise en capsule du placenta n'éradique pas les pathogènes infectieux, donc l'ingestion de capsules de placenta doit être évitée”.

Ces stars qui ont mangé leur placenta 

<strong>Ces stars qui ont mangé leur placenta&nbsp;</strong>

En France, la placentophagie vient sur le devant la scène, surtout lorsqu’une star avoue avoir tenté l’expérience. Kim Kardashian tout comme sa sœur Kourtney ont reconnu l’avoir fait après leurs accouchements. Et, elles ne sont pas les seules en Amérique du Nord. Katie Holmes, Mayim Bialik (The Big Bang Theory), January Jones (Mad men), Hilary Duff, Alicia Silverston (Clueless) ont consommé leur placenta, que cela soit cuisiné sous forme de gélules, smoothie et autres mixtures..

Chrissy Teigen, la femme du chanteur John Legend, a aussi mangé le placenta après la naissance de son fils en mai 2018, certaine que cela la protégerait de la dépression post-partum. Elle a plaisanté sur le sujet “Je suis à Los Angeles, c'est très normal. Ils en font griller ici !”.

En France, Joey Starr est la seule célébrité ces dernières années à avoir reconnu avoir mangé du placenta. Il a partagé son expérience sur le plateau de l’émission de France 5 “C à vous” en avril 2015. Il a confié "J’ai goûté le placenta, j’ai mangé un peu de mon fils". L’artiste français a ensuite expliqué : "Vous savez, moi, je suis du genre : je vois une vache dans un pré, j’ai faim. Là, j’ai regardé et dans ma tête de béotien moyenâgeux, je me suis dit : quel goût ça doit avoir ce truc ?".

Sources

Merci au docteur Olivia Anselem, gynécologue-obstétricienne et co-auteur du livre "Il était 9 mois" aux éditions Albin Michel.

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