Trop de lumière tue les travailleurs nocturnes

Supportant la lumière 24 heures sur 24, les travailleurs de nuit ont une horloge biologique en perpétuel décalage horaire. C'est ainsi qu'ils souffrent davantage de problèmes de vigilance (sources d'erreurs et d'accidents) et de divers troubles : digestifs, cardiovasculaires, cycle menstruel… Lunettes, lampes et éclairage spéciaux, médicaments… Quelles solutions pourrait-on proposer ?

Notre horloge biologique est située à la base du cerveau, en arrière des yeux au niveau de l'hypothalamus. Elle suit un rythme de 24 heures régulant notamment le rythme veille/sommeil, les variations de température et les sécrétions hormonales. Le chef d'orchestre est une hormone, la mélatonine, dont la production est déclenchée par l'obscurité et interrompue par la lumière vive. C'est ainsi que les travailleurs de nuit, vivant selon un horaire inversé, ont d'énormes difficultés à s'adapter. Soumis à la lumière du jour lorsqu'ils veulent dormir, ils doivent ensuite lutter contre la somnolence lorsqu'ils travaillent en pleine nuit.

Afin d'essayer de synchroniser l'horloge biologique des employés nocturnes avec leur rythme de vie inversé, Marc Hébert du département d'ophtalmologie et du centre hospitalier de l'Université Laval à Québec, a installé près des postes de travail de quelques volontaires, des tubes de lumière verte. Parallèlement, le matin, lorsqu'ils regagnaient leur domicile, ils devaient porter des lunettes aux verres orangés.L'objectif de la lumière verte est de récréer celle du jour. L'éclairage d'une usine ou d'un bureau n'étant que de 100 à 300 lux, tandis que la lumière émise par le soleil atteint plus de 10.000 lux, ce chercheur a choisi une lumière verte sachant que la rétine de l'homme est beaucoup plus sensible aux lumières de couleur bleu-verte, lesquelles sont perçues comme l'équivalent d'une lumière blanche de 1.500 lux. Un simple filtre vert n'étant pas suffisant, une longueur d'onde bien précise a été utilisée.Quant aux lunettes aux verres orangés, le but est d'éviter la lumière du matin et de simuler la nuit. Cette couleur, en coupant les longueurs d'onde de la lumière bleue, permet de faire croire à l'horloge biologique qu'il fait nuit, mais ne gène pas le système visuel. Comparée à des lunettes aux verres fumés presque opaques, la visibilité est meilleure, particulièrement si l'on doit prendre le volant, et les contrastes sont accentués.

Ainsi équipés durant trois jours (trois nuits serait plus exact), les volontaires ont augmenté leur vigilance en retrouvant des temps de réactions aussi bons que lorsqu'ils travaillaient de jour. Ils ont également dormi une à deux heures de plus chaque jour. Marc Hébert envisage maintenant d'étudier d'impact du port de lunettes équipées de diodes émettant de la lumière verte à proximité des yeux. Ce système permettrait d'être soumis à cette lumière en continue, même pendant les pauses.

Une expérience similaire a été tentée chez des infirmières. Les taux de mélatonine ont été analysés afin de vérifier l'impact sur le rythme veille/sommeil. Le pic de sécrétion de mélatonine avait lieu vers 14 heures, lorsqu'elles étaient couchées, favorisant leur sommeil.Précisons également que les travailleurs de nuit, soumis davantage à la lumière, secrètent de la mélatonine en moindre quantité, ce qui peut avoir des répercussions en termes de santé. Un risque plus élevé de cancer du sein est notamment suspecté.

Le cortisol aussi

Parallèlement, le cortisol, dont la sécrétion est élevée au petit matin pour favoriser l'augmentation de la température et préparer l'organisme à recevoir un petit-déjeuner, ne se produit pas toujours à 3-4 heures du matin, au moment du repas principal des employés de nuit. Ce phénomène peut expliquer un risque plus important de diabète, d'obésité ou de troubles cardiovasculaires.

Ne jouez pas avec la lumière !

La sensibilité à la lumière des personnes qui travaillent dans des bureaux sombres est moins importante que celles des sujets habitués à vivre à l'extérieur. Ainsi, chez ces derniers, une plus faible variation d'intensité de la lumière sera capable de supprimer la sécrétion de mélatonine. En pratique, laisser la télévision allumée la nuit peut dérégler notre horloge biologique en lui faisant croire que c'est encore le jour, et donc engendrer des troubles du sommeil.

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Source : Institut de recherche en santé et sécurité au travail : www.irsst.qc.ca. www.cybersciences.com