Bouffée de chaleur : les prises de température anti-covid posent problème

Publié par Sophie Raffin
le 26/05/2020
Maj le
6 minutes
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Entreprises, aéroports, administrations… de nombreux décideurs ont choisi de se tourner vers la prise de température pour tenter d’éviter des cas de contagions du COVID-19 entre leurs murs. Mais cette mesure n’est pas forcément la plus efficace, surtout face à femmes ménopausées qui souffrent de bouffées de chaleurs.

En cette période de lutte contre la pandémie de coronavirus, il ne faut pas montrer patte blanche, mais une température comprise entre 36° et 37,5°, pour entrer dans certains bâtiments (entreprises, administrations, aéroports…). Toutefois la prise de température peut se montrer problématique pour certaines femmes comme l’a fait remarquer la gynécologue américaine Dr Jennifer Gunter sur Twitter.

Les scanners thermiques peuvent être faussés par les bouffées de chaleurs

À l’exemple du conseil départemental des Yvelines qui souhaite installer des caméras capables de mesurer la température corporelle, dans 70 “points de présence” (services sociaux, bâtiments administratifs, PMI…), plusieurs structures ont adopté un contrôle de leurs accès via une prise de la température

Pour la praticienne d'outre-Atlantique, cette mesure a des lacunes. Elle est même discriminante pour de nombreuses femmes. Elle déplore sur son compte Twitter “Les scanners thermiques en tant que moyen de dépistage des personnes pour le COVID vont affecter beaucoup de femmes en transition de la ménopause et en post-ménopause. Les bouffées de chaleur peuvent augmenter la température de la peau (pas la température corporelle). L'exercice peut aussi être un déclencheur. Personne ne court jamais vers la porte d’embarquement ?”

twitter.com/DrJenGunter/status/1259939559443279878

La gynécologue Dr Odile Bagot, auteure de “Ménopause, pas de Panique” aux éditions Mango corrobore les arguments de sa consœur. “En effet, si l’on prend le scanner de température d’une femme ménopausée au moment d’une bouffée de chaleur, la température sera supérieure à la normale”. 

La raison ? Lors de la ménopause, les femmes enregistrent une chute de leur taux d'œstrogènes, hormones qui régulent entre autres la température. Ainsi les outils du “thermostat corporel” s’emballent brusquement, provoquant des bouffées de chaleur. 

Le plus souvent, cette sensation de chaleur, connue par plus de 7 femmes ménopausées sur 10, est éprouvée au niveau de la figure ou du thorax. La surface de la peau devient chaude au toucher, et encore une fois le visage est le plus affecté par ce symptôme. 

Que faire si un épisode nous joue des tours lors d’un scanner thermique ? “Il suffirait de recommencer peu de temps après lorsque la cocotte-minute sera moins sous pression....”, recommande le Dr Odile Bagot. En effet, la chaleur au niveau de la peau diminue après la bouffée de chaleur.

Mais les femmes ménopausées ne sont pas les seules à risquer de se voir pointées du doigt à cause d’une température plus élevée que les standards 37°degrés. “De manière générale, la température corporelle change à plusieurs époques de la vie : par exemple au moment du cycle (elle augmente en deuxième phase) ou pendant la grossesse. Ce type de dépistage ne m’a pas l’air très pertinent”, conclut la spécialiste française.

Prise de température : ce n’est pas un contrôle efficace pour le Haut conseil de la santé 

Les deux gynécologues ne sont pas les seules à voir des failles et des limites à cette mesure de prévention du COVID-19. Le Haut Conseil de la santé publique a indiqué dans son avis du 29 mai que la prise de température n’est pas un contrôle efficace. Il recommande entre autres de : 

  • ne pas mettre en place un dépistage du Covid-19 dans la population, par prise de température, pour un contrôle d’accès à des structures, secteurs ou moyens de transport ;
  • informer la population sur le manque de fiabilité de cette mesure systématique de la température ;
  • rappeler l’intérêt pour les personnes de mesurer elles-mêmes leur température en cas de sensation fébrile, et plus généralement devant tout symptôme pouvant faire évoquer un Covid-19, avant de se déplacer, de se rendre sur leur lieu de travail, de rendre visite à un résident dans un Ehpad ou à une personne à risque de forme grave à domicile, de se rendre en milieu de soins, en milieu carcéral, ou dans tout ERP… ;
  • privilégier l’autosurveillance, la déclaration spontanée et la consultation d’un médecin en cas de symptômes évocateurs de Covid-19.

Bouffées de chaleur : qu’est-ce qui les provoque ?

Bouffées de chaleur : qu’est-ce qui les provoque ?

Les bouffées de chaleur se caractérisent par une sensation soudaine de coup de chaud. Elles peuvent aussi être accompagnées d’une transpiration excessive, un rythme cardiaque élevé, ou encore des picotements dans tout le corps. 

Ce trouble est capable de durer de quelques minutes à une demi-heure. Il peut survenir à tout moment de la journée. Si cela se produit dans la nuit, les bouffées de chaleurs peuvent prendre le nom de sueurs nocturnes

Le visage, le buste et le thorax sont les zones les plus touchées. Toutefois, les personnes qui en souffrent, peuvent aussi les ressentir dans d’autres parties du corps comme le dos ou le cou.

Les bouffées de chaleur sont provoquées principalement par des modifications des taux d’hormones. La cause la plus fréquente est la ménopause. La chute de production des œstrogènes enregistrée provoque un dérèglement du contrôle de la température, puisque cette hormone sexuelle joue aussi un rôle dans la gestion du “thermostat” corporel.

Toutefois, les femmes ménopausées ne sont les seules à vivre ces soudaines montées de températures, les femmes enceintes qui connaissent aussi de nombreux changements hormonaux, peuvent en ressentir pendant la grossesse.
Les bouffées de chaleur sont aussi susceptibles d’être des symptômes d'hyperthyroïdie, d'hypoglycémie ou encore de rosacées. Elles sont aussi des effets secondaires possibles de la chimiothérapie ou de traitements anti-oestrogéniques.

Comment savoir qu’il s’agit bien d’une bouffée de chaleur ?

  • une sudation excessive et soudaine au niveau du visage ;
  • une température corporelle normale ;
  • des palpitations cardiaques ;
  • des rougeurs sur les zones touchées ;
  • des frissons ;
  • un échauffement des extrémités.

Bouffées de chaleur : comment les réduire ?

Bouffées de chaleur : comment les réduire ?

Si la ménopause est à l’origine des bouffées de chaleur, la prise d’un traitement hormonal de substitution offre la possibilité de réduire leur importance. Toutefois, des astuces permettent aussi de les limiter :

  • se rafraîchir : boire de l’eau bien fraîche, voire glacée, se doucher à l’eau froide, permet d’abaisser la température du corps que les bouffées de chaleur ont fait monter. Si vous n’êtes pas chez vous, glissez un brumisateur ou des lingettes dans votre sac ;
  • baisser la température dans la pièce occupée : baisser le thermostat, climatisation, allumer un ventilateur… ;
  • se détendre : limiter le stress permet d’éviter des épisodes. Le yoga, la méditation, les exercices de respirations sont de bons moyens pour ralentir votre rythme cardiaque et votre respiration et amplifier la sensation de bien-être ;
  • porter des vêtements en fibres naturelles (lin, coton, laine) : ils offrent en général une meilleure circulation de l’air que les habits en synthétiques. En comparaison, les matières synthétiques gardent plus la chaleur corporelle, élément qui favorise la sudation et les bouffées de chaleur. Toutefois attention, le coton n'est pas forcément la fibre naturelle la plus adaptée. Cette matière laisse moins passer l'air que certains vêtements de sport. Autre inconvénient à connaitre, la laine reste mouillée après avoir transpiré.
  • multiplier les couches d’habits. Astuce toujours vestimentaire : privilégiez le duo gilet t-shirt au pull. Cela permet de se découvrir en fonction de la chaleur ressentie.

Sources

Merci au docteur Odile Bagot, auteure de “Ménopause, pas de Panique” et "Perturbateurs endocriniens, la guerre est déclarée" aux éditions Mango.

Compte Twitter du Dr Jennifer Gunter

Yvelines : des caméras thermiques contre le Covid, Les Échos, 18 mai 2020

Contrôle d'accès par prise de température dans le cadre de l’épidémie à Covid-19, HCSP, Avis du 24 avril 2020

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