Mediator : l’État est aussi responsable

Le Médiator provoque des hypertensions artérielles pulmonaires et des malformations cardiaques potentiellement mortelles. Les victimes sont d’autant plus à plaindre, que nombre d’entre elles ont simplement pris ce médicament comme un coupe-faim (ou anorexigène). Pourtant ce médicament n’était autorisé officiellement que dans le traitement du diabète. Mais le laboratoire Servier, son inventeur, en faisait également la promotion comme anorexigène auprès des médecins, ce qui était interdit.
Servier n’est plus seul en cause
Cependant les laboratoires Servier ne sont pas seuls en cause.
Bien que l’effet coupe-faim de leur produit soit connu depuis 1997 et que les premiers cas d’hypertensions artérielles pulmonaires lui étant imputables soient référencés depuis 1999, les autorités publiques ont laissé faire. Pourtant leur rôle à travers l’Agence de sécurité du médicament (ANSM) est bien de garantir la sécurité sanitaire des Français. Par la suite, les retraits des marchés italien, puis espagnol, n’y ont rien changé : le Mediator a continué à être vendu en France.
Depuis les années 2000, des milliers de personnes auraient ainsi pu être protégées, voire sauvées. C’est le cas de cette patiente qui a pris du Mediator de 2001 à 2009 pour un diabète et qui souffre aujourd’hui d’œdèmes des membres inférieurs, d’essoufflement, et d’une fuite de la valve aortique. Le Tribunal de Grande Instance de Nanterre lui a donné raison en affirmant l’existence d’un lien entre ses troubles et la prise de Mediator. Mais comme il n’y avait pas eu de consensus médical dans son cas, le recours auprès des laboratoires Servier s’annonçait très long et laborieux. D’où sa décision de mettre en cause l’Agence de sécurité du médicament.
L’Etat et l’ANSM sont également responsables
Cependant l’Agence a rejeté la demande de cette patiente en argumentant de l’absence d’imputabilité entre la prise de Mediator et ses pathologies. Face à ce refus, cette dernière a saisi le tribunal administratif qui lui a donné gain de cause : « l’État et l’ANSM ne peuvent s’exonérer de leur responsabilité en soutenant que le seul responsable est les laboratoires Servier (…). L’AFSSAPS (ancien nom de l’agence) et le Ministre des Affaires sociales et de la Santé ont failli dans leur mission de police sanitaire et cette carence est constitutive d’une faute de nature à engager leur responsabilité ».
Un grand espoir pour les victimes du Mediator
Cette nouvelle est très importante pour les malades et les médecins. L’ANSM et l’État sont clairement reconnus responsables de leur absence de décision en cas de mise en danger de la population par un médicament. Reste le problème des commissions qui statuent sur les décisions à prendre. On a beaucoup écrit sur la nécessité de l’absence de conflits d’intérêts avec les experts. Pourtant force est de constater que les experts les mieux informés sont souvent ceux qui ont travaillé sur les médicaments en cause. Une autre piste devrait donc être envisagée : que les décisions ne soient plus prises par consensus collectif, ce qui dilue la responsabilité de chacun, mais que chaque expert affirme sa position et la signe en son nom. Responsabiliser à tous les niveaux est essentiel pour accélérer le processus de prise de décision.
En attendant, les victimes du Mediator trouveront dans cette décision du tribunal administratif un véritable réconfort dans leur laborieuse démarche.
Source : JIM le 10/07/2014