Ménopause, endométriose : le Lutéran et le Lutényl multiplient le risque de tumeur au cerveau

L'Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de Santé (ANSM) avait mis en garde les professionnels de la santé et leurs patientes contre deux médicaments, l'acétate de chlormadinone (Lutéran®) et l'acétate de nomégestrol (Lutényl®) en février 2019. Après la réalisation d’une étude, l’organisme confirme la dangerosité de ces produits pour les femmes.
Lutéran et Lutényl : jusqu’à 12,5 fois plus de risque de faire un méningiome
Face aux soupçons qui pesaient contre les deux médicaments utilisés pour traiter les troubles menstruels, l'endométriose et la ménopause, une étude a été lancée par l’Epi-Phare. Elle met en évidence une augmentation importante du risque de méningiome en fonction de la dose utilisée, la durée du traitement et l'âge de la patiente. Un méningiome est une tumeur cérébrale qui se développe à partir de cellules des membranes du cerveau appelées les méninges.
Selon les données recueillies, les patientes traitées plus de 6 mois par le Lutényl ou le Lutéran sont exposées à un risque multiplié respectivement par 3,3 et 3,4 par rapport aux autres femmes.
De plus, elles sont 12,5 fois plus susceptibles d’avoir une tumeur au cerveau à partir d'une dose cumulée correspondant à 5 ans de traitement pour l'acétate de nomégestrol. Le risque est multiplié par 7 à compter d'une dose cumulée correspondant à 3,5 ans d'utilisation de l'acétate de chlormadinone.
L’ANSM précise dans son communiqué “Par ailleurs le risque de méningiome conduisant à une chirurgie intracrânienne augmente fortement avec l'âge : il est, par exemple, 3 fois plus élevé pour les femmes de 35 à 44 ans que pour celles de 25 à 34 ans”.
twitter.com/ansm/status/1273250381590605825
Ces résultats ont été présentés le 8 juin 2020 lors d'une réunion du comité scientifique dédié aux macroprogestatifs et au risque de méningiome. Les experts de cette assemblé ont alors émis des recommandations d'utilisation. Toutefois, ils ne préconisent pas le retrait des médicaments incriminés en France. Ils estiment que - malgré les risques - ces produits peuvent représenter un intérêt thérapeutique pour les patientes dans certaines indications.
Quels sont les signes d’un méningiome ?
Le méningiome est une tumeur qui se développe au niveau des méninges, la membrane qui recouvre le cerveau. Elles sont le plus souvent bénignes et touchent plus particulièrement les femmes. Cette tumeur évolue parfois pendant plusieurs années avant de provoquer des symptômes.
Les signes d’alerte de la maladie diffèrent selon la localisation du méningiome. Les plus fréquents sont :
- des maux de tête,
- des crises d’épilepsie,
- des convulsions
- des pertes de l'audition
- des pertes de la mémoire
- des troubles de la vision (vision double, yeux qui tremblent) ;
- une perte de la sensibilité ;
- des pertes d'odorat ;
- fatigue chronique ;
- faiblesse musculaire ;
- des douleurs dans les membres inférieurs et supérieurs ;
- une paralysie de la partie inférieure du corps.
Les recommandations de l’ANSM pour les professionnels

L’ANSM va organiser à l'automne une "phase de concertation impliquant tous les acteurs concernés, dont les représentants des professionnels de santé et des patientes" afin d'élaborer "les mesures adéquates d'encadrement de ce risque en tenant compte de l'ensemble des utilisations actuelles de ces macroprogestatifs”.
Néanmoins en attendant, l’agence du médicament a émis des recommandations préliminaires. Elle demande aux médecins ayant prescrit ces traitements :
- d'informer leurs patientes du risque de méningiome ;
- réévaluer la pertinence d'un traitement par acétate de nomégestrol ou acétate de chlormadinone en tenant compte du bénéfice-risque individuel ;
- limiter la durée d'utilisation de ces médicaments ainsi que leurs posologies aux doses minimales efficaces (effet dose cumulée) ;
- ne pas substituer les macroprogestatifs entre eux (acétate de nomégestrol, acétate de chlormadinone et acétate de cyprotérone) en cas de méningiome ou d'antécédent de méningiome ;
- faire réaliser une IRM cérébrale en cas de symptômes évocateurs d'un méningiome ;
- proposer aux femmes de plus de 35 ans en cas de traitement prolongé (à partir de 5 ans), une imagerie cérébrale par IRM.
L’ANSM rappelle également que plusieurs traitements progestatifs sont en tension d'approvisionnement, voire en situation de rupture de stock. Elle conclut “Dans ce contexte et au regard des résultats de l'étude épidémiologique, nous invitons les professionnels de santé et les patientes à engager une réflexion commune quant à l'opportunité d'initier ou de poursuivre un traitement par ces médicaments”.
Lutéran et Lutényl : conseils aux patientes

Les femmes qui prennent l'un des deux médicaments en cause, sont invitées à consulter leur médecin pour discuter de leur prise en charge.
De plus l’ANSM ajoute :
- si vous avez plus de 35 ans et que vous êtes traitée par acétate de nomégestrol (Lutényl et génériques) ou acétate de chlormadinone (Lutéran et génériques) depuis plus de 5 ans, votre médecin pourra vous proposer de réaliser une imagerie cérébrale (IRM) ;
- si vous êtes, ou avez été, traitée par acétate de nomégestrol (Lutényl et génériques) ou acétate de chlormadinone (Lutéran et génériques) et que vous avez des symptômes évocateurs d'un méningiome (maux de tête fréquents, troubles de vision, du langage ou de l'audition, vertiges, troubles de la mémoire…), consultez votre médecin qui vous prescrira une imagerie cérébrale (IRM) ;
- si vous avez des interrogations, parlez-en avec votre médecin.
Sources
Lutényl/Lutéran et génériques :recommandations préliminaires suite à la confirmation du sur-risque de méningiome, ANSM, 17 juin 2020