Tabac : 7 raisons qui vous empêchent d’arrêter de fumer

Publié par Laurène Levy
le 17/10/2018
Maj le
5 minutes
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Publication validée par Dr Christophe Cutarella
Stress, peur de grossir, rituels, craving… Quels sont les principaux freins à l’arrêt du tabac ? E-santé fait le point sur la dépendance tabagique avec les explications du docteur Christophe Cutarella, psychiatre, addictologue et tabacologue.

C’est décidé, j’arrête de fumer ! Vous avez peut-être prononcé cette phrase mais n’êtes pas encore parvenu à en finir avec la cigarette. Et pour cause : arrêter de fumer est souvent plus facile à dire qu’à faire, car la dépendance tabagique est complexe. "L’addiction au tabac compte plusieurs sous-catégories de dépendance qui s’additionnent : la dépendance physique, psychologique et comportementale" nous explique en effet le docteur Christophe Cutarella, psychiatre, addictologue et tabacologue. 

Les symptômes du manque physique

Un des premiers freins à l’arrêt du tabac est en lien direct avec la dépendance physique. L’abandon de la cigarette entraine en effet un manque physique qui se traduit par des maux de tête, une déprime, une irritabilité, une labilité émotionnelle ou encore des troubles du sommeil. Autant de symptômes que redoutent les candidats à l’arrêt du tabac. Pourtant, des substituts nicotiniques adaptés pourront combler ce manque physique : "Patchs, gommes, comprimés à laisser fondre, pastilles, sprays… Le mieux est d’associer les patchs à action longue qui durent 24 heures et une forme orale à action courte comme un spray nicotinique ou une gomme nicotinique" propose le docteur Cutarella.

La peur de grossir

De la même manière, la peur de grossir constitue un frein fréquemment évoqué par les personnes qui cherchent à arrêter de fumer. "Mais cette peur cache en réalité une idée-reçue : l’augmentation de l’appétit appartient aux symptômes de manque physique, ce qui pousse aux grignotages responsables d’une prise de poids. Les substituts nicotiniques fonctionneront bien pour lutter contre ce symptôme" détaille le spécialiste. Egalement, il est important d’y associer une reprise de l’activité physique.

Habitudes et rituels

Malheureusement, la dépendance physique n’est pas la seule à générer des freins à l’arrêt du tabac. "C’est pourquoi un traitement médicamenteux seul ne permet en général pas de réussir à arrêter complètement de fumer" constate le docteur Cutarella.
Ainsi, un autre frein à l’arrêt du tabac découle de la dépendance comportementale et concerne les habitudes, les rituels et même les associations de la cigarette, notamment avec le café ou l’alcool. 

Entourage fumeur, défi à plusieurs !

Et ces habitudes sont encore plus difficiles à rompre lorsqu’elles sont partagées avec l’entourage. "En couple par exemple, le sevrage est très complexe lorsque l’un arrête de fumer et l’autre continue. Même s’il s’agit d’une démarche personnelle, le couple peut décider de convertir cela en en challenge par exemple à l’occasion du Mois sans Tabac qui a lieu en novembre, à réaliser en couple ou entre amis" propose le docteur Cutarella. "Un couple pourra aussi prendre la décision de ne plus fumer dans la maison ou dans la voiture par exemple, de manière à modifier les habitudes et les comportements pour mieux réussir son sevrage tabagique" ajoute le spécialiste.

Une pulsion irrépressible : le craving

Autre dépendance, autre frein : la dépendance psychologique constitue une entrave majeure dans le sevrage tabagique. "Penser à une cigarette, voir un fumeur, passer du temps avec des amis fumeurs, apercevoir un bureau de tabac… tous ces stimuli peuvent déclencher un craving, c’est-à-dire une pulsion irrépressible de consommer un produit à un moment donné et de façon inattendue" note le docteur Cutarella.

Cette pulsion peut facilement faire reprendre la cigarette et faire échouer le sevrage tabagique, même plusieurs années après l’arrêt du tabac. "Le craving existe pour toutes les addictions mais il est particulièrement présent dans le tabagisme. Si les substituts nicotiniques ne donnent pas de résultats satisfaisants, on peut tenter un traitement médicamenteux à base de varénicline (le Champix®) qui diminuera cette pulsion ou craving, rendra les cigarettes moins appréciables et augmentera les chances de réussite du sevrage" propose le médecin.

Trop stressé pour arrêter de fumer ?

Les personnes qui tentent sans succès d’arrêter de fumer évoquent également la barrière du stress. Mais attention, considérer que le tabac est un facteur déstressant est en réalité une idée-reçue. "Fumer entraîne un pic puis une baisse de nicotine qui génère alors un manque et une source de stress. On se dit dans ce cas que ce n’est pas le moment d’arrêter de fumer, qu’on est trop stressé pour y parvenir. Mais c’est toujours le bon moment pour arrêter la cigarette" révèle le docteur Cutarella.

Pour gérer le stress du début du sevrage, plusieurs méthodes sont envisageables : "À la clinique Saint-Barnabé de Marseille où je travaille, nous disposons de groupes pour l’addiction au tabac et d’autres groupes pour la gestion du stress qui comprennent des ateliers psychocorporels, des séances de relaxation, de sophrologie, d’auto-hypnose et des coachs sportifs qui aident à retrouver le plaisir dans la capacité physique. Ces pratiques agissent de concert contre le stress" décrit le spécialiste. Puis, lorsque le sevrage physique est terminé, les ex-fumeurs se sentent généralement plus détendus que les fumeurs.

Une part génétique

Enfin, nous ne sommes pas tous égaux devant l’addiction au tabac car il existe une part génétique à cette dépendance. "Les scientifiques ont déjà identifié l’existence de plus de 600 gènes impliqués dans l’addiction à l’alcool et la situation est probablement similaire pour l’addiction au tabac. Il n’y a pas un gène de l’addiction mais un profil d’addiction qui varie pour chaque fumeur" détaille le docteur Cutarella.

Des recherches scientifiques sont actuellement menées sur le sujet pour mieux comprendre et mieux lutter contre l’addiction au tabac. Ainsi, en octobre 2018, des chercheurs de l’Institut Pasteur ont publié une étude dans la revue Current Biology qui montre qu’une mutation génétique présente chez 35% des européens serait liée à un risque plus élevé de rechute après sevrage. De nouveaux espoirs médicamenteux pour en finir une bonne fois pour toute avec la cigarette.

Sources

Merci au docteur Christophe Cutarella, psychiatre, addictologue et tabacologue à la clinique Saint-Barnabé de Marseille et membre du Collège scientifique de la Fondation Ramsay Générale de Santé. Son blog : http://christophecutarella.com

Mois sans tabac, tabac-info-service.fr 

TabacStop 

A human polymorphism in CHRNA5 is linked to relapse to nicotine seeking in transgenic rats, Forget et al., Current Biology, 4 octobre 2018 - Communiqué de l'Institut Pasteur

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