Une nouvelle thérapie pour se libérer de ses souffrances

Lutter contre nos pensées et nos émotions les renforce
Benjamin Schoendorff nous invite à considérer ce paradoxe à l'aide d'une métaphore : ' Imaginez que vous êtes sur une île entourée de requins, sur une trappe au-dessus de l'eau. Un appareil ultra-sensible enregistre le niveau de votre anxiété. Pour mieux vous motiver, au moindre signe de peur, la trappe s'ouvrira et vous finirez en hamburger pour requins. Combien de temps pensez-vous pouvoir tenir ? Tout le monde répond ' très peu de temps '. En fait, vous êtes déjà branché sur l'appareil le plus sensible de la création : votre système nerveux.'
La lutte peut empêcher de vivre
Quand nous avons tendance à lutter contre nos propres pensées et nos ressentis, loin de les éliminer, cela ne fait qu'augmenter l'importance et la place qu'ils prennent dans notre vie. Ils deviennent obsédants, mobilisant la meilleure part de notre énergie, au détriment des actions qui nous font avancer vers ce qui est vraiment important. Dans le pire des cas, on peut se trouver totalement coincé, prisonnier d'une spirale intérieure infernale.
Qui a tendance à lutter contre ses pensées ou ses émotions ?
Nous sommes tous concernés. Ceux qui souffrent de phobies : si j'ai peur de parler en public, j'y pense à l'avance, je me vois en train de bégayer ou de rougir, j'essaye de ne plus y penser, et ça ne fonctionne pas, j'ai encore plus peur. J'évite de me mettre en situation de parler en public et plus je l'évite, plus ma peur grandit.
Les personnes souffrant de troubles obsessionnels compulsifs : j'essaye de ne pas penser à la contamination, à mon envie de me laver les mains, mais plus j'essaye de ne pas y penser, plus j'y pense.
Même les personnes atteintes de schizophrénie ont cette tendance à lutter : j'essaye de ne pas entendre des voix, mais plus je tente de les ignorer, plus elles sont fortes.
Les personnes souffrant de difficultés de régulation émotionnelle : j'essaye de ne pas m'énerver, et plus j'essaye, plus je m'énerve. Mais qui n'a pas un jour raté un coup au but, un entretien ou une recette parce qu'il était coincé à combattre ses pensées ou ses émotions ? L'ACT est un modèle qui concerne tout le monde.
La thérapie d'acceptation, ou comment apprendre à accepter
Comprendre cela, loin de nous décourager, libère déjà quelque chose en nous. ' En thérapie d'Acceptation et d'Engagement (ACT) ', explique Benjamin Schoendorff, ' Nous commençons par faire ressentir à nos patients ce paradoxe, et cela au niveau du ressenti, dans l'expérience et pas seulement au niveau des idées. C'est une thérapie expérientielle, qui est proche des thérapies cognitives et comportementales. On apprend à court-circuiter l'intellect, quand il ne nous aide pas. Pour ce faire, on utilise des exercices d'observation de type pleine conscience. On explore toutes les formes que prend la lutte. Une fois faite l'expérience de la futilité de la lutte, le terrain est prêt pour l'acceptation '.
L'acceptation, ce n'est pas se résigner, au contraire. C'est un choix actif où l'on entraîne la capacité à accueillir la totalité de son expérience intérieure, sans en repousser aucune partie.
La place des valeurs dans la thérapie d'acceptation (ACT)
L'ACT va plus loin que la simple acceptation de nos pensées et émotions. Elle cible nos valeurs qui sont un moteur puissant de changement. Benjamin Schoendorff expose un exemple simple : ' Si j'ai la phobie de parler en public, cela peut être important pour moi, car je souhaiterais vraiment transmettre ce que je sais à d'autres. Cela tient une place dans mon système de valeurs. En revanche, si j'ai la phobie des tigres, cela n'a guère d'importance, si, dans mon échelle de valeurs, aller ou non au zoo n'a guère d'importance. En mettant en avant mes valeurs, j'entraîne ma capacité à différencier la qualité de mes actions. Soit j'agis pour avancer en direction de mes valeurs, soit j'agis pour éloigner ce que je ne veux pas ressentir. Dans un cas je ressens que ma vie s'élargit, même si je ressens de la douleur ou de l'anxiété. Dans l'autre, je sens qu'elle se rétrécit, même si je contrôle mes ressentis sur le court terme. Une fois cette distinction faite au niveau de mon expérience, je retrouve le choix et la possibilité d'une vie avec un plus large horizon. '
Alors, si on arrêtait de se prendre la tête pour avancer dans le moment présent ? C'est la grande leçon de l'acceptation et de la pleine conscience.
(1) Benjamin Schoendorff est psychologue, psychothérapeute, titulaire d'un master en neuropsychologie. Il travaille en libéral et suit un projet de recherche sur les troubles obsessionnels et compulsifs. Son livre est paru aux éditions Retz.
Le site de son livre : fairefacealasouffrance
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