La pilule contraceptive affecte le taux de “l’hormone de l’amour”

Publié par Sophie Raffin
le 22/05/2020
Maj le
5 minutes
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Une étude de l’université d’Aarhus révèle que les femmes qui prennent une pilule contraceptive ont un taux plus élevé d'ocytocine, également appelée hormone de l’amour, dans leur sang par rapport aux autres. Cela pourrait expliquer les changements d’humeur de certaines patientes.

La pilule contraceptive est un des modes de contraception les plus efficaces et sûrs à la disposition des femmes qui ne veulent pas d'enfants. Elle est d’ailleurs inscrite dans la liste des médicaments essentiels de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Mais une étude de l’université d'Aarhus (Danemark) révèle que ce traitement n’agit pas uniquement sur la fécondité de ses utilisatrices, elle aurait aussi un effet sur leur vie émotionnelle.

Ocytocine : un taux plus élevé que la normale avec la pilule

Les femmes qui ont choisi la pilule comme mode de contraception, ont un taux d’ocytocine, aussi connue sous le surnom de l’hormone de l’amour, plus élevé que celles qui ne prennent pas ce traitement. Voici les conclusions des travaux publiés dans la revue Scientific Reports après avoir analysé les échantillons de sang et les questionnaires sur leur bien-être mental de 185 jeunes femmes américaines.

Le professeur Michael Winterdahl du département de Médecine clinique de l’établissement danois, responsable de l’étude, rappelle “L'ocytocine est une hormone naturellement présente dans le corps. Elle est sécrétée lors d'événements sociaux et des liens affectifs, renforçant les comportements sociaux". 

Est-ce une mauvaise chose d’avoir un taux élevé de cette hormone de l’amour ? Pour le chercheur cela pourrait expliquer pourquoi certaines femmes sous pilule disent que leur traitement à changer leur humeur. "Un niveau constamment élevé d'ocytocine peut signifier qu'il n'est pas sécrété de la même manière dynamique que dans des conditions normales. Ce sont précisément ces dynamiques qui sont importantes pour notre vie émotionnelle. Cela peut expliquer pourquoi des sentiments - tels que la proximité, l'attachement et l'amour - apparaissent modifiés chez certaines femmes qui utilisent des contraceptifs oraux", reconnaît-il. 

Les relations amoureuses perturbées par la pilule ?

Dépression, troubles de l’humeur, baisse de libido… certaines femmes rapportent des effets secondaires gênants de la pilule sur leur vie intime. La découverte de l’équipe Michael Winterdahl pourrait expliquer ces émotions changeantes. 

Le scientifique ajoute "Notre étude présente, pour la première fois, des preuves de changements dans les niveaux d'ocytocine en réponse à la contraception, fournissant un mécanisme par lequel certaines femmes éprouvent une humeur altérée. Puisque l'ocytocine est importante pour l'attachement à un partenaire, on peut imaginer que le niveau constamment élevé est important - non seulement pour la femme elle-même - mais aussi dans un sens plus large pour la relation".

Il ajoute "Les humains sont des êtres super sociaux, nous sommes capables de nous mettre à la place des autres, de faire preuve d'empathie, de craindre la solitude et de rechercher la communauté - tous entraînés par la sécrétion d'ocytocine par le cerveau. Même de très petits changements dans les niveaux d'ocytocine cérébrale affectent la façon nous gérons les émotions et donc la façon dont nous interagissons les uns avec les autres. Notre étude peut aider à expliquer pourquoi certaines femmes sous contraceptifs oraux éprouvent un sentiment d’intimité diminué, par exemple ".

Le professeur prévoit désormais de déterminer les profils à risques pour différents types de pilules contraceptives et sur le long terme être capable de prédire les risques d’altération de l’humeur pour les utilisatrices.

Pilule contraceptive : les effets secondaires à connaître

Pilule contraceptive : les effets secondaires à connaître

Si la pilule contraceptive a été inventée en 1955 par le Dr Grégory Pincus, il faudra attendre 1967 pour que la législation française autorise les femmes à l’utiliser. Plus personne aujourd’hui ne doute de l’avancée, l’utilité et de l’efficacité de ce traitement. Par contre, de plus en plus de femmes se tournent vers d’autres solutions contraceptives par crainte des effets secondaires.

Quand la contraception fait prendre du poids

Outre les troubles de l’humeur, une des plaintes fréquentes contre la pilule est la prise de poids, aussi bien pour les pilules progestatives (qui contiennent uniquement de la progestérone) que les combinées (qui associent des œstrogènes et des progestatifs). 

Le Dr Emmanuelle Lecornet-Sokol, médecin endocrinologue diabétologue, avait expliqué dans un précédent article sur esanté. “Si on analyse toutes les études scientifiques sur les pilules combinées et la prise de poids, il n’y a pas de prise de poids en moyenne. Mais justement, c’est une moyenne. Un petit groupe de femmes ont bien tendance à prendre du poids, mais ce ne sera pas le cas pour la plupart”

Toutefois pour ces femmes, ce ne sont pas les médicaments en eux-même qui font grossir, ils augmentent tout simplement leur appétit. Ainsi, si l’utilisatrice ne fait pas attention les kilos peuvent en effet s’accumuler.

Des effets sur le système sanguin

La pilule a également une action sur le système sanguin et vasculaire des femmes qui la prennent. Les professionnels de la santé mettent ainsi en garde contre un risque plus important de phlébites ou d'embolies pulmonaires chez les utilisatrices. Les risques d’accidents vasculaires cérébraux sont aussi plus importants, surtout chez les fumeuses. En effet, l'association tabac et contraception orale est dangereuse.

C’est pourquoi si les femmes sous pilules contraceptives voient apparaître des céphalées, elles doivent consulter un médecin. Une modification de contraception sera peut-être nécessaire. 

Par ailleurs, la pilule peut aussi modifier les menstruations. Ces dernières peuvent devenir moins importantes, voire absentes.

Contraception : les autres solutions disponibles

Contraception : les autres solutions disponibles

Selon le Baromètre Santé 2016 sur les pratiques contraceptives des femmes, la pilule reste le moyen de contraception le plus utilisé dans l’hexagone avec 33% de Françaises qui l’utilisent. Elle est suivie par le dispositif intra-utérin (stérilet) et le préservatif.

Par contre, la pilule perd du terrain depuis 2010, en particulier chez les jeunes de 20-29 ans. “Ce recul se fait au profit du dispositif intra-utérin, du préservatif et de l'implant”, précise l’agence de santé française.

Les femmes qui ne souhaitent pas utiliser ce traitement pour éviter une grossesse, par crainte des effets secondaires, où tout simple parce qu’elles ont peur d’oublier de prendre leur cachet quotidien, ont d’autres solutions à leur disposition comme : 

  • le stérilet :  hormonal ou au cuivre
  • le préservatif ;
  • l’implant ;
  • le patch ;
  • le diaphragme ;
  • la stérilisation : ligature des trompes, anneau, vasectomie pour leur partenaire.

Sources

Birth control pills affect the love hormone, Aarhus University Eurekalert !, 20 mars 2020

Les Françaises et la contraception : premières données du Baromètre santé 2016, Santé Publique France, 20 mai 2020

Liste modèle de l'OMS des médicaments essentiels, OMS, révision mars 2011

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