Cancer du sein : un rythme circadien perturbé rendrait les tumeurs plus agressives

En 2018, plus de 2 millions de nouveaux cancers du sein ont été diagnostiqués à travers le monde dont 58 459 en France. Selon différentes études épidémiologiques, moins de 10% de ces cas seraient héréditaires. Les autres tumeurs seraient liées à des facteurs comportementaux, hormonaux et environnementaux. Une étude de l’Université Paris-Saclay, de l’Inserm et d’INRAE, publiée dans la revue Nature Communications, a découvert un nouveau point d’alerte : une perturbation chronique du rythme circadien augmenterait la dissémination des cellules cancéreuses.
Cancer du sein : les femmes qui travaillent de nuit ont plus de risque ?
De précédentes recherches pointaient du doigt la modification des cycles lumière/obscurité - par exemple celle vécue régulièrement par les travailleurs de nuit - comme un possible facteur de risque du cancer du sein. Les scientifiques français ont ainsi voulu comprendre l’effet du décalage horaire chronique sur le développement des tumeurs mammaires.
Pour y parvenir, ils ont réalisé une expérience avec des souris qui en forment spontanément. Ces petits rongeurs étaient soumis à un décalage horaire continu, semblable à celui des emplois du temps des personnes qui travaillent en décalé : alternance jour et de nuit et une alternance à cheval sur des périodes diurnes et nocturnes.
Grâce à l’étude de ces petits animaux, l’équipe a confirmé que le dérèglement du rythme veille-sommeil avait bien un impact significatif sur l'apparition des tumeurs mammaires. En effet, elle a remarqué que la dissémination de cellules cancéreuses et la formation de métastases étaient plus importantes chez les souris soumises à des “horaires décalés”.
twitter.com/InsermIDF/status/1275805104063549440
Le rythme circadien est défini par l’alternance entre la veille, période de la journée pendant laquelle on est éveillé et le sommeil, celle pendant laquelle on dort. La perturbation chronique et régulière de ce cycle d’environ 24 heures affaiblit le système immunitaire. Selon les travaux menés, ce dernier est rendu “plus permissif” à la dissémination des cellules cancéreuses, car le micro-environnement tumoral est modifié.
Les chercheurs expliquent dans leur article publié le 22 juin 2020 : "l’augmentation de l'expression de la chemokine Cxcl5 (protéine NDLR) dans les tumeurs, conduit à une infiltration accrue des cellules myéloïdes CXCR2 + qui favorise un microenvironnement immunosuppresseur". Ils assurent ensuite : "ces effets négatifs peuvent être corrigés par l’utilisation d’un inhibiteur de la voie CXCR2/CXCL5 et donc limiter l’effet du stress circadien sur la progression tumorale".
Tumeur mammaire : prudence pour les femmes pré-ménopausées
À la suite de leurs travaux sur les souris, les chercheurs de l’Université Paris-Saclay, de l’Inserm et d’INRAE mettent en garde les femmes de plus de 40 ans qui travaillent en 3x8 face à leur risque accru de cancer du sein.
Ils expliquent : "ces résultats expérimentaux renforcent les résultats d'études épidémiologiques montrant que les femmes pré-ménopausées exposées par leur travail à des rythmes décalés sur de longues périodes seraient particulièrement exposées à des cancers du sein plus agressifs".
Cancer du sein : les autres facteurs de risque à craindre

Selon les experts, le risque cumulé qu'une femme développe un cancer du sein au cours de sa vie est d'environ 5% dans le monde. Celui d’être emporté par cette maladie est de son côté de 1,4%. En 2018, on déplorait en France 12 000 décès liés à une tumeur mammaire en France.
Si les chercheurs viennent de confirmer l’influence du décalage horaire sur la maladie, les femmes peuvent voir leur risque d’avoir un cancer du sein exploser par d’autres facteurs.
- l’âge : le risque sont plus importants entre 65 et 74 ans ;
- une prédisposition génétique : une mutation génétique héréditaire sur les gènes BRCA1 et BRCA2 a été corrélé au cancer du sein ;
- une mauvaise alimentation et l’obésité ;
- la consommation régulière d’alcool ;
- le tabagisme ;
- la prise de traitements hormonaux à la ménopause ;
- une prise de pilule contraceptive très précoce ou très prolongée : ces traitements contiennent, en effet, des œstrogènes et de la progestérone. Ces hormones font légèrement augmenter le risque de cancer du sein ;
- la sédentarité ;
- les grossesses tardives ou l’absence de grossesse menée à terme. Des recherches ont révélé qu’avoir un bébé après 30 ans ou le fait de ne pas avoir d’enfant augmente les risques de développer un cancer du sein.
Par ailleurs, l'apparition de tumeurs mammaires peut aussi être liée à des critères environnementaux comme la pollution de l’air.
Cancer du sein : les trucs pour faire son auto palpation ?

Selon Santé Publique France, un cancer du sein sur 10 est diagnostiqué à un stade avancé et 30% à un stade intermédiaire (extension régionale de la tumeur). Les cas les plus avancés sont repérés plus fréquemment chez les femmes de plus de 74 ans.
Or, la prise en charge précoce de la tumeur augmente significativement les chances de survie. Il est donc important de repérer rapidement les signes inquiétants de la maladie :
- une boule au sein ;
- des ganglions durs au niveau de l’aisselle ;
- un écoulement anormal : liquide verdâtre ou sanguinolents par un des mamelons ;
- une modification de la peau au niveau du sein ou du mamelon (texture, couleur...) ;
- un changement de la forme ou de la taille du sein.
Afin de remarquer ces signes d’alerte plus facilement, il est conseillé de faire une autopalpation des seins tous les mois à partir de l'âge de 20 ans.
Compte tenu de la sensibilité renforcée de la poitrine pendant les règles, il est recommandé de faire d’effectuer cet examen deux ou trois jours après la fin des menstruations. Pour les femmes ménopausées, il suffit de le réaliser tous les mois à une date fixe.
Les étapes de l’autopalpation
- Première étape : regardez attentivement votre buste dans une glace, bras le long du corps, puis bras levés derrière la tête. Il faut chercher une variation de forme ou de taille (distorsion, gonflement, rétraction du mamelon, rougeur, douleur, fossette, ridule, bombement à la surface de la peau…).
- Deuxième étape : pincez délicatement chaque mamelon entre le pouce et l'index pour s’assurer qu’aucun écoulement ne survient.
- Troisième étape : il faut palper le sein avec la pulpe de trois doigts (index, majeur et annulaire). Balayez toute la zone de la glande mammaire, soit de la clavicule au pli sous le sein puis du sternum à l'aisselle, en faisant de petits cercles de la taille d'une pièce de deux euros.
Astuce : pour être sûre d’avoir examiné toutes les zones à risque, il y a une de ces trois méthodes :
- une spirale qui commence au mamelon et s'éloigne petit à petit ;
- des traits verticaux parallèles, du sternum vers l'extérieur du corps ;
- des axes partant du mamelon, comme un soleil.
Par ailleurs, dans le cadre de la prévention du cancer du sein, une mammographie de dépistage est recommandée tous les deux ans à partir de 50 ans. Elle est prise en charge par l’Assurance maladie. Il n'y a rien à avancer.
Sources
Chronic circadian disruption modulates breast cancer stemness and immune microenvironment to drive metastasis in mice, nature communications, 24 juin 2020
Cancer du sein : une perturbation chronique du rythme circadien augmenterait la dissémination des cellules cancéreuses, INRAE, 24 juin 2020
Cancer du sein, Institut Curie, 25 mars 2017
Le cancer du sein en chiffres, Institut national du cancer, 3 juillet 2019