Ce qui se passe dans votre corps quand vous arrêtez de fumer

Novembre sans tabac, résolutions du Nouvel An. En fin d'année, les incitations à arrêter de fumer sont légion. Et tout aussi nombreux sont ceux qui relèvent le défi. Chaque année, 500 000 Français raccrochent le cendrier pendant un an.
Un légère prise de poids
Arrêter de fumer s'accompagne forcément d'une prise de poids, pense-t-on. A tort. En réalité, seul un tiers des personnes qui tentent de se sevrer grossissent - et de manière modérée puisqu'ils prennent deux à quatre kilos. S'il est vrai que la cigarette peut agir comme coupe-faim et accélérateur du métabolisme, son arrêt n'a pas toujours les effets qu'on lui prête.
"La prise de poids n'est pas due à l'arrêt du tabac mais au manque de nicotine, résume le Pr Bertrand Dautzenberg. Le secret, pour ce spécialiste du sevrage tabagique, c'est de s'équilibrer rapidement à l'aide de substituts nicotiniques ou de l'e-cigarette.
"Etre bien compensé en nicotine constitue le premier stade, explique ce pneumologue. S'il n'y a pas de lutte, il n'y a quasiment pas de prise de poids. A l'inverse, plus on fait appel à sa volonté, plus on va prendre de poids." Il est ainsi conseillé de prendre des substituts oraux un peu avant les repas ou au moment des fringales.
Ce réflexe permet de modérer l'augmentation de l'appétit, qui peut apparaître temporairement. "Il est important d'accepter de se soigner en saturant les récepteurs dans le cerveau, confirme le Pr Dautzenberg. Les médecins ont du mal à le faire, mais les vapoteurs y parviennent bien." Eteindre la cigarette, c'est aussi l'occasion de reprendre en main son hygiène de vie. Boire beaucoup d'eau procure une sensation de satiété, et l'activité physique régule bien l'appétit.
Le fonctionnement des poumons expliqué en vidéo
L'humeur en prend un coup
Le sevrage tabagique peut induire stress et irritabilité, surtout lorsque le corps n'est pas encore débarrassé de sa dépendance. Le Pr Dautzenberg compare les récepteurs nicotiniques à des "chiens aboyant pour avoir leur croquette". La croquette, c'est le substitut.
"Si on compense bien en nicotine, on peut faire arrêter quelqu'un qui change de travail ou qui déménage", illustre le pneumologue. Le tout, c'est de trouver la bonne dose. Ces frustrations offrent aussi l'opportunité de prendre du recul, d'identifier les sources d'agacement et de les gérer.
Les cas de déprime sont, en revanche, à prendre au sérieux. Si vous arrêtez de fumer et que vous avez des antécédents psychiatriques, n'hésitez pas à en parler à votre médecin, qui vous proposera un accompagnement personnalisé.
On dort moins bien
Les troubles du sommeil sont assez fréquents en phase de sevrage. Réveils nocturnes, sommeil agité... Ces perturbations sont transitoires et atténuées par la prise de substituts nicotiniques. Une bonne hygiène de vie - avec des couchers et levers à heures régulières ainsi qu'un faible usage des écrans avant de dormir - modère la présence de ces symptômes.
Vérifier que le dosage en substituts est correct peut également être intéressant. En effet, la nicotine est une substance excitante. Un surdosage peut donc avoir des effets sur la qualité des nuits.
Le transit intestinal est moins bon
Le phénomène est bien connu : l'arrêt du tabac provoque un changement du transit intestinal. Le signe le plus fréquent est une constipation qui régresse au bout d'un à deux mois. Ceci est en partie dû aux changements sur la flore intestinale.
"Mais la prise de nicotine a aussi un effet sur la contraception des muscles lisses de l'intestin", précise Bertrand Dautzenberg. Autrement dit, cette substance a un effet laxatif. "Quand on fume, on va plus facilement à la selle, sourit le pneumologue. Quand on arrête tout, cela peut donc constiper un peu."
Marcher, boire beaucoup d'eau et consommer des aliments riches en fibres facilite le transit. Il peut être utile de s'assurer que le traitement substitif n'est pas sous-dosé, car cela peut entraîner une constipation.
La digestion expliquée en vidéo
On est tout le temps malade...
Dans les semaines qui suivent l'arrêt du tabac, "les fumeurs toussent plus et crachent plus", reconnaît le Pr Dautzenberg. Ce phénomène est dû au grand nettoyage qui se produit dans les voies respiratoires. Les produits nocifs de la cigarette ont profondément modifié la composition des parois qui composent les bronches et l'oesophage.
En période de sevrage, "les voies respiratoires retrouvent leur sensibilité. Les bronches ne tolèrent plus les crachats qui se sont accumulés", résume le pneumologue. Pendant environ un mois, cet excédent de mucus est évacué.
Sinusites, rhumes et angines sont donc un mal pour un bien. Une fois passée cette période, "tous les gens décrivent une amélioration de leur respiration", souligne le Pr Dautzenberg. Mais les miracles ne sont pas possibles. "L'emphysème (destruction des alvéoles pulmonaires, ndlr) provoqué par le tabac ne guérit mais se stabilise", indique-t-il.
La peau est plus pure
C'est un fait, le tabac accélère le vieilissement de la peau. Il assèche l'épidémie, ternit le teint et jaunit les dents. Pendant le sevrage, ces signes s'estompent : le teint revient à la normale, la peau est mieux hydratée, les rides moins marquées. Les signes du tabagisme persistent, par rapport aux non-fumeurs, mais ils sont moins prononcés.
On respire beaucoup mieux
Dans la journée qui suit la dernière cigarette, les poumons commencent à éliminer le mucus qui l'encombre. Au bout de 48 heures, l'odorat revient, tout comme le goût. "Les personnes retrouvent de nombreuses odeurs, certains trouvent que tout sent mauvais", s'amuse Bertrand Dautzenberg.
Au bout de 72 heures, les bronches se relâchent et la respiration s'améliore. "L'amélioration est spectaculaire sur les bronches. En un an, les grosses bronches récupèrent", détaille le pneumologue. Résultat de ces améliorations : les personnes qui souffrent d'asthme font moins de crises et les infections ORL sont moins fréquentes.
Le sevrage tabagique a un autre effet moins connu. "Quand on vieillit, on perde 30ml de souffle par an à partir de 20 ans", explique le Pr Dautzenberg. Un fumeur, lui, perd le double. "Arrêter de fumer permet de revenir au rythme habituel", indique le spécialiste.
Un coeur et des artères plus sains
Seulement 20 minutes après la dernière cigarette, la pression sanguine et les pulsations cardiaques reviennent à la normale. En l'absence d'agressions, le monoxyde de carbone diminue dans le sang. Les cellules sont mieux oxygénées. Et le coeur en profite.
En seulement 24 heures, le risque d'infarctus ou d'AVC chute drastiquement. "Le risque qu'un caillot se forme dans les artères augmente très rapidement. Mais quand on arrêt de fumer, il diminue dans la semaine et disparaît dans l'année", chiffre Bertrand Dautzenberg.
Mais le tabac a un autre effet sur le système cardiovasculaire. Il a tendance à aggraver l'athérosclérose, cette plaque qui se forme sur la paroi des artères. "Elle est longue à venir, mais se stabilise quand on arrête de fumer, explique le pneumologue. Les vaisseaux restent bouchés, au lieu de devenir très bouchés."
Moins de cancers sans cigarette
Le tabac tue. On le sait. Chaque année, il est resonsable de 44 000 décès par an - la plupart touchant les poumons. On a coutume de dire qu'après 5 ans sans fumer, le risque d'en souffrir est divisé par deux. Une analyse que modèle le Pr Bertrand Dautzenberg.
"Quand on fume, on augmente le risque de cancer du poumon de manière colossale, admet-il. Mais quand on vieillit, ce risque augmente tout de même." L'arrêt du tabac stabilise donc le bilan. Mais le nombre d'années passées à fumer doit être pris en compte. "Quelqu'un qui a fumé 10 ans n'aura pas trop de conséquences après 60 ans. Mais quelqu'un qui a fumé 30 ans sera toujours plus à risque qu'un non-fumeur", illustre le pneumologue.
Cette réduction du risque a tout de même des effets majeurs sur l'espérance de vie. En moyenne, le tabagisme raccourcit celle-ci de 22 ans. "Si on arrête de fumer à 40 ans, on ne perd que 12 années d'espérance de vie, explique le Pr Dautzenberg. Il y a un bénéfice considérable en terme de mortalité précoce. Cela montre qu'il n'est jamais trop tard pour arrêter de fumer."
Le cancer du poumon en vidéo
La fin de la dépendance
En quelques semaines, la dépendance physique au tabac prend fin. La dépendance psychologique, elle, met plus de temps à s'effacer. Plusieurs années après, mieux vaut éviter de reprendre une cigarette, car l'envie physique peut être réveillée.
Sources
Difficultés et solutions, Tabac Info Service
Les bénéfices de l'arrêt du tabac, Tabac Info Service
Les risques du tabagisme et les bénéfices de l'arrêt, Santé publique France