La pilule contraceptive offrirait “une protection contre le coronavirus”, selon une étude

Publié par Sophie Raffin
le 6/08/2020
Maj le
5 minutes
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Selon une nouvelle étude menée par le King's College London, les femmes qui prennent la pilule sont moins susceptibles de développer une forme sévère du COVID-19. Par contre, celles qui sont ménopausées, ont plus de risques d’en souffrir.

Depuis l’apparition de nouveau coronavirus, le monde médical cherche un traitement ou un vaccin contre le COVID-19. Si les recherches n’ont pas encore aboutis, une étude menée par l’établissement britannique King's College London a une nouvelle piste de travail : la pilule contraceptive

La pilule contraceptive semble offrir une protection contre le COVID-19

Les chercheurs londoniens ont analysé les données de près de 600 000 femmes ayant utilisé l’application COVID Symptom Study app entre le 7 mai et le 15 juin 2020. Les utilisateurs doivent indiquer tous les jours comment ils se sentent et les symptômes dont ils souffrent et s'ils ont été testés. 

En épluchant ces nombreuses données, les scientifiques ont découvert que les femmes qui prennent une pilule contraceptive combinée, avaient moins de risques d’avoir le COVID-19 que celles qui ne suivent pas ce type de traitement.

Dans le détail, elles étaient 13% moins susceptibles de développer la maladie venue de Chine. Elles avaient également 21% moins de risques d’être hospitalisées

La pilule contraceptive combinée contient des formes synthétiques des hormones œstrogène et progestérone, alors que la minipilule est uniquement à base de progestérone. Ce traitement empêche l'ovulation en maintenant des taux d'hormones constants. En effet, les taux d’œstrogène de ses utilisatrices fluctuent moins. Or, depuis le début de l’épidémie, plusieurs travaux semblent indiquer que cette hormone pourrait avoir un rôle protecteur face au coronavirus.

Covid-19 : la ménopause augment le risque d’avoir une forme sévère

La même recherche, publiée sur le site medRxiv en attendant la validation par des pairs, offre des nouvelles plus inquiétantes pour les femmes ménopausées

Les résultats indiquent que les participantes ménopausées avaient 22% plus de risques d’avoir les symptômes de la pathologie liée au SARS-COV-2 par rapport à celles qui étaient toujours réglées.

twitter.com/medrxivpreprint/status/1289809796632162304

Les femmes ménopausées étaient également plus susceptibles d’être hospitalisées ou de séjourner en unité de soins intensifs, un signe des formes sévères du COVID-19. 

Comme la pilule contraceptive, les Traitements Hormonaux Substitutifs (THS) - des médicaments contenant des œstrogènes artificiels pour aider à soulager les symptômes de la ménopause, tels que les bouffées de chaleur - semblent avoir une incidence sur le SARS-COV-2. Si la prise du médicament était associée à une augmentation du risque d’avoir le COVID-19, son utilisation semblait réduire la gravité du COVID-19 chez les femmes ménopausées, car elles étaient moins susceptibles d'avoir besoin de soins hospitaliers.

“Nous avons émis l'hypothèse que les femmes pré-ménopausées avec des niveaux d'œstrogènes plus élevés auraient un COVID-19 moins grave que les femmes du même âge étant ménopauses, et nos résultats l'ont confirmé. De plus, lorsque nous avons comparé un groupe plus jeune de femmes sous pilule contraceptive orale combinée (COCP) avec un groupe similaire ne la prenant pas, nous avons constaté un COVID moins sévère parmi celles prenant le contraceptif, suggérant que les hormones du traitement pourraient offrir une certaine protection contre le COVID- 19” explique l’auteure principale de la recherche, le Dr Karla Lee. Alors que certains scientifiques pointent du doigt des limites dans l'expérience et les conclusions de son équipe, l’experte reconnaît : "des recherches supplémentaires sont certainement nécessaires pour approfondir les travaux".

Les œstrogènes : quelles sont leurs actions sur le corps ?

Les œstrogènes : quelles sont leurs actions sur le corps ?

Les œstrogènes sont des hormones sexuelles, essentiellement secrétées par les ovaires. Ils participent au développement des organes sexuels comme l’appareil uro-génital et les seins. Ces hormones ont un rôle majeur dans la reproduction et contrôlent, au côté de la progestérone, le cycle menstruel. Elles sont aussi liées à la libido et la lubrification vaginale.

Toutefois, le champs d’action des œstrogènes va bien au delà de l’appareil reproducteur féminin. Ces substances naturelles participent aussi à la croissance et au remodelage osseux. Elles freinent, entre autres, les cellules chargées de la dégradation des os, et protègent ainsi les femmes de l’ostéoporose. C’est pourquoi cette maladie qui rend les os plus fragiles, apparaît principalement chez les femmes ménopausées.

Les œstrogènes agissent également sur le métabolisme lipidique. Elles font diminuer le taux de cholestérol LDL (communément surnommé le mauvais cholestérol) et grimper cholestérol HDL (bon cholestérol). Ces hormones protègent aussi contre les maladies cardiovasculaires. Elles agissent aussi sur le système digestif et la peau.

Les fluctuations d’œstrogènes pourraient jouer un rôle dans les changements d’humeur et la dépression. De plus, certains experts avancent qu’elles impactent aussi sur le fonctionnement du cerveau et pourraient expliquer l’augmentation des problèmes de mémoire observés à la ménopause.

Pilule, un traitement controversé : quels sont les risques ?

Pilule, un traitement controversé : quels sont les risques ?

Si les experts de l’étude, mentionnée plus tôt, estiment que la pilule pourrait avoir un rôle protecteur face au COVID-19, ce contraceptif a plusieurs des effets secondaires. 

Les pilules associant un œstrogène et un progestatif augmentent les risques des utilisatrices de faire une thrombose veineuse. Il s’agit de la formation d’un caillot de sang dans une veine. Elle peut conduire à une phlébite ou d’une embolie pulmonaire. 

Si seulement 1 femme sur 100 000 présente l’un de ces deux pathologies sans contraceptif, le taux est jusqu’à 4 fois plus élevé avec un pilule de 3e ou 4e génération. Le plus souvent, ces effets secondaires indésirables apparaissent la première année d’utilisation. 

Les risques de thrombose artérielle, dont les complications sont l’AVC ou l’infarctus, sont aussi plus élevés. 

La pilule est également soupçonnée par de nombreuses femmes de faire grossir. Cette impression vient principalement du fait que le traitement augmente l’appétit. "De manière un peu subtil, les femmes ayant ce type de contraception se mettent à manger un peu plus, sans forcément sans rendre compte. Ce qui les amène à grossir", avait expliqué à Esante le docteur Emmanuelle Lecornet-Sokol, médecin endocrinologue diabétologue.

Autre sujet à débat : la pilule et le cancer. Et la question reste difficile à trancher.

L’institut national du cancer indique sur son site : “selon une expertise du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) menée en 2005 et actualisée en 2012, les pilules combinées entraîneraient  une légère hausse du risque de cancers du sein, du col de l’utérus et du foie”. 

Par contre, d’autres études assurent que les femmes sous pilule combinée seraient moins susceptibles d’être touchées d’un cancer de l’ovaire ou de l’endomètre.

Sources

Estrogen and COVID-19 symptoms: associations in women from the COVID Symptom Study, MedRxiv, 2 août 2020

Contraceptive pill 'may offer coronavirus protection', study finds, Independent.ie, 5 août 2020 

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