Comment avoir un enfant après le cancer ?

Publié par Audrey Vaugrente
le 5/04/2018
Maj le
6 minutes
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On survit de mieux en mieux au cancer. Mais cette maladie touche aussi des populations jeunes. Lorsque la vie reprend, après le traitement, il est donc courant de vouloir procréer. Aujourd'hui, avoir un enfant est possible malgré des médicaments toxiques. E-Santé vous explique. 

Le cancer n'est pas seulement une maladie des seniors. Chaque année, 1 700 diagnostics sont posés chez des enfants et plus de 400 chez des adolescents. Les adultes de moins de 50 ans sont, eux aussi, de plus en plus touchés par ces tumeurs malignes.

Les cancers les plus fréquents bénéficient d'un taux de survie élevé, grâce à une détection rapide et des traitements efficaces. Après la phase thérapeutique, il n'est donc pas anormal de vouloir reprendre le cours de son existence. Et, pourquoi pas, de concevoir un projet de grossesse.

Après un cancer du sein, environ 70 % des femmes en âge de procréer souhaitent un enfant. Mais les traitements peuvent être toxiques pour la fertilité. C'est pourquoi la loi prévoit que toute personne puisse accéder à l'aide médicale à la procréation (AMP), dès que l'offre thérapeutique est susceptible de rendre stérile.

Avoir un enfant, c'est possible

Certains médicaments de chimiothérapie sont toxiques pour le système reproducteur. Il en va de même pour les radiothérapies, si celles-ci sont dirigées vers le petit bassin. Les hormonothérapies, quant à elles, nécessitent une contraception au long cours, ce qui épuise la réserve ovarienne.

"L es chimiothérapies ne tuent pas que les cellules cancéreuses, certaines détruisent les cellules ovariennes également, explique le Dr Nathalie Chabbert-Buffet, endocrinologue-médecin de la reproduction à l'hôpital Tenon (Paris). Or, les cellules des ovaires ne se renouvellent pas."

Les traitements du cancer peuvent favoriser une ménopause précoce. Quand ce n'est pas le cas, ils peuvent toutefois altérer considérablement le fonctionnement du système reproducteur.

"La possibilité de devenir enceinte dépend du fonctionnement des ovaires mais aussi de l'utérus, pour les maladies qui nécessitent des rayons au niveau du petit bassin", rappelle-t-elle. Différentes techniques permettent de tenter de déclencher une grossesse, avec l'aide de la médecine.

Mieux vaut anticiper

Pour bénéficier de ces procédures, l'idéal est d'anticiper. Dès l'annonce du cancer, "il est recommandé d'informer systématiquement les gens d'un impact possible sur leur fertilité, souligne le Dr Chabbert-Buffet. Les patientes et les patients qui reçoivent un traitement toxique doivent en être avertis."

Cette information est essentielle, car elle permet d'aborder la question de la PMA avec chaque personne. Et de définir la meilleure solution. "Environ 50 % des gens informés ne procèderont pas à une congélation des ovocytes", note la spécialiste. La technique la plus fiable consiste à proposer une stimulation ovarienne du même type que celle utilisée en fécondation in vitro.

Pour cette situation une phase de stimulation ovarienne est nécessaire. "Cela demande une quinzaine de jours, chiffre l'endocrinologue. On ne dispose pas toujours de ce temps, notamment dans certaines leucémies graves." Cela nécessite aussi une réserve ovarienne suffisante.

La ponction sans stimulation - suivie d'une phase de maturation in vitro - présente l'intérêt de n'exiger que 48 heures d'attente maximum avant le début du traitement. Mais là encore, ce délai peut être à haut risque pour la patiente.

Une dernière option est possible : prélever un morceau d'ovaire. "On le ré-implantera plus tard, ce qui fait fonctionner de nouveau l'ovaire pendant un temps déterminé, détaille Nathalie Chabbert-Buffet. Mais si la maladie est localisée dans les ovaires, en cas de leucémie par exemple, ces prélèvements seront inutilisables." Si la procédure risque d'aggraver la maladie, elle ne sera pas utilisée.

Des résultats positifs 

Dans l'ensemble, ces techniques d'AMP livrent des résultats encourageants. Difficile d'obtenir des chiffres concernant uniquement les femmes ayant guéri d'un cancer. En revanche, les données internationales incitent à l'optimisme.

En temps normal, une femme a 25 % de chances de devenir enceinte à chaque cycle menstruel. Après congélation d'ovocytes, ce taux s'élève à 6 % en moyenne par ovocyte. Mais l'endocrinologue souligne que les naissances issues d'une ponction sans stimulation sont encore rares. "On en compte 5 000 dans le monde, au total."

Quant aux greffes de cortex ovarien, elles sont encore plus récentes. "Une tentative donne 20 % de chances en moyenne. Mais seulement 120 enfants sont nés de cette manière", rappelle le Dr Chabbert-Buffet. Il faut dire que la technique a seulement une dizaine d'années.

A noter que ces stratégies ne sont pas toujours accessibles. Parfois, aucune préservation de la fertilité n'était possible avant le traitement. "On peut alors recourir au don d'ovocytes, selon l'âge de la patiente, explique la spécialiste. Mais du fait des délais d'attentes, les inscriptions ne se font plus après 40 ans." En effet, l'AMP n'est remboursée que jusqu'à 43 ans… et les dons d'ovocytes sont encore trop faibles en France.

Combien de temps attendre après un cancer ?

Mener une grossesse à terme ne relève donc plus de la science-fiction. Longtemps, ce fut déconseillé aux patientes car les médecins craignaient une rechute. Ce dogme a tenu "jusqu'à ce que certaines femmes décident de concevoir quand même, se souvient Nathalie Chabbert-Buffet. On s'est alors aperçus que les choses ne se passaient pas mal, à condition de respecter un délai."

Ce délai est variable en fonction du type de cancer qui a été diagnostiqué… mais aussi selon les sociétés savantes. En théorie, il varie de 2 à 5 ans, notamment après un cancer du sein.

Mais "pour la maladie de Hodgkin, les délais sont beaucoup plus courts, indique l'endocrinologue. A partir du moment où l'équipe oncologique considère que la santé de la femme est compatible avec une grossesse, on peut tout à fait la mener."

Des examens sont réalisés avant la grossesse

Avant d'entamer la grossesse, naturelle ou assistée médicalement, une première phase d'examens est recommandée. "On s'assurer que la maladie est en sommeil, on vérifie aussi que le cœur n'a pas souffert à cause de la chimiothérapie", liste le Dr Chabbert-Buffet.

De fait, pendant la gestation, le volume sanguin est légèrement augmenté, ce qui peut révéler une insuffisance cardiaque qui n'aurait pas été diagnostiquée. "On suit la grossesse avec plus de soins, concède l'endocrinologue. Mais on a constaté que le seul risque est d'avoir un bébé légèrement plus petit que la moyenne et qui naît un peu plus tôt."

Après un cancer du col de l'utérus, une manipulation opératoire peut être nécessaire pour permettre à la grossesse de bien se dérouler : le cerclage. Il est censé limiter le risque de fausse-couche ou d'accouchement prématuré en resserrant le diamètre du col de manière artificielle.

Il existe des contre-indications

Les équipes d'oncologie peuvent, toutefois, s'opposer à un projet de grossesse car il présente trop de risques pour la santé de la patiente ou du bébé. Un risque de rechute trop élevé peut, par exemple, pousser les médecins à déconseiller une telle décision.

Certains cancers peuvent aussi sonner le glas de la maternité pour certaines femmes. "Dans la mesure où la France n'autorise pas la gestation pour autrui (GPA) et ne pratique pas de greffe d'utérus, une grossesse est impossible lorsque l'utérus a été retiré", illustre le Dr Chabbert-Buffet. Reste alors la possibilité d'adopter.

Même sans ablation, les cancers de l'utérus restent une situation à haut risque. "Lorsqu'il a été irradié, on observe très peu de grossesses à terme, confirme l'endocrinologue. Les fausses couches, précoces et tardives, sont très nombreuses."

Le reste du temps, une fois que la grossesse a démarré et que la mère est en bonne santé, la gestation se déroule généralement sans problème majeur.

Sources

Tomber enceinte après un cancer du sein, c'est possible, Institut Curie, consulté le 5 avril 2018

Grossesse après cancer : pour qui et quand ?, Anne-Laure Margulies et al, Bulletin du Cancer, mai 2015

Grossesse après un traitement du cancer, Société canadienne du cancer, consulté le 5 avril 2018

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