Antidépresseurs, psychotropes : leurs vrais effets secondaires !


Antidépresseurs : 50 doses par jour pour 1000 Français
Contrairement aux idées reçues, l'Hexagone n'est pas le premier pays consommateur d'antidépresseurs. Selon le Panorama de la santé 2015 de l’OCDE, ce titre revient aux Islandais avec 118 doses quotidiennes. Avec 50 doses par jour pour 1000 habitants, les Français se placent finalement juste en dessous de la moyenne mondiale (58).
Les Français qui ont besoin de psychotropes pour gérer leurs troubles de l'humeur ont 5 catégories d’antidépresseurs à leur disposition. Le Professeur Emmanuel Haffen psychiatre au CHU de Besançon et Directeur du département des Neurosciences à l’Université de Franche-Comté explique "Les plus anciens sont les antidépresseurs imipraminiques appelés également tricycliques ainsi que les inhibiteurs de monoamine oxydase (IMAO)".
Par la suite, sont apparus dans les années 80, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (IRS). Les professionnels de la santé peuvent également prescrire des inhibiteurs de la recapture mixte de la sérotonine et la noradrénaline. Le spécialiste précise "Dans une 5e classe, il y a ceux qu'on appelle les autres antidépresseurs. Ils sont mis dans un “même panier” même s'ils sont différents".
Toutefois, la classification des psychotropes est appelée à évoluer dans les mois à venir sous l'impulsion du congrès européen de neuropharmacologie. Le Pr Emmanuel Haffen explique "On ne proposerait plus une classification en fonction de la structure moléculaire, mais plutôt en fonction des effets pharmacologiques des traitements. Cela permettrait de voir les psychotropes de façon différente. Quand vous prenez des anti-psychotiques, on pense que c'est réservé au traitement de la psychose alors qu'en fait, ils peuvent aussi être indiqués dans les troubles bipolaires et la dépression. Il y a un message un peu confus avec la classification des psychotropes actuelle. La nouvelle nomenclature changerait cela".
Comment choisir le bon antidépresseur ?
Si tous les antidépresseurs font disparaître le sentiment de tristesse ressenti pendant la dépression, ils agissent différemment. Certains stimulent le patient et soulagent les signes de fatigue liés à la maladie tandis que d'autres jouent un rôle sédatif en apaisant les angoisses.
"Contrairement à l'oncologie, nous n'avons pas de marqueur spécifique de la réponse. Le médecin choisit un traitement en fonction du profil du patient. Selon si le malade a une dépression présentant des symptômes anxieux ou ralentis, il prescrira un traitement à visée anxiolytique ou stimulante".
Par ailleurs, chaque individu répond plus ou moins bien à un type de psychotropes et ressent des effets secondaires plus ou moins importants.
Les effets indésirable et contre-indications des antidépresseurs tricycliques

Les contre-indications : attention en cas de maladie cardiaque
Les antidépresseurs tricycliques sont des dérivés de la molécule imipramine. Ils inhibent la recapture au niveau des synapses des neurotransmetteurs sérotonine et noradrénaline. S'ils sont efficaces face aux épisodes dépressifs caractérisés ou même certains cas d'énurésie et de troubles obsessionnels compulsifs, ils sont contre-indiqués pour certains patients.
Présentant des risques cardiovasculaires, ils ne peuvent être prescrits aux malades ayant eu des troubles cardiaques, et plus particulièrement ceux ayant eu un infarctus du myocarde récent.
Le glaucome à angle fermé est une contre-indication formelle. Le médicament ne peut pas être pris pendant une grossesse ou l'allaitement. Par ailleurs, il ne doit pas non plus être pris avec des IMAO.
Les effets indésirables : des tremblements
Chez les patients qui prennent des antidépresseurs tricycliques, les manifestations neurologiques avec tremblement (langue, mains...) sont assez fréquentes. En raison des propriétés anticholinergiques de ce médicament, le malade peut également se plaindre de sécheresse buccale, constipation, dysurie (difficultés à uriner) ou d'une augmentation de la pression intraoculaire.
Ce type d'antidépresseur peut également provoquer une hypotension artérielle liée à l'action au niveau sympathique. Le Pr Emmanuel Haffen avertit "Il faut donc faire attention à cette prescription chez les patients âgés. Elle peut entraîner des chutes et donc des fractures".
Les patients peuvent aussi se plaindre d'une prise de poids entre autres "avec l'Amitriptyline (Laroxyl®) qui est l'un des plus prescrits".
Le médecin ajoute "Comme avec tous les antidépresseurs, il a un effet sur la vie sexuelle. Pour sa part, il peut entraîner un risque d'impuissance, une altération de la libido. Ces signes doivent être pris en compte, surtout chez le malade qui est en phase de rémission. En effet, le patient qui va mieux peut être très gêné par une libido éteinte".
Les IMAO : contraignants, ils présentent des risques

Le rôle des inhibiteurs de la monoamine oxydase non-sélectifs (IMAO) est d’empêcher les monoamines oxydases de dégrader les neurotransmetteurs comme la sérotonine et les catécholamines. Ces médicaments ne sont quasiment plus prescrits en France en raison de manque de disponibilité et des effets indésirables sérieux. Ils augmentent les risques de faire une hypertension artérielle maligne. De plus, ils sont très contraignants, car une alimentation riche en tyramine est à proscrire... Or cet acide aminé est présent dans de nombreux aliments comme le chocolat, la banane, les fromages fermentés, les mets fumés ou encore la bière et le vin.
Les IMAO non-sélectifs ne sont plus donnés en première prescription. Disponibles que dans les centres hospitaliers, ils sont réservés aux personnes ayant des épisodes dépressifs très résistants.
Les IMAO sélectifs : une efficacité moindre
Les IMAO sélectifs qui ciblent une seule monoamine oxydase (soit la A, soit la B) sont moins efficaces que les non-sélectifs, mais globalement mieux supportés. Toutefois, certains patients peuvent souffrir de vertiges, nausées et de troubles gastro-intestinaux.
Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) : céphalées, tremblements, nausées, diarrhées, vomissements

Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) qui augmentent le taux de sérotonine du patient, sont les antidépresseurs les plus prescrits en France. Il en existe 5 types :
- Fluoxétine (Prozac).
- Citalopram (Seropram) et Escitalopram (Seroplex).
- Fluvoxamine (Floxyfral).
- Paroxétine (Deroxat).
- Sertraline (Zoloft).
"Les effets indésirables avec les IRS sont liés à la stimulation sérotonine. Les patients souffrent surtout de céphalées, de tremblements, de nausées, de diarrhées et parfois de vomissement".
Parallèlement, il est possible que les malades affichent une perte de poids, en particulier ceux sous Prozac. "Elle est liée à la perte d'appétit causée par les nausées. Néanmoins avec le Deroxat qui est un peu moins stimulant, il peut y avoir une prise de poids".
Avec ces traitements, on observe aussi des symptômes de sécheresse buccale et des risques de glaucome, en raison de leurs faibles propriétés cholinergiques. Ils peuvent aussi avoir un effet sur la sexualité comme une anorgasmie. "C'est un effet fréquemment observé", reconnaît le psychiatre.
Il prévient également "Dans de rares cas, on peut aussi avoir une élévation des transaminases. C'est-à-dire une perturbation hépatique qui va nécessiter une surveillance supplémentaire. Si cela s'aggrave ou se maintient dans le temps, il peut être nécessaire d'arrêter le traitement".
Les IRS mixtes : attention à la pression artérielle
Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA) ou IRS mixtes, agissent sur le système sérotoninergique et noradrénergique. C'est le second type d’antidépresseur le plus prescrit. "Ils ont des effets thérapeutiques et secondaires similaires aux IRS".
Concernant les répercussions, on peut citer des tremblements, des vertiges, une baisse de la prise alimentaire, une tendance à la constipation ou encore une anorgasmie. "Et particulièrement pour cette classe, une hausse de la pression artérielle. Surtout chez les patients qui ont hypertension artérielle mal équilibrée ou non-diagnostiquée. Il faut être attentif", souligne le professeur Emmanuel Haffen
Les autres antidépresseurs : baisse de la vigilance
Il existe d'autres antidépresseurs n'entrant pas dans les classes mentionnées auparavant. On distingue 3 molécules : miansérine, mirtazapine et tianeptine.
Les patients qui prennent ces médicaments peuvent montrer une baisse de la vigilance. Il est ainsi déconseillé de conduire des véhicules ou d'utiliser des machines.
Avec la prise de ces traitements, une augmentation de l'appétit est observée. Ceci peut par conséquent conduire à une prise de poids.
Des sécheresses buccales, des étourdissements et des vertiges sont également rapportés. La tianeptine peut aussi conduire une atteinte hépatique tandis que la mirtazapine peut provoquer des troubles digestifs. Emmanuel Haffen prévient également “il y a aussi eu un petit warning sur les conduites addictives. Quelques cas d'abus ont été décrits” avec la tianeptine.
Traitement de la dépression : que faire face aux effets secondaires ?

Tous les individus ne montrent pas la même sensibilité face au traitement. Si les effets sont gênants ou dangereux, il faut modifier la prescription. "Généralement, si l'effet secondaire est un effet de classe, on le retrouvera aussi avec un médicament provenant de la même classe. Ainsi, si un patient souffre de nausées avec un IRS, il faudra lui prescrire un antidépresseur d'une autre classe pour mettre un terme au symptôme". En revanche, certains effets néfastes sont propres au médicament. Dans ces cas, il est possible de rester dans la même classe.
Antidépresseur : attention au syndrome de discontinuation
Une fois l'épisode dépressif maîtrisé, vient le temps de l’arrêt du traitement. Toutefois, il est préférable de ne pas le stopper brusquement, car des symptômes gênants peuvent apparaître. "Il ne s'agit pas d'un syndrome de dépendance, mais de discontinuation. C'est lié au rééquilibrage des systèmes sérotoninergiques et noradrénergiques qui étaient stimulés".
Les désordres chimiques provenant d'un arrêt brusque de la prise des psychotropes peuvent provoquer de nombreux symptômes comme des vertiges, nausées, flashes de lumière, une hypersensibilité aux bruits ou aux lumières ou encore une anxiété qui peut faire croire à une rechute. Ils apparaissent généralement dans les 2 à 4 jours après l'arrêt des médicaments.
"Ainsi, il est préférable de stopper le traitement progressivement". Ce sevrage dépendra de la durée du traitement "s'il a été pris quelques mois, il faudra quelques jours pour l'arrêter. En revanche, si les médicaments ont été pris pendant plusieurs années, il faudra plusieurs mois pour stopper le traitement".
Par ailleurs, le spécialiste met en garde contre la sous-prescription. "Pour éviter la rechute et un nouvel épisode dépressif, il faut au moins 6 mois de traitement après la guérison symptomatique. Prendre des antidépresseurs uniquement un mois ou deux augmente les risques de récurrence d'épisodes. En effet, si un patient fait un nouvel épisode, cela augmente la probabilité de rentrer dans une forme chronique de la maladie".
Sources
Merci au Professeur Emmanuel Haffen