Trop de volontaires pour le don de selles : un chercheur suspend son étude

Un appel aux dons de selles à des fins de recherche médicale s’est transformé en cauchemar pour le professeur qui en était à l’origine. Face à une avalanche de réponses, le médecin a dû suspendre son étude scientifique.
© Adobe Stock

Le professeur Harry Sokol croule sous les offres de don… de selles. Ce professeur en hépato-gastro-entérologie, spécialiste du microbiote intestinal à l’hôpital Saint-Antoine (Paris), a en effet lancé un appel le 15 novembre 2018 aux dons d’excréments pour développer ses recherches sur la greffe fécale. À condition d’avoir entre 18 et 49 ans, d’être en bonne santé et d’être affilé·e à un régime de sécurité sociale française, chaque personne effectuant un don aurait reçu une indemnisation d’un montant de 50 euros. Une proposition qui est devenue virale en seulement quelques jours, au point d'entraîner la suspension du l’annonce et de l’étude à laquelle les dons devaient servir, rapporte Le Parisien le 22 novembre 2018.

"Ce qui s’est passé est une catastrophe"

"Nous avons reçu tellement d’appels que nous avons dû couper la ligne" confie ainsi le professeur Sokol au quotidien. Et d’ajouter : "Ce qui s’est passé est une catastrophe. La personne qui a mis l’annonce sur les réseaux sociaux l’a fait sans nous consulter. Maintenant, nous nous voyons contraints d’interrompre transitoirement l’étude car c’est devenu ingérable." Le médecin déplore en effet que cette annonce qui concerne un sujet sérieux ait été tournée en dérision sur la toile et puisse avoir de telles répercussions négatives sur son projet de recherche.

La greffe fécale, une méthode porteuse d’espoir

Mais en quoi consistent exactement cette recherche médicale ? La greffe fécale, ou transplantation fécale, consiste à implanter une préparation de matière fécale issue d’une personne dont le microbiote intestinal est sain à une autre personne dont la composition du microbiote est altérée. Le microbiote intestinal (anciennement appelé flore intestinale) regroupe l’ensemble des microorganismes (bactéries, levures…) qui colonisent notre tube digestif. Les altérations de sa composition, de sa fonction ou de sa diversité semblent avoir des conséquences importantes sur la santé de son ou sa propriétaire.

C’est pourquoi "le microbiote est maintenant reconnu comme une cible thérapeutique dans de nombreuses pathologies et la transplantation de microbiote fécal est une stratégie envisagée" précise le site de l’Association Française de Formation Médicale Continue en Hépato-Gastro-Entérologie. À l’heure actuelle, la seule indication validée de la transplantation fécale "est l’infection récidivante à Clostridium difficile (une bactérie digestive dangereuse et complexe à éliminer lorsqu'elle est résistante aux antibiotiques, ndlr) avec des taux de succès de l’ordre de 80 à 90 %" note l’association.

Mais les recherches scientifiques, comme celles du professeur Sokol, pourraient contribuer à asseoir l'usage de la greffe décale dans le traitement d’autres pathologies digestives. Le traitement des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), dont la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique, qui touchent 200 000 personnes en France, pourrait ainsi se voir transformé par la maîtrise et l’autorisation de la transplantation fécale.

Notre Newsletter

Recevez encore plus d'infos santé en vous abonnant à la quotidienne de E-sante.

Votre adresse mail est collectée par E-sante.fr pour vous permettre de recevoir nos actualités. En savoir plus.

Source : Paris : victime de son succès, l’étude recherchant des donneurs de selles suspendue, Le Parisien, 22 novembre 2018 
Faites un don de selles pour les hôpitaux de Paris, PariSecret, 15 novembre 2018 
Transplantation fécale, Association Française de Formation Médicale Continue en Hépato-Gastro-Entérologie, page consultée le 23 novembre 2018 
La transplantation de microbiote fécal et son encadrement dans les essais cliniques, Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), Mars 2014 
Les MICI c’est quoi ? Observatoire nationale des MICI, page consultée le 23 novembre 2018