Mémoire : il faut savoir la mettre au repos

Prendre des vacances, c’est se mettre au repos sur les plans physique et mental. Après des mois  d’activité soutenue, dans le cadre de notre métier, de nos occupations quotidiennes, ou à l’école,  nous offrons à notre cerveau une phase de récupération bénéfique pour notre mémoire. Ce repos neurophysiologique indispensable pour repartir de plus belle à la rentrée, est en réalité loin d’être une phase inerte pour le cerveau et les connexions neuronales : un réseau alternatif, dit « réseau du mode par défaut » (RPD) se met alors en activité.  Un phénomène récemment mis en lumière, explications.
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Lorsque nous nous reposons,  notre mémoire s'organise

L’activité du cerveau est un phénomène qui s’observe grâce à l’imagerie médicale. Au début des années 2000, des chercheurs Américains ont mis en évidence, lorsque le cerveau était au repos, l’activation d’un réseau dit « réseau du mode par défaut » dans les régions médianes du cerveau, dans le repli des hémisphères, grâce à la technique d’imagerie nucléaire de Tomographie par Emission de Positons (TEP) puis avec l’Imagerie par Résonance Magnétique fonctionnelle (IRMf) au repos.

Pr Francis Eustache, neuropsychologue, Président du Conseil scientifique de l’Observatoire B2V des Mémoires : « en mesurant l’activité cérébrale au repos, c’est-à-dire lorsque le sujet témoin n’est pas engagé dans une pensée focalisée ni une activité dirigée par des stimulations précises, les chercheurs ont constaté que dans la mesure « au repos », le cerveau n’était pas à l’arrêt mais qu’il se produisait au contraire, dans cette situation précise, une activation de ce réseau bien particulier. Mais la moindre stimulation de l’individu qui se remet à focaliser alors son attention le fait sortir automatiquement de ce mode par défaut et retrouver le « réseau de tâches positives » »

Il faut savoir  mettre son cerveau en roue libre…

Le mode par défaut n’est pas pour autant assimilable au processus du sommeil. Sauf s’il s’agit d’un sommeil léger obtenu par anesthésie. Mais le sommeil sert aussi à faire le tri des informations reçues, ce sont donc des fonctions qui se rejoignent.
Pr Eustache : « Par exemple, en conduisant sur une autoroute calme, sans danger, les mains en position « 10h10 » sur le volant, un système d’attention se met en place et surveille l’environnement de façon diffuse, c’est le mode par défaut. Dès que survient un feu rouge par exemple, on change de mode, on se remet en situation d’activation, d’action, orientée vers un but. »

Exemples d’activation du réseau du mode par défaut :

• Dans la voiture, lorsque l’on conduit tranquillement sur autoroute en période calme, lorsque tout va bien. Le cerveau est en mode par défaut. Dès qu'un danger se présente (un véhicule qui s’approche, des travaux, un changement sur la voierie, des embouteillages…)  le réseau du mode par défaut s’interrompt.
• En randonnée, en course à pied ;
• Dans le train lorsqu’on regarde le paysage distraitement ;
• Pendant la sieste, lorsqu’on laisse son esprit vagabonder, dans sa chaise longue ou sur son lit…

Une mémoire reposée pour une rentrée réussie

L’activation du mode de réseau par défaut est un processus très important pour l’équilibre psychique.
Il satisfait à trois fonctions particulières :

  •  Il  fait office de « sentinelle ». Il permet au sujet de surveiller l’environnement de façon diffuse, sans effort d’attention, par économie : il serait épuisant de surveiller constamment de façon active son environnement
  • Il procure une activité cognitive interne telle que la mémoire autobiographiquela capacité de projection vers l’avenir, la mise en oeuvre de l'imagination.
  • Il permet  la planification des tâches, et la consolidation de la mémoire : il va conduire à faire la synthèse, la restructuration, la réorganisation de la mémoire. La période des vacances est particulièrement propice à ce « lâcher prise » bénéfique…

Pr Eustache : « On se tourne vers soi, vers ses pensées internes, vers son passé (mémoire autobiographique), on fait des projections pour son futur, on se tourne vers une pensée artistique, imaginative, pas toujours très structurée. C’est de l’ordre de la fantasmagorie, essentielle pour l’équilibre mental. »

Les enfants sont menacés par l’hyperactivité cérébrale provoquée par la constance des écrans dans leurs phases quotidiennes de repos. Ils doivent se procurer des moments de vraie tranquillité pour synthétiser et mémoriser ce qu’ils ont appris et cela passe par l’activation du RPD, donc une suspension récurrente de tous types de stimulations intellectuelles et cognitives hors de l’école, et bien sûr par une quantité suffisante de sommeil. Le danger d’un manque de repos mental, c’est le burn-out, une menace qui affecte également les enfants. Pour en savoir plus : https://www.e-sante.fr/burn-out-enfants-aussi-sont-bout/actualite/1467

Le réseau du mode par défaut est déstructuré dans nombre de pathologies neuropsychiatriques telles que la maladie d'Alzheimer (destruction du réseau du mode par défaut), schizophrénie (réseau du mode par défaut suractivé), autisme  (non-diminution de l'activité du MPD lors de réalisations de tâches).

Alors, tous à vos transats, et n’oubliez pas que se reposer, c’est chouchouter sa mémoire, mais c’est aussi retrouver un certain degré salutaire de liberté ! Et c'est avoir suffisament rechargé ses batteries pour offrir une mémoire disponible au rush de la rentrée.

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Source : Conférence de presse de l’Observatoire B2V des Mémoires du 11 juillet 2017 : « Pourquoi notre cerveau et notre mémoire travaillent même au repos ? »
D’après un entretien avec le Pr Francis Eustache, Neuropsychologue, Président du conseil scientifique de l'Observatoire B2V des mémoires et Directeur d’Etudes à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE)
http://www.observatoireb2vdesmemoires.fr/
Et avec le Pr Roland Jaffard,  Neurobiologiste, Professeur émérite à l’Université de Bordeaux, institut de Neurosciences Cognitives et intégratives d’Aquitaine.
Etudes publiées : R. L. Buckner, J. R. Andrews-Hanna et D. L. Schacter, « The Brain's Default Network: Anatomy, Function, and Relevance to Disease », Annals of the New York Academy of Sciences, vol. 1124, no 1,‎ 2008, p. 1–38 (PMID 18400922,DOI 10.1196/annals.1440.011).
« Is meditation associated with altered brain structure? A systematic review and meta-analysis of morphometric neuroimaging in meditation practitioners, vol. 43, ., 48–73 p. (DOI 10.1016/j.neubiorev.2014.03.016, lire en ligne : http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0149763414000724 = revue « Pour la science », juillet 2010