Enceinte après 35 ans : les 8 choses à savoir

Publié par Audrey Vaugrente
le 19/03/2018
Maj le
6 minutes
young pregnant woman listening to her doctor prescriptions
Istock
L'âge moyen de la première grossesse recule en France, et les grossesses tardives se font plus fréquentes. Une nouvelle norme qui n'est pas sans risque, pour la mère comme pour l'enfant.

Un premier enfant pour ses 30 ans. Ce qui était autrefois l'exception est à présent la norme. L'âge moyen de la première grossesse recule chaque année, selon l'Insee. Désormais, les femmes prennent leur temps pour concevoir.

En 2015, un bébé sur cinq avait donc une mère âgée de plus de 35 ans… dont 5 % de 40 ans ou plus. Mais à trop attendre, les complications  se font plus fréquentes. Passés 35 ans, porter un enfant peut s'avérer plus difficile qu'à 20 ans… et cela nécessite parfois une prise en charge adaptée.

Car si la plupart des grossesses se déroulent bien, les risques augmentent avec les années. Alors, que faut-il savoir au moment de préparer sa grossesse ? E-Santé fait le point avec le Dr Joëlle Belaisch-Allart, chef du service de gynécologie-obstétrique au Centre Hospitalier des Quatre Villes, à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine).

Il est plus difficile de tomber enceinte

Pour chaque cycle, on estime qu'une femme de 25 ans a 25 % de chances de concevoir. "Avec l'âge, le taux de fécondité diminue, et de manière nettement plus marquée à partir de 35 ans", souligne le Dr Belasich-Alart. Ça n'est donc pas pour rien que de nombreuses procréations médicalement assistées surviennent à cet âge.

Ainsi, à 35 ans, une femme a 12 % de tomber enceinte pour chaque cycle. Un score qui descend à 6 % après 40 ans. Cela ne doit rien au hasard. Contrairement aux hommes, ces dames disposent d'une réserve d'ovocytes limitée. Stockés sous forme de follicules, ils sont libérés à chaque cycle menstruel sous l'influence des hormones.

Mais en fin de vie reproductive, les follicules sont de moindre qualité. Cela explique, en partie, la difficulté des ovules à être fécondés. "A 35 ans, ce risque de ne pas tomber enceinte reste acceptable", indique toutefois la gynécologue spécialiste de l'infertilité. C'est plus aux alentours de 40 ans que cela pose un réel problème.

Le risque de fausse-couche augmente

Avec les années, les chances de donner naissance à son bébé sont aussi réduites. Les fausses-couches ne sont pas rares dans la vie d'une femme. On estime que 10 à 15 % des gestations sont concernées.

Là encore, le risque se manifeste surtout après 35 ans. Avant cet âge, une grossesse sur dix se solde par un avortement spontané. Mais entre 35 et 39 ans, ce taux passe à 18 %, pour atteindre une gestation sur deux après 45 ans.

"On n'a pas d'explication claire à ce phénomène, admet le Dr Joëlle Belaisch-Allart. Les grossesses tardives comportent deux types de risques : ceux liés à l'ovocyte et ceux liés à l'utérus. Dans le premier cas, il y a plus de risques de fausses-couches ou d'anomalies chromosomiques." Celles-ci sont soupçonnées d'être à l'origine de nombreux avortements spontanés.

Le fœtus peut développer plus d'anomalies génétiques

Justement, les anomalies se font plus nombreuses après 35 ans. La plus connue d'entre elles est la trisomie 21. "On propose systématique le dépistage aux femmes enceintes, qui ne sont pas obligées de l'accepter", indique le Dr Belaisch-Allart.

A 20 ans, cette anomalie touche environ un fœtus sur 2 000. Cette proportion passe à un fœtus sur 100 après 40 ans. De manière générale, le risque d'anomalies chromosomiques est plus que doublé entre 38 et 42 ans.

Il faut surveiller le diabète et l'hypertension

Au-delà des risques liés à l'ovocyte, l'état de santé de la femme lui-même est affecté par les années. Deux pathologies sont particulièrement surveillées : le diabète gestationne l et l'hypertension artérielle gravidique, qui surviennent plus souvent chez les mères "âgées".

"Ces maladies commencent à augmenter vers 35 ans et ce phénomène s'aggrave à 40 ans et après", explique Joëlle Belaisch-Allart. Le risque d'hypertension est, par exemple, multiplié par 5 après 35 ans. Systématiquement dépistées, ces pathologies doivent faire l'objet d'une prise en charge rigoureuse. Car elles favorisent les complications pour le fœtus comme pour la future mère.

"Le diabète gestationnel est un excès de sucre qui peut, dans le pire des cas, entraîner une mort in utero, ajoute la gynécologue-obstétricienne. C'est pourquoi on essaie de stabiliser la glycémie, par le régime ou l'insuline si nécessaire."

En effet, le diabète favorise l'hypoglycémie à la naissance, mais aussi les malformations nerveuses et cardiaques, et un bébé dont le poids est supérieur à 4 kg à la naissance. Et ce n'est pas tout : ce trouble métabolique augmente le risque de souffrir d'hypertension artérielle, voire de pré-éclampsie, pour la mère.

Or, l'hypertension gravidique dégrade la qualité des apports nutritionnels au fœtus, entraînant un retard de croissance intra-utérine. Elle est aussi impliquée dans une naissance survenue avant la 32e semaine de grossesse sur cinq.

Le bébé peut naître plus tôt

Même en l'absence de ces pathologies de la femme enceinte, une grossesse tardive est associée à plus de naissances prématurées. Avant 35 ans, une naissance sur vingt survient avant le terme. Après 40 ans, ce sont 8 % des fœtus qui sont concernés.

"Il est donc fondamental de savoir si la patiente a des conditions de travail pénible ou si elle prend les transports plus de deux heures par jour, indique le Dr Belaisch-Allart. Si c'est nécessaire, on peut la mettre en arrêt de travail."

Eviter un accouchement prématuré est essentiel, car une naissance précoce peut avoir des effets néfastes sur la santé du nouveau-né. Dans les cas les plus graves, l'immaturité du cerveau ou des poumons donne lieu à des troubles qui dureront toute la vie – comme des problèmes d'apprentissage, de comportement… Et ce malgré les progrès considérables de leur prise en charge.

Le risque de complications à la naissance augmente

Cette augmentation des risques poursuit les femmes jusqu'à l'accouchement. Les césariennes sont plus nombreuses, tout comme les rétentions placentaires et les fièvres du post-partum. Des complications qui se traitent bien, toutefois.

Entre 25 et 29 ans, la mortalité maternelle est d'environ 4 mères pour 100 000 naissances. Après 45 ans, ce risque passe à 33 pour 100 000. Ce doit être l'âge limite, aux yeux de Joëlle Belaisch-Allart.

"A 35 ans, l'augmentation du risque est minime, souligne-t-elle. C'est surtout après 43 ans que cela devient dangereux pour la mère." Cette mortalité est principalement due aux hémorragies de la délivrance, un saignement important qui survient dans les heures, voir les jours, suivant la naissance du bébé.

Le suivi peut être renforcé après 35 ans

Ces risques restent modérés et, dans la plupart des cas, ne nécessitent pas une prise en charge renforcée. Le rythme est donc le même que pour les femmes plus jeunes : 7 consultations prénatales – une par mois à partir du 3e mois de grossesse –, complétées par 3 échographies obstétricales.

"Selon les cas, on peut être amené à réaliser plus d'échographies, explique le Dr Belaisch-Allart. On propose un suivi par une sage-femme à domicile, s'il y a un risque d'accouchement prématuré. S'il y a une suspicion de diabète gestationnel, on propose des consultations de diabétologie."

L'âge du père doit être pris en compte

La gynécologue insiste toutefois sur un point : l'âge du père joue lui aussi un rôle dans le déroulement de la grossesse. Un sujet trop rarement abordé. "Il augmente le risque de fausse-couche et peut avoir des conséquences cognitives et psychologiques sur le développement de l'enfant", rappelle-t-elle.

Plusieurs études ont, en effet, suggéré qu'un âge paternel trop avancé favorisait autisme, trisomies mais aussi troubles de l'attention.

Sources

Age moyen de la mère à l'accouchement en 2017, Insee, consulté le 19 mars 2018

En 2015, un nouveau-né sur vingt a une mère de 40 ans ou plus, comme en 1948, Insee, consulté le 19 mars 2018

Fiche "Grossesse", Collège national des gynécologues obstétriciens, consulté le 19 mars 2018

Fiche "Grossesse tardive", Centre hospitalier de l'Université de Montréal, consulté le 19 mars 2018

Partager :