Alzheimer et troubles cognitifs : la méthode Montessori pour stimuler les malades

Publié par Brigitte Bègue
le 31/08/2016
Maj le
5 minutes
groupe de femmes âgées heureux dans une salle de gym pour personnes âgées faisant des exercices de coordination de la main jeter et attraper des boules de plastique aux couleurs vives comme ils sont assis dans leurs chaises
Istock
Les thérapies non médicamenteuses ont le vent en poupe dans les établissements accueillant des personnes âgées atteintes de troubles cognitifs. Parmi elles, la méthode Montessori redonne de l’autonomie aux patients en s’appuyant sur les facultés qu’ils ont préservées. Et ça marche !

Troubles cognitifs : mobiliser les capacités restantes des patients

Un établissement pour personnes âgées dépendantes où les résidents organisent une fête des familles et où chacun d’entre eux a un rôle : choisir le menu, décorer, réaliser les invitations, les mettre sous enveloppe, les envoyer, accueillir les invités, faire le service, ranger... C’est rare ! Pourtant, l’histoire est vraie. Elle se passe dans une maison de retraite, utilisant la méthode Montessori, que Maria Montessori a mis au point pour les enfants. Celui qui a eu l’idée de l’adapter aux personnes âgées, en priorité celles atteintes de troubles cognitifs, est un neuropsychologue américain, le Pr Cameron Camp, dont la fille handicapée a été scolarisée dans une des écoles de la célèbre médecin italienne : « Dans la vision traditionnelle, on se focalise sur les troubles sans voir ce qui fonctionne encore chez les personnes Alzheimer ou désorientées. Nous, on travaille à partir de leurs capacités restantes, c’est complètement différent ».

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Méthode Montessori : redonner envie de se lever le matin et autonomie

Pour les évaluer, 6 ou 7 activités sont proposées aux patients comme se laver les mains avec une lingette et la jeter à la poubelle, lire une histoire, enfiler un gilet, classer des photos avec des expressions heureuses ou malheureuses, distinguer jour, mois et année dans le calendrier... De quoi orienter l’équipe et de savoir si une personne est capable de s’alimenter toute seule ou pas ou encore si d’émettre un avis.

Pr Cameron Camp : « L’objectif est de redonner de l’autonomie aux personnes âgées mais pour ce faire il faut leur poser régulièrement la question “Que voudriez-vous ?” car ce n’est pas à nous de décider ce qui est bon pour eux ». Et le spécialiste de citer la réponse d’une femme de 94 ans qui a demandé un jus d’orange pressé le matin. Depuis, elle qui avait du mal à sortir du lit s’est levée sans problème pour aller faire elle-même son jus. « Elle avait un but quotidien. Ne rien faire, c’est ça qui cause la perte d’autonomie », poursuit le spécialiste.

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Moins de somnifères et de troubles du comportement

Dans les établissements basés sur la méthode Montessori, les résidents souffrant de troubles cognitifs choisissent leurs vêtements, ce qu’ils veulent manger, où ils veulent se promener, etc. Ils font la cuisine, utilisent un moulin à café, mettent la table, découpent les légumes... « On est dans la vie », assure le neuropsychologue.

Une étude américaine, publiée en 2016 sur l’impact de cette méthode dans 16 établissements accueillant des personnes présentant une démence, note une baisse de 60% de l’utilisation des neuroleptiques, 57% pour les anxiolytiques et 32% pour les antidépresseurs. La consommation de somnifères a diminué en moyenne de 96%. Plus de 80% des résidents ont moins de problèmes de déambulation et d’agitation.

Pr Cameron Camp : « S’ils font des activités porteuses de sens pour eux dans la journée, ils dorment mieux la nuit et ont moins de troubles du comportement, c’est normal ». Certains ont repris du poids, réappris à manger, faire leur toilette et s’habiller tout seul.

Le « prendre soin » est aussi important que le soin

Plusieurs maisons de retraite s’appuyant sur cette méthode existent un peu partout dans le monde, En France, le groupe Korian, spécialisé dans le Bien Vieillir, s’en inspire dans une soixantaine de ses établissements où 60% des résidents sont Alzheimer ou apparentés. « Dans nos métiers de soignants, nous sommes surtout formés aux soins mais le « prendre soin » est aussi essentiel, reconnait le Dr Didier Amaingaud, directeur médical, éthique et qualité du groupe. Depuis des années, on a développé des activités occupationnelles mais le patient souffrant de troubles cognitifs est assez passif, il faut le rendre acteur car les journées sont longues ».

Chez Korian, le but n’est donc pas d’avoir un atelier thérapeutique une fois par semaine mais tous les jours, et personnalisé. Dr Amaingaud : « Cela ne sert à rien de faire participer les plus sévèrement atteints à un atelier mémoire, au contraire, cela les stresse. Mieux vaut leur proposer des activités domestiques comme repasser, plier le linge, préparer le repas, bricoler... Des gestes simples qui parlent à chacun ».

Oser prendre la main de la personne

A un résident qui veut couper le pain, on va donner un couteau. « Il ne va pas se couper et s’il se coupe, on lui mettra un pansement, signale le médecin. Sous couvert de prévention du risque, on a médicalisé de plus en plus d’établissements. Du coup, on est frappé par le vide quand y entre ». Mais les équipes ont beau mettre en oeuvre des activités qui évitent les troubles du comportement, ceux-ci peuvent survenir. Il faut alors donner aux équipes les moyens d’agir.

Dr Armaingaud : « Oser prendre la main de la personne et lui proposer d’aller faire un tour dans le jardin ou de faire un peu de ménage dans sa chambre. Juste oser le faire ».

Un nouvel angle de vue qui passe forcément par la formation des soignants : « Ils sont partants car beaucoup sont en souffrance dans les institutions classiques ».

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Les premiers résultats issus de 11 établissements pilotes dans la méthode Montessori pour personnes âgées sont plutôt encourageants : ils montrent une amélioration des capacités fonctionnelles chez 50% des résidents, une diminution des chutes chez ceux qui sont mobiles et une plus grande satisfaction des salariés.

Pour le Pr Cameron Camp, il n’y a pas de mystère : « Les résidents, les équipes soignantes et les familles sont plus heureuses ». Un établissement irlandais a vu le nombre de visites des familles augmenter de 300% quand les infirmières ont été invitées par les résidents à venir prendre un café ou un thé avec eux...

Sources

Colloque : « Troubles cognitifs des personnes âgées : la méthode Montessori, à la recherche des capacités préservées », organisé à Paris le 13 juin 2016 par AG&D (Accompagnement en Gérontologie et Développement). Cet organisme développe des interventions non médicamenteuses pour les personnes âgées ayant des troubles cognitifs et propose des formations à ces approches.

Conférence : « Thérapies non médicamenteuses en Ehpad : utopie ou réalité ? », organisé à Paris le 5 juillet 2016 par Korian, qui gère 700 établissements pour personnes âgées en Europe dont 364 en France.

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