Bartholinite : “j’avais si mal pendant les rapports sexuels que je ne pouvais presque plus marcher”

Publié par Sophie Raffin
le 3/08/2020
Maj le
7 minutes
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Pour Emily Paige, 23 ans, les rapports sexuels ont commencé à devenir si douloureux qu’il lui devenait difficile de marcher. Après plusieurs mauvais diagnostics, elle a enfin découvert ce qui provoquait cette souffrance : un kyste de la glande de Bartholin. L’Américaine témoigne pour mieux faire connaître cette pathologie.

Lorsqu’on souffre de troubles intimes, il n’est pas toujours évident d’en parler… et lorsqu’on l’ose le faire, trouver une oreille attentive ne va pas de soi. Emily Paige l’a appris à ses dépens alors qu’elle était âgée de 23 ans. 

Des rapports douloureux, un gonflement des lèvres vaginales et peu d’écoute

Au printemps 2014, la jeune femme a commencé à ressentir de vives douloureux lorsqu’elle avait des rapports sexuels. Ce symptôme était accompagné d’une sensation de chaleur, de difficultés à marcher ou s’assoir les heures suivant les ébats ainsi qu’un gonflement au niveau de la lèvre gauche. Toutefois après un petit moment, l'enflure se réduisait.

Emily Page explique à nos confrères du site Women’sHealth : “lorsque j'ai recherché sur Internet ce qui pouvait se passer, j'ai découvert un large éventail de raisons pour les gonflements après un rapport sexuel, y compris une réaction allergique au latex, pas assez de lubrification ou même une infection urinaire. Aucune de ces potentielles causes ne semblait suffisamment sérieuse pour susciter une préoccupation majeure”.

Toutefois la souffrance est devenue de plus en plus importante. Elle a finalement décidé d’en parler à son partenaire de l’époque, un homme de 12 ans son ainé. Elle se rappelle : “peut-être était-il frustré de ne pas pouvoir être utile, ou doutait-il de moi parce que je n'avais jamais partagé ces symptômes avec lui auparavant. Quoi qu'il en soit, je me souviens distinctement qu’il a été exaspéré et m’a demandé : "Pourquoi ne peux-tu pas simplement laisser ton corps se guérir ?".

Ces mots ont donné l’impression à la jeune femme que les troubles qu’elle traversait, étaient sa faute. Elle n’a plus voulu en parler. Toutefois, elle n’a pas eu la possibilité de les ignorer longtemps.

twitter.com/WomensHealthMag/status/1289900809468043264

Lèvre vaginale : elle avait atteint 4 à 5 fois sa taille normale

La lèvre vaginale gauche qui gonflait après chaque rapport sexuel, pouvait alors atteindre 4 à 5 fois sa taille normale. Emily Paige a finalement pris un rendez-vous avec sa gynécologue en septembre 2014. En entendant la liste des symptômes, la spécialiste a pensé qu’il s’agissait de kystes ovariens ou d’une infection sexuellement transmissible. Les examens n’ont rien révélé. "Comme le gonflement se dissipait toujours, il n'y avait rien à diagnostiquer. Après m'être rassise sur la table d'examen, elle a dit : Emily, il n'y a rien", se souvient l’Américaine qui vit en Caroline du Nord. Elle a ainsi quitté le cabinet uniquement avec des noms de lubrifiants et la liste des positions sexuelles à éviter.

"Je savais qu'elle devait se tromper. Je me demandais combien de temps j'allais attendre avant que le gonflement soit suffisamment grave pour que je puisse reprendre un rendez-vous pour la convaincre que je disais la vérité. Je me suis demandée si la douleur serait intolérable à ce stade", ajoute-t-elle. Et la patiente avait raison, les troubles ont bien persisté.

Douleur pendant les rapports : la cause découverte un an plus tard !

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Emily Paige a mis du temps à évoquer à nouveau ses difficultés intimes, bien que les symptômes s’aggravaient. "Il m'a fallu des mois pour demander un deuxième avis, et je ne sais toujours pas pourquoi. Je suppose que cela a à voir avec le fait que mon médecin et mon partenaire ont rejeté avec autant d'autorité mes inquiétudes, sans parler de la honte sociale autour des problèmes de santé vaginale", explique-t-elle.

Sa principale solution était de limiter ses activités sexuelles. "Quand j'avais des relations sexuelles, je me préparais simplement à la douleur par la suite et je l'ai géré ainsi. En tant que jeune femme qui avait grandi dans une ville conservatrice et rurale de Caroline du Nord, j'avais passé une grande partie de ma jeunesse à démanteler l'idée que les femmes ne devraient pas tirer du plaisir du sexe. Pourtant, j'étais là, des années plus tard, à revenir à cette idée”.

La jeune femme a finalement pu découvrir l’origine de ses problèmes à l’été 2015 grâce à sa meilleure amie. En voyant ses très grandes difficultés à marcher et à rester assise plus de quelques minutes, sa camarade a appelé sa sœur étudiante en médecine. 

Elle se rappelle : "au téléphone, sa sœur m'a demandé d'imaginer que mon vagin était une horloge. Si le clitoris était à 12 heures, est-ce que le gonflement s'est produit près des 9 heures au niveau de mes lèvres ? «Oui», lui ai-je répondu. Le gonflement était-il mou ou dur ? «Mou au début, mais dernièrement, il a grossi et s'est tendu», ai-je dit”. Pour l’étudiante, il n’y avait alors pas de doute : il s’agissait d’un kyste de la glande de Bartholin

Kyste de la glande de Bartholin : qu’est-ce que c’est ?

Les glandes de Bartholin se situent au niveau de la vulve de chaque côté de l’ouverture du vagin. Elles participent à la lubrification pendant les rapports sexuels. Toutefois, leurs canaux peuvent se boucher. Du mucus s’accumule alors dans les glandes, ce qui forme un kysteIl est le plus souvent asymptomatique. Toutefois, il peut s’infecter et former un abcès douloureux. Il est alors possible d’avoir de la fièvre et une peau très rouge dans la zone concernée.

Par ailleurs, si les kystes de la glande de Bartholin, deviennent trop volumineux (certains peuvent être plus gros qu’une balle de golf), ils peuvent comme pour Emily Paige, gêner la marche, la position assise et les rapports sexuels. Environ 2% des femmes souffrent de ce trouble aussi appelé ou bartholinite. Les patientes dans la vingtaine sont les plus touchées.

La pathologie se traite par antibiotique ou par chirurgie. Le médecin incise le kyste pour drainer le pus. Si le kyste devient chronique, l’ablation de la glande peut être envisagée. 

Anxiété médicale : “Je n’avais plus confiance dans les médecins”

Anxiété médicale : “Je n’avais plus confiance dans les médecins”

En rentrant chez elle, Emily Paige a pris rendez-vous avec un nouveau gynécologue. Il a alors confirmé l’intuition de la sœur de son amie. Elle souffre d'un kyste de la glande de Bartholin.

Malheureusement, avoir un diagnostic n’a pas mis fin à ses difficultés immédiatement. Si son kyste a été traité, d’autres sont régulièrement apparus. En 2015, la glande de Bartholin gauche a été enlevée. "Une semaine après avoir fini de payer les factures d'hôpital pour cette procédure, des kystes se sont formés sur ma glande droite. Cette glande a été retirée chirurgicalement en avril 2018", se rappelle la patiente.

L’Américaine a également rencontré un autre problème. Elle explique : "parce que mes problèmes de santé précédents n'avaient pas été pris en compte, je suis devenue hyper-vigilante en examinant mon corps pour d'éventuelles maladies, puis en planifiant les visites chez le médecin pour partager mes préoccupations. Il était devenu difficile de faire confiance aux médecins lorsqu'ils me disent : il n’y a rien de mauvais. Un nœud dans ma cuisse - que je savais être du cartilage cicatrisé - avait soudainement besoin de deux autres avis médicaux, car et "si j'avais tort" ? Et "si c'était une tumeur" ?”.

Ces angoisses ont pris des proportions si importantes qu’elle a eu 9 rendez-vous chez le dentiste en 12 mois. Elle a cherché un soutien psychologique pour gérer ses angoisses.

Une meilleure prise en compte des douleurs féminines

Aujourd’hui elle les a surmontées, et milite pour une meilleure prise en charge des femmes. Elle rappelle dans son témoignage : “la douleur des femmes en général est souvent négligée par le monde médical, et cela est particulièrement vrai pour la douleur des femmes noires et trans”. Elle ajoute : “cette expérience m'a également rappelé à quel point il est important de lutter contre la stigmatisation et la honte lorsque l'on parle de santé sexuelle et mentale. Ma petite sœur a maintenant l'âge que j'avais lorsque mes premiers symptômes sont apparus. Je lui demande si elle passe des contrôles réguliers, si elle est protégée et si ses partenaires la traitent avec respect - probablement au point de la harceler”. 

Elle appelle les femmes à ne pas hésiter à exprimer leurs opinions, leurs interrogations, leurs doutes et leurs préoccupations lorsqu’elles sont chez le médecin.

Sources

'I Felt So Much Pain During Sex That It Was Hard To Walk—All Because I Had A Bartholin's Cyst', Women'sHealth, 2 août 2020

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