Stress au travail : il augmente le risque de décès prématuré

Publié par Sophie Raffin
le 2/06/2020
Maj le
7 minutes
Adobe Stock
Si notre emploi nous permet d’assurer notre train quotidien, il semble qu’il peut être très mauvais pour notre santé. Des chercheurs de l’université d’Indiana assure que le stress et le maque d’autonomie au travail augmentent les risques de décès précoce.

Le travail c’est la santé chantait Henri Salvador en 1965. Toutefois, les paroles “rien faire, c’est la conserver” paraissent plus justes au vu de l’étude des résultats de l'étude de la Kelley School of Business de l'Université d'Indiana publiés dans la revue scientifique Journal of Applied Psychology. Elle révèle que notre emploi peut conduire à la dépression et à une mort précoce.

Le manque d’autonomie et le stress du travail peuvent être mortels

Dans le cadre de précédentes recherches présentées en 2017 étudiant déjà la relation entre les caractéristiques de l'emploi et la mortalité, les chercheurs ont analysé les données de 3148 résidents du Wisconsin qui ont participé à une enquête longitudinale menée sur 20 ans. Parmi cet échantillon, 211 participants sont décédés au cours des deux décennies.

L’équipe scientifique a mis lumière que notre santé mentale et notre mortalité ont une forte corrélation avec le degré d'autonomie que nous avons dans notre emploi, notre charge de travail, les exigences professionnelles, et notre capacité cognitive à répondre à ces demandes.

“Lorsque les exigences de l'emploi sont supérieures au contrôle offert par celui-ci ou à la capacité d'une personne à répondre à ces exigences, il y a une détérioration de la santé mentale et, par conséquent, une probabilité accrue de décès", a expliqué Erik Gonzalez-Mulé, professeur adjoint du comportement organisationnel et des ressources humaines à la Kelley School of Business de l'Université d'Indiana et auteur principal de l'article.

"Nous avons examiné comment le contrôle au travail - ou le degré d'autonomie des employés - et la capacité cognitive - ou la capacité des gens à apprendre et à résoudre des problèmes - influencent la façon dont les facteurs de stress au travail tels que la pression du temps ou la charge de travail affectent la santé mentale et physique et, finalement, la mort", a ajouté le spécialiste. "Nous avons constaté que les facteurs de stress au travail sont plus susceptibles de provoquer la dépression et la mort pour les travailleurs qui occupent des emplois où ils ont peu de contrôle ou pour les personnes ayant des capacités cognitives inférieures", conclut-il.

Plus de contrôle : une clé anti burn-out ?

Pour s’assurer d’avoir des employés et collègues en bonne santé et éviter les burn-out, un truc permet de faire baisser la pression et les risques de morts précoces : le contrôle. 

Les analyses de l’auteur principal et sa collègue de l’Université de Northern Illinois Bethany Cockburn montrent que les employés présentent une meilleure santé physique et une probabilité de décès moindre lorsqu'ils peuvent contrôler leurs responsabilités professionnelles.

"Nous pensons que cela est dû au fait que le contrôle du travail et les capacités cognitives agissent comme des ressources qui aident les gens à faire face aux facteurs de stress au travail", a expliqué le scientifique. "Grâce à cette autonomie, les gens peuvent définir leurs propres horaires et de hiérarchiser le travail d'une manière qui les aide à atteindre les objectifs professionnels fixés, tandis que les personnes plus intelligentes sont mieux à même de s'adapter aux exigences d'un travail stressant et de trouver des moyens de gérer ce stress".

Pour les chercheurs, les managers et chefs d’équipe auraient tout intérêt à offrir plus d’autonomie à leurs salariés. Par exemple, choisir le planning de leurs tâches, fixer leurs objectifs... S’il n’est pas envisageable de donner plus de latitudes, il est possible de diminuer la charge mentale nocive pour la santé en réduisant le temps de travail.

Bien-être au travail : une question post-confinement importante

Bien-être au travail : une question post-confinement importante

Les auteurs de l’étude recommandent à être particulièrement attentif à cette question du stress au travail pendant cette période d’épidémie de coronavirus. Ils expliquent "Le COVID-19 pourrait être à l'origine de plus de problèmes de santé mentale, il est donc particulièrement important que le travail n'aggrave pas ces problèmes". Le professeur Erik Gonzalez-Mulé conseille “Cela comprend la gestion et peut-être la réduction des demandes aux employés. Prendre en compte la capacité cognitive des employés à gérer les demandes et offrir de l'autonomie aux salariés sont encore plus importants qu'avant le début de la pandémie”.

Des salariés épuisés par le confinement et l’épidémie

Généralisation du télétravail, entreprise en difficulté, peur de la maladie… l’épidémie de COVID-19 et le confinement ont, en effet, mis de nombreux employés à rude épreuve. 

La deuxième vague du baromètre du spécialiste en prévention des risques psychosociaux Empreinte Humaine, publiée fin avril, révélait que 47% des salariés étaient en situation de détresse psychologique. Ceux dont la santé s’était le plus détérioré pendant le confinement étaient les femmes, les managers, les supérieurs des managers et les télétravailleurs.

Des conclusions similaires sont présentées par l’Observatoire du CREDIR qui analyse les comportements des professionnels pendant cette période de crise. Ayant interrogé plus de 700 professionnels après le déconfinement, l’organisation qui a pour but de prévenir l’épuisement des salariés, pointent du doigt un état de fatigue préoccupant chez les personnes sondées. 38% des répondants disent travailler plus depuis le début de la crise. 81% d’entre eux assurent que le surcroît de travail est lié à des problématiques du COVID. Plus de 4 personnes sur 10 sont connectées plus de 4 heures par jour (29% plus de 6 heures). 62% des professionnels questionnés confient avoir des difficultés de concentration. Et, seulement 13% des participants rapportent n’avoir aucun problème de sommeil ou de mémoire.

Trois astuces pour limiter le stress au travail

 

Trois astuces pour limiter le stress au travail

Maura Thomas, spécialiste de la productivité et de l’équilibre vie professionnelle/personnelle, a confié au journal Forbes trois clés pour éviter un surcroît de stress au travail.

Avoir ses mails sous contrôle

Les emails sont devenus le mode d’échange préféré des entreprises, parfois même de collègues installés dans un même bureau. Pour ne pas se laisser submerger par les courriels qui interrompent le travail ou encore les vacances, la spécialiste conseille de ne pas avoir de deuxième écran d’écran, sauf si votre métier le nécessite “Trop souvent, le second moniteur nous distrait avec la boîte-mail toute la journée” explique-t-elle.

Elle recommande aussi - pour éviter de se sentir obligé de répondre immédiatement - d’ajouter une ligne dans la signature électronique indiquant le temps de réponse. Par exemple : je consulte mes mails uniquement périodiquement au cours de la journée, appelez-moi en cas d’urgence.

Rendre les réunions plus efficaces

Les réunions peuvent être extrêmement chronophages et obligent ensuite à se presser pour effectuer les tâches du jour. Cette pression peut être très angoissante. Pour limiter les emplois du temps compressés par les meetings, il est recommandé de :

  • fixer un sujet et des objectifs précis aux réunions.
  • s’assurer qu’une autre forme de concertation n’est pas possible. Par exemple, si la rencontre a pour but de collecter l’avis des collaborateurs de l’entreprise, il est possible de mettre en place un sondage via des outils comme Google Forms plutôt qu’un rendez-vous collectif.
  • faire le tri dans les réunions proposées et aller uniquement à celles où vous pouvez contribuer concrètement. “Si vous ne pouvez pas servir les objectifs de la réunion, ou si vous êtes simplement invité à des fins d'information uniquement, décliner l’invitation et dites à l'organisateur pourquoi. Par exemple : "vous m'avez invité parce que vous pensiez que j'avais les dernières informations sur ce client. En fait, je ne le sais pas. Joe serait un meilleur participant que moi.", précise Maura Thomas.

Limiter les communications 

Besoin d’informations, question d’un collègue, offre d’une pause café… on peut être très sollicité au travail. Ainsi lorsqu’on a un dossier important à finaliser, il faut savoir stopper les sources de distraction. Pour les limiter, il est possible par exemple de

  • mettre un signe “Ne pas déranger” sur la porte ou le bureau ;
  • essayez de voir si vous pouvez travailler dans un lieu isolé si vous êtes en open space. Si ce n’est pas possible, créez une bulle en écoutant de la musique ou des sons relaxants avec des écouteurs ;
  • mettez vos notifications sur silencieux ;
  • prévoir une pause à intervalle régulier pour éviter d’épuiser son énergie ;
  • consulter les notifications et messages en attente avant de commencer une nouvelle tâche.

Par ailleurs, il est important de savoir déconnecter. Il est préférable ainsi de ne pas consulter ses mails pendant le week-end, les RTT et les vacances. Cette coupure aidera à maintenir un équilibre vie professionnelle/vie personnelle, bénéfique pour les deux sphères.

Sources

Is your job killing you? Stress, lack of autonomy, ability can lead to depression, death, Eurekalert !, 19 mai 2020

3 Steps To Managing Work Stress, Forbes, 20 mai 2020

Partager :