Ménopause précoce : comment vivre avec

Des traitements permettent de limiter les conséquences de cette survenue prématurée. Le Pr Patrice Lopes, gynécologue à la polyclinique de l'Atlantique à St-Herblain (Loire-Atlantique) nous explique comment vivre avec.
Savoir reconnaître les signes
Le terme de ménopause précoce correspond à une réalité précise : l'arrêt des règles et du cycle hormonal avant l'âge normal de 49-51 ans. "Avant 40 ans, on parle d'insuffisance ovarienne prématurée, précise le Pr Patrice Lopes. La ménopause précoce se déclare à 40-45 ans. Quand elle survient vers 45-50 ans, on parle de ménopause anticipée."
L'insuffisance ovarienne prématurée toucherait une femme sur 10 000 avant 20 ans et une sur cent avant 40 ans. Les symptômes traduisant la fin des règles sont les mêmes, quel que soit l'âge : bouffées de chaleur, crises de sueur nocturne, sécheresse au niveau de la vulve et du vagin – provoquant des troubles de la sexualité – et des douleurs articulaires.
A ces signes "classiques" peuvent s'ajouter des troubles du sommeil, de l'humeur ou de l'attention, mais aussi une fatigue, un état dépressif ou encore une variation de poids.
Améliorer son hygiène de vie
Afin de limiter les manifestations de la ménopause précoce, reprendre en main son hygiène de vie est essentiel. "Les symptômes sont aggravés par le tabac, l'alcool, des aliments pimentés ou une alimentation riche en graisse le soir", liste le Pr Lopes.
Les femmes concernées sont donc incitées à arrêter le tabac et limiter leur consommation d'alcool. Une activité physique régulière est aussi de mise – à raison de 30-45 minutes de marche rapide à 3 ou 4 reprises dans la semaine.
Côté alimentation, pas de place pour l'erreur. Graisses et sucres rapides doivent être réduits au strict minimum pour laisser la place à des légumes verts, des crudités et du poisson ainsi qu'un à deux fruits par jour. "On ajoute un apport de calcium de 1 à 1.2 grammes par jour et un apport de vitamine D en se mettant au soleil ou en prenant des suppléments."
Le traitement hormonal : une aide précieuse
Mais le cœur de la prise en charge de la ménopause précoce réside dans le traitement hormonal qui associe les hormones féminines – œstrogènes et progestérone – au moins jusqu'à 50 ans. "La substitution hormonale permet de mener une vie normale", indique Patrice Lopes.
Ce gynécologue hésite d'autant moins à prescrire ces traitements que le risque de cancer du sein est relativement faible. "Avant 40 ans, il est extrêmement rare de développer un cancer, souligne-t-il. Après 50 ans, on estime que 2 cas supplémentaires surviennent pour 1 000 femmes traitées pendant 5 ans." Ce risque passe à 6 cas pour 1 000 femmes sur 10 ans et 12 cas pour 1 000 femmes sur 15 ans.
Ces médicaments peuvent être administrés de deux façons : par voie cutanée ou par voie orale. "Avant 50 ans, on peut donner l'équivalent d'une pilule, ce qui évite de placer la patiente dans le cadre d'une pathologie", précise le spécialiste, président du Groupe d'Etude de la Ménopause et du Vieillissement hormonal (GEMVi).
Car la ménopause précoce et l'insuffisance ovarienne prématurée n'ont pas seulement des conséquences physiques. "Sur le plan psychologique, le fait de ne plus pouvoir avoir d'enfant est lourd. Un soutien peut être nécessaire si la femme n'a pas anticipé", reconnaît le Pr Lopes.
Limiter les répercussions sexuelles
En complément du traitement hormonal, des approches locales peuvent être utilisées afin de lutter contre les troubles génitaux et urinaires. Et notamment les douleurs lors des rapports sexuels, qui finissent par provoquer une baisse du plaisir et du désir pour son/sa partenaire.
"Un traitement local, qui évite l'atrophie des muqueuses vaginales, peut être utile en complément, confirme le Pr Patrice Lopes. Ce sont des hydratants vaginaux, des lubrifiants ou des hormones comme l'œstriol placentaire. Cela améliorer la qualité des rapports sexuels." Cette stratégie est d'autant plus importante que ces troubles ont tendance à s'aggraver avec la durée de la ménopause.
Un suivi cardiovasculaire nécessaire
L'autre intérêt du traitement hormonal substitutif, c'est qu'il préserve le cœur des patientes. "Normalement, les œstrogènes protègent les femmes des maladies cardiovasculaires jusqu'à la cinquantaine, indique Patrice Lopes. Si les ovaires s'arrêtent avant 40 ans, le risque d'infarctus – voire d'AVC – est multiplié par deux ou trois."
Cela s'explique par plusieurs raisons : le cholestérol et les triglycérides s'élèvent tandis que la paroi des vaisseaux sanguins se dégrade. Un ensemble d'éléments qui favorisent l'athérosclérose et, à terme, les incidents aigus.
Dans le même temps, les femmes développent une légère résistance à l'insuline. Le risque de développer un diabète est donc démultiplié par l'arrêt prématuré des cycles menstruels. Tous ces facteurs de risque rendent nécessaire un suivi régulier et la prescription d'un THS, qui a l'intérêt d'annuler l'effet de la ménopause précoce - au moins jusqu'à 50 ans.
Prendre en charge son risque d'ostéoporose
La fin de la protection hormonale signe aussi le début des ennuis sur le plan osseux. "A long terme, les femmes sont à risque d'ostéoporose, souligne le Pr Lopes. C'est pourquoi on demande aux femmes qui font une ménopause prématurée de réaliser une mesure de la densité minérale osseuse."
En effet, la fin des cycles menstruels s'accompagne d'une fragilisation des os qui augmente considérablement le risque de fracture. Et celles-ci peuvent se révéler très handicapantes. C'est aussi pour cela qu'un apport élevé en calcium et en vitamine D est exigé.
Une fois tous ces éléments assimilés, un suivi annuel suffit, précise le gynécologue nantais.
Des formes familiales existent
Les femmes pensant souffrir d'une ménopause précoce ont tout intérêt à le signaler à leur médecin, aux yeux du Pr Lopes. Car des formes familiales – donc génétiques – sont diagnostiquées dans un cas sur trois. " Dans 15 à 20 % des cas, on retrouve une altération du chromosome X qui prédispose à la débilité mentale du garçon", souligne le spécialiste.
Un diagnostic posé à temps permet aux autres membres de la famille d'être avertis de ce risque et de prendre les mesures nécessaires. "On peut prévoir l'insuffisance ovarienne prématurée, en cas de causes génétiques, précise Patrice Lopes. Il est donc possible d'anticiper et de proposer une vitrification des ovocytes."
D'autres causes provoquent une insuffisance ovarienne prématurée ou une ménopause précoce, à commencer par les médicaments. Le risque d'en souffrir est considérablement augmenté par une chimiothérapie ou une radiothérapie. "Retirer un ovaire chez une femme de 20 à 40 ans avance la ménopause d'un an et demi, complète le gynécologue. En cas de récidive, c'est inévitable."
Enfin, certaines maladies métaboliques ou auto-immunes peuvent favoriser la survenue précoce de la ménopause. C'est le cas des différents troubles de la thyroïde, mais aussi du diabète ou encore du lupus érythémateux disséminé.
Sources
La ménopause et après, CNGOF, consulté le 8 février 2018
La prise en charge de l'insuffisance ovarienne prématurée et des ménopauses précoces, GEMVi, consulté le 8 février 2018
La prise en charge de la ménopause, GEMVi, consulté le 8 février 2018
L'insuffisance ovarienne prématurée, S. Christin-Maitre et al, Annales d'Endocrinologie, décembre 2006