Télémédecine, consultations médicales à distance, téléconseils… : comment s’y retrouver ?

Publié par Hélène Joubert
le 5/10/2016
Maj le
6 minutes
rester en contact avec le temps proche p de la tablette dans les mains du docteur professionnel agréable le tenant tout en allant au travail
Istock
Une consultation médicale à distance n’est pas une consultation comme les autres. Entre consultations de télémédecine (téléconsultations), téléconseils personnalisés via des plateformes privées -chaque jour plus nombreuses- et simple appel téléphonique à son médecin traitant ou à un spécialiste… que disent la réglementation et la déontologie ? Les explications du Dr Jacques Lucas, vice-président du Conseil National de l'Ordre des Médecins en charge des questions numériques.

Que recouvre le terme "téléconseil personnalisé à distance" ?

Décrire ses symptômes par visioconférence ou au bout du fil, sans passer par la case "cabinet médical", c’est l’idée de la e-consultation, une consultation médicale virtuelle où médecin et patient ne sont pas physiquement en présence.

Très récemment, les publicités pour les "téléconseils personnalisés à distance" se sont multipliées, qu’ils soient généralistes ou spécialisés en pédiatrie etc. On parle précisément de "téléconseils personnalisés à distance" lorsqu’une personne souhaite un conseil médical qui se situe hors du "parcours de soin" : cela signifie qu’il n’est pas organisé par la convention médicale, ni l’Assurance Maladie quant à la prise en charge financière.

Ces personnes, au moment où elles s’interrogent sur une question de santé, souhaitent obtenir un avis ou un conseil d’ordre médical sans consulter leur médecin habituel.

Pour sa part, l’appel téléphonique à son médecin traitant n’est pas considéré par la réglementation comme une véritable "consultation à distance".

Téléconseil personnalisé ou téléconsultation : ne pas confondre

Aujourd’hui, deux types de consultation à distance existent :

  • Les téléconsultations.

Les consultations médicales à distance relevant de la télémédecine avec des "téléconsultations" sont organisées et très règlementées par le Code de la Santé. Il s’agit d’une téléconsultation médicale à part entière mais sans déplacement physique du patient, utilisant des moyens numériques ou téléphoniques. La règlementation impose un cadre juridique contraignant, dont un processus de contractualisation avec une Agence Régionale de Santé, qui se veut le garant de la sécurité du patient, mais aussi de la maîtrise des dépenses prises en charge par l’Assurance Maladie. Tout cela est très théorique et la complexité du processus réglementaire fait que les téléconsultations ne se sont pas développées en France.

Enfin, la téléconsultation étant, comme l’indique la loi, "une forme d’exercice de la médecine", la prescription est possible.

Un exemple parmi d’autres est la Consult StationⓇ.Pour les régions où les médecins se font rares, au plus près des étudiants et des salariés, un médecin a inventé une cabine, véritable cabinet médical connecté par visioconférence à un médecin situé à des centaines de kilomètres de là. Cette "téléconsultation" garantit un examen médical dans les règles de l’art.

  • Les téléconseils personnalisés.

Vu la lourdeur du processus de contractualisation des téléconsultations, des acteurs privés (plateformes téléphonique ou numériques) "contournent" la réglementation en prenant le nom de "téléconseils personnalisés". Ce sont des plateformes d’orientation d’ordre médical, pour une réponse rapide à des personnes inquiètes, à l’instar de ce que fait le Centre 15. Elles prodiguent des conseils et proposent des médicaments délivrés sans ordonnance ou recommandent de consulter rapidement un spécialiste ou un généraliste.

Le téléconseil ne permet pas l’envoi d’une ordonnance. Des personnes anxieuses pour elles, leur enfant ou leur entourage peuvent y trouver des apaisements à leurs inquiétudes sans se présenter aux Urgences ou appeler le Centre 15. Ces téléconseils sont payants (à la différence des appels au 15) et sont parfois pris en charge par des sociétés d’assurance ou des mutuelles.

A lire aussi sur e-sante : Télémédecine : un médecin toujours sous la main

Consultation à distance, quelle prise en charge par l’Assurance Maladie ?

La prise en charge financière est une question cruciale.

  • télémédecine (ou appel au Centre 15), il s’agit bien d’un acte médical et à ce titre pris en charge par l’Assurance Maladie ou par la dotation financière des établissements.

  • En revanche, le coût d’un téléconseil personnalisé revient en intégralité à la charge du client (en guise d’exemple, aux alentours de 15 euros la conversation par internet et 3 euros/minutes au téléphone).
  • Quant à l’appel téléphonique à son médecin traitant ou au spécialiste, le Code de déontologie médicale stipule que « le simple avis ou conseil donné par téléphone ou par courrier (courriels-emails inclus) ne peuvent pas donner lieu à honoraires ». En d’autres termes, un avis émis par téléphone ou courrier électronique par un médecin traitant, un généraliste ou un spécialiste à un patient qu’il connaît, ne peut pas lui être facturé. Or les médecins généralistes et spécialistes sont de plus en plus sollicités par ce genre d’appels -dû à l’augmentation des maladies chroniques notamment- et le Conseil National de l’Ordre des Médecins plaide pour une forme de rémunération de ces avis donnés par téléphone ou courriers qui entrecoupent souvent les consultations "physiques". Aussi et surtout parce qu’il s’agit d’une activité inscrite dans le parcours de soin entre un patient et son médecin.

Le flou des consultations à distance

Du point de vue du Conseil national de l’Ordre des médecins, il n’y a pas de différences substantielles entre "téléconseil personnalisé" et "téléconsultation". C’est un artifice sémantique pour s’exonérer des contraintes réglementaires de la t élémédecine. En effet, aujourd’hui, le téléconseil n’est pas encadré par la Loi, sauf au moyen des contrats passés entre les médecins qui apportent leur concours à ces plateformes de téléconseil personnalisé.

Dr Lucas : « Ces contrats doivent garantir l’indépendance professionnelle et le respect du secret médical. Nous demandons que les téléconseils personnalisés rentrent dans un cadre règlementaire, ne serait-ce que pour encadrer la sécurité des conseils médicaux délivrés au patient. Il faudrait aussi que d’un autre côté, on assouplisse les décrets qui régissent la télémédecine car un processus de contractualisation avec l’ARS (Agence régionale de santé) ne nous paraît pas nécessaire. La télémédecine doit être intégrée dans le parcours de soins. Le suivi d’une personne par son médecin, généraliste ou spécialiste, doit pouvoir associer des possibilités de le faire par l’usage du numérique ou du téléphone, notamment dans le suivi des maladies au long cours. Il nous paraît anormal que des téléconseils personnalisés puissent être pris en charge par des assureurs privés ou des sociétés mutuelles et que la prise en charge de la même activité dans le parcours de soin ne le soit pas par l’Assurance Maladie. Régler ce sujet devient urgent ».

Quelles sont les garanties de la fiabilité de l’avis médical à distance ?

Si les consultations de télémédecine apportent toutes les garanties quant à leur fiabilité puisqu’il y a des conditions réglementaires de mise en œuvre et que le patient doit connaître l’identité et les qualifications du médecin, les téléconseils ne fournissent pas toujours les mêmes garanties.

Le recours aux plateformes de "téléconseil personnalisé" doit donc s’accompagner de certaines précautions.

Le "client" devrait connaître ou demander ces informations si elles ne figurent pas sur le site. Ce sont des Conditions Générales d’utilisation en quelque sorte, comme lorsque l’on accepte les conditions d’usage en téléchargeant une application sur son smartphone.

Parmi les questions à poser :

  • Quelle est la localisation de la plateforme ?
  • Comment les données de santé des personnes sont-elles protégées de toute divulgation ?
  • Le médecin a-t-il un contrat de prestation de service visé par l’Ordre afin de garantir sa qualification et son indépendance (notamment être rémunéré au forfait et non à la consultation) ?
  • Le médecin est-il couvert par une assurance en responsabilité civile en cas de dommage ? En effet, que ce soit une téléconsultation ou un téléconseil, toute activité médicale engage la responsabilité du médecin sur le plan civil (assurance en responsabilité civile).
  • Les conversations sont-elles enregistrées ?

Sources

D’après un entretien avec le Dr Jacques Lucas, vice-président du Conseil National de l'Ordre des Médecins, en charge des questions numériques.

Partager :