Comment lutter contre la tendance à l’obésité ?

Obésité : une affaire de mode de vie ?
Jusqu’à la fin du siècle dernier, il était admis que le grand responsable de l’obésité était le mode de vie : de moins en moins de dépenses énergétiques consommatrices de calories pour cause de voiture, d’ascenseurs, de chauffage, de climatisation omniprésents et de plus en plus d’offres alimentaires fournisseuses de calories tout aussi omniprésentes.
Autrement dit, si on devenait obèse, c’est parce qu’on mangeait trop et qu’on était trop sédentaire.
Pour maigrir, la seule solution était de se bouger plus et de manger moins.
Et ce « manger moins » a ouvert la porte à tous les délires des régimes amaigrissants.
Obésité : une affaire de gènes ?
Mais les perpétuels échecs du duo médical « régime hypocalorique - exercice physique » ont remis ce dogme en question en même temps que se développait la découverte de notre génome.
Depuis une quinzaine d’années, un grand nombre de chercheurs s’est activé, dans le monde entier, pour tenter de comprendre pourquoi il y a des gens qui grossissent facilement et d’autres qui, dans le même environnement, ne prennent pas de poids.
Au fil des années, plus de 70 gènes prédisposant à l’obésité ont été identifiés, et ce ne sont sûrement pas les derniers. C’est comme dans un feuilleton : chaque mois, ou presque, on en découvre un nouveau.
Il y en a de toutes sortes : des gènes qui agissent sur l’appétit, d’autres sur la satiété, sur le goût pour les lipides, sur le stockage de ceux-ci et même sur leur endroit favori de stockage (sur le ventre ou sur les fesses). Il y a aussi des gènes qui empêchent d’autres gènes de fonctionner et des petits bouts de chromosome qui se sont fait la malle (on ne sait pas encore pourquoi), tout cela augmentant le risque d’obésité.
Personne n’est à la tête de tous ces gènes perturbateurs en même temps, mais pour peu qu’on en ait quelques-uns, ça fait un bazar pas possible dans le cerveau et/ou dans le tissu adipeux (et d’autres organes aussi) et ça fait grossir.
Comment savoir si on a ces gènes en soi ?
Il faut regarder du côté de Papa, de Maman et des quatre grands-parents. Si tous sont ou ont été de poids normal (pas forcément des planches à pain !), on court peu de risques.
On estime qu’un enfant a 80 % de (mal)chances de devenir obèse quand ses deux parents le sont.
Ce risque est réduit de moitié quand un seul de ses parents l’est.
Mais il est quand même de 10 % si Papa et Maman sont minces : il y a probablement un grand-père ou une grand-mère qui l’est ou qui l’était.
Peut-on neutraliser les gènes de l’obésité ?
La réponse est OUI !
Pourquoi ? Parce que, heureusement, la plupart de ces gènes agissent en fonction de leur environnement. Et cet environnement, c’est quoi ? La sédentarité et la suralimentation.
Si l’on est porteur de ces maudits gènes, que l’on ne marche jamais, que l’on passe des heures devant la télé et que l’on mange n’importe quoi, on met de son côté toutes les chances de grossir. Mais si l’on a une activité physique régulière et une alimentation équilibrée, on ne prendra pas de poids.
On ne peut pas modifier son patrimoine génétique mais on peut modifier son environnement personnel.
Comment faire avec un enfant ?
Plus on agit tôt, mieux c’est, évidemment !
Dès que la courbe Taille/Poids de son carnet de santé s’infléchit dans le mauvais sens, il faut avant tout mettre en place une stratégie d’activité physique : remplacer la poussette (s’il y est encore) par un tricycle (il en existe avec une canne qui permet au parent promeneur de garder le contrôle tandis que le petit pédale), le faire marcher le plus souvent possible, lui apprendre à nager et, selon son âge, l’inscrire dans un club de sports. Tous ses loisirs doivent être orientés vers la dépense physique. Ce qui implique, c’est l’évidence, de limiter au maximum la télé et les jeux vidéos.
Un enfant qui, très tôt, prend l’habitude de se dépenser physiquement a toutes les chances de la garder toute sa vie. En effet, son corps réclamera sa dose d’activité physique quotidienne et il devra la satisfaire pour se sentir bien.
Du côté de l’alimentation, quel que soit l’âge du petit, il ne s’agit surtout pas de le mettre au régime ! C’est la plus grosse erreur que l’on puisse faire.
Il faut simplement bannir les boissons sucrées de la maison et mettre en place, si ce n’est déjà fait, une alimentation équilibrée. Et, c’est tout aussi primordial, ne pas lui donner l’habitude de grignoter entre les repas et considérer les bonbons et autres sucreries comme un moment exceptionnel de fête.
Comment faire quand on est adulte ?
C’est bien sûr la même stratégie à mettre en place.
Pour l’activité physique, c’est uniquement une affaire de volonté. En tout cas au début afin de réhabituer son corps au mouvement. Dès qu’il sera dérouillé, tout sera beaucoup plus facile : on trouvera le fait de marcher tout naturel et on risque fort alors d’avoir envie de plus.
Côté alimentation, la première et essentielle règle est de ne pas plonger dans n’importe quel régime pour maigrir vite. C’est le meilleur moyen de renforcer l’activité de certains gènes et d’ouvrir le chemin de l’obésité, via les kilos yo-yo.
Ensuite, c’est une affaire d’organisation pour trouver le temps :
1 - De cuisiner afin de virer les plats industriels de son quotidien. Une fois cette organisation mise en place, il va de soi qu’on peut alors préparer tout ce qu’il faut pour des menus équilibrés où les légumes et les céréales rassasiants sont bien en place.
2 - De manger tranquillement en s’obligeant à bien mâcher de façon à ce que le centre de satiété fonctionne comme il faut. Quand c’est le cas, on neutralise les gènes qui peuvent le perturber.
Quand l’obésité est une tendance, elle n’est pas pour autant une fatalité. On peut la dominer en contrôlant son environnement personnel.
Sources
Bouchard, C. The genetics of obesity: from genetic epidemiology to molecular markers Mol Med Today 1995, 1 : 45-50 - S. Jacquemont et al., Mirror extreme BMI phenotypes associated with gene dosage at the chromosome 16p11.2 locus, Nature, vol. 478, pp. 97-102, 2011. - D. Meyre et al., Genome-wide association study for early-onset and morbid adult obesity identifies three new risk loci in European populations, Nat. Genet., vol. 41, pp. 157-159, 2009.