Tabagisme : sauvons les jeunes femmes !

Publié par Dr Philippe Presles
le 13/06/2000
Maj le
9 minutes
Autre
La récente journée de mobilisation contre le tabac (31 mai) aura eu le mérite de donner la parole à tous ceux qui luttent contre ce fléau et de faire réfléchir sur les chiffres de l'épidémie.

Car il s'agit bien d'une véritable épidémie qui touche toute la planète, à commencer par les pays en voie de développement: aujourd'hui, le tabagisme tue 4 millions de personnes par an; elles seront 10 millions d'ici 2005. C'est la raison pour laquelle l'OMS (Organisation Mondiale pour la Santé) a lancé, lors de la 52ème assemblée mondiale de la Santé, une convention-cadre pour la lutte anti-tabac (CCLAT). L'objectif est de promulguer le "premier traité mondial de lutte contre le tabac" d'ici 2003.

Les femmes fument de plus en plus

En France les chiffres sont tout aussi alarmants et Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la Santé, a annoncé lors de sa conférence de presse du 30 mai que le tabac reste la première cause de mortalité évitable avec 60.000 décès chaque année (1 décès sur 9). Surtout c'est la projection des chiffres qui fait peur car en 2005, ce seront 165.000 décès par an qui seront à déplorer avec une augmentation de 100% chez les hommes et de 1000% chez les femmes. Le problème majeur est bien là: alors que la tendance générale est à la diminution de la consommation du tabac en France, les femmes fument de plus en plus (elles étaient 15% en 1981, 25% en 1995 et 31% aujourd'hui, se rapprochant des 42% de fumeurs rencontrés chez les hommes).

L'envie de s'arrêter est largement répandue

Heureusement, de plus en plus de fumeurs ont envie d'arrêter, soit 58% des personnes interrogées selon une étude menée par le CFES (Comité Français d'Education pour la santé).Cela justifie que les moyens de lutte contre ce fléau soient augmentés, ce qu'annonce Jean-Marie Spaeth, président de la CNAMTS (Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés): 130 millions de Francs seront affectés au budget de la prévention.

Cette envie d'arrêter de fumer se retrouve dans les chiffres de vente des substituts nicotiniques qui sont passés de 42.000 en décembre à 143.000 en février. Reste que les méthodes envisagées sont très variables, seuls 28,4% de ceux qui ont l'intention d'arrêter de fumer désirant le faire avec l'aide d'un médecin. Les autres veulent donc se débrouiller seul en ne comptant que sur leur volonté pour un arrêt radical (50,8%). Viennent ensuite le patch (19,5%), l'acupuncture ou l'auriculothépapie (8,5%), la gomme à mâcher (5,6%) et le soutien psychothérapique (3,5%).

Les raisons d'arrêter

Les raisons d'arrêter sont connues, mais elles méritent constamment d'être rappelées. Le risque majeur est de mourir plus tôt et de perdre ainsi 8 années de vie… En moyenne car si le hasard vous tombe dessus, ce peut être 20 ans ou plus ! Certes, certains rétorqueront, surtout les plus jeunes, que ces années perdues sont celles de la vieillesse, celles qui ne valent pas le coup. Rien n'est plus faux. Il faut savoir en effet que statistiquement nous sommes en bonne santé jusqu'au bout et que nous sommes gravement malade que l'année de notre mort. Les années perdues sont donc de belles années.

Pire, la dernière année de vie, n'est jamais perdue: que l'on meure à 40 ou à 80 ans, il en faut toujours une dernière. Cela veut dire que les fumeurs n'échapperont pas à cette année de maladie, sauf que pour eux la fin risquera d'être particulièrement pénible. On pense notamment à ceux qui mourront d'un cancer du poumon, de l'œsophage, du rein ou de la vessie. Et que dire du handicap lié à une insuffisance respiratoire ou à une laryngectomie. Mourir étouffé n'est pas une fin agréable.

Certes, on trouvera toujours quelqu'un pour dire que le tabac voue tue aussi par infarctus du myocarde et qu'il s'agit d'une mort rapide et nette. Là encore les statistiques ne sont pas aussi angéliques et nombre de patients se retrouvent avec des séquelles graves dont une insuffisance cardiaque qui les rend incapables de monter un petit escalier.

Les maladies du tabac : les cancers

Mais faisons ensemble la liste des affections dues au tabac, en commençant par les cancers, dont il constitue de très loin la première cause. Il s'agit des cancers du poumon, de la cavité buccale et du pharynx, du larynx, de l'œsophage, du pancréas, du rein et des voies urinaires.Ces pathologies sont dues aux agents cancérigènes contenus dans la fumée du tabac, ainsi qu'aux micro particules incandescentes qui sont inhalées à chaque bouffée.

Le tabac touche le cœur et les vaisseaux

La nicotine quant à elle et l'oxyde de carbone sont responsables des maladies cardio-vasculaires, à commencer par l'infarctus du myocarde, l'artérite des membres inférieurs (qui réduit le périmètre de marche) et les accidents vasculaires cérébraux (qui sont un mode d'entrée important dans la dépendance). Associé à un régime riche en matières grasses, à un taux de cholestérol élevé, à un diabète, le risque de faire un accident cardio-vasculaire va considérablement augmenter. Pas assez connue, l'association tabac-pilule est redoutable car elle peut être responsable d'accidents thrombo-emboliques, pouvant se traduire par des hémiplégies à 30 ans…

Sans oublier les maladies respiratoires

Agents cancérigènes, goudrons, particules incandescentes, oxyde de carbone: tout est mauvais pour les poumons. Ceci est d'autant plus grave que cet organe est fragile et est le plus sensible au vieillissement. Outre les bronchites chroniques et les emphysèmes aboutissant à des insuffisances respiratoires très invalidantes, l'asthme est plus fréquent et plus grave chez les fumeurs. D'une manière générale, le tabac aggrave toutes les maladies liées aux allergies respiratoires, les rhinites et les sinusites. Les fumeurs sont affaiblis face aux maladies virales comme la grippe qui se complique plus souvent chez eux et se surinfecte pratiquement à chaque fois. En définitive, les fumeurs deviennent rapidement des tousseurs chroniques (la fameuse toux du matin, si grasse et si profonde) et leur voix est cassée. Ils sont plus vite essoufflés ce qui les handicape tous les jours, surtout s'ils font du sport. L'effet du tabac est ainsi permanent.

Mourir plus tôt et vieillir plus vite

En diminuant l'apport en oxygène à l'organisme, le tabac va toucher tous les organes, en particulier ceux qui sont richement vascularisés comme la peau, le cerveau ou les ovaires. L'impact du tabac sur la peau est impressionnant et il est très facile de reconnaître une peau de fumeur: elle est plus grise, plus sèche, plus ridée. Le cerveau est lui aussi concerné par ce processus et les troubles de la mémoires seront plus importants. La ménopause enfin pourra survenir 3 à 4 années avant la date physiologique, ce qui est considérable.

Un réel impact sur la sexualité

L'effet du tabac sur la sexualité est peu connu du grand public et pourtant il est très important. Bien sûr, certains se sentent rassurés par une cigarette, fumer ensemble peut même constituer un début de rencontre. Mais il faut aussi connaître les dangers de cette intoxication: de même que le tabac touche toutes les artères, il va contribuer à obstruer celles du pénis en provoquant des impuissances d'origine vasculaire. En pratique, il faut savoir que la très grande majorité des hommes qui souffrent d'une impuissance sont dépendants du tabac. A compter aussi dans le registre de la sexualité, l'haleine des fumeurs ou des fumeuses qui peut faire fuir bien des gens, à commencer par les non fumeurs qui restent malgré tout majoritaires.

Des conséquences psychiques importantes

Nous ne sommes pas tous égaux devant le tabac et d'une manière générale devant les dépendances. L'envie de plus en plus obsédante de fumer est notamment liée à la production d'un neuromédiateur cérébral, la dopamine, dont les taux augmentent dès le début de l'abstinence. Le problème est que certains d'entre nous ont beaucoup de récepteurs à cette substance, ce qui les rendra plus facilement dépendant. Ils auront d'une manière générale plus de difficulté à se modérer et cela concernera tant l'alcool, que le chocolat ou les petits plats. Cela concernera aussi les autres drogues et la relation toxicomanie-tabagisme est réelle. Au plan psychique, il a aussi été montré que ceux qui souffrent de troubles paniques (qui vivent des crises d'angoisse aiguës avec sensation de mort imminente), voient le nombre de leur crise augmenter.

Attention aux femmes enceintes !

Les femmes enceintes et leur bébé sont particulièrement vulnérables. Pour grandir le fœtus a besoin d'oxygène, de beaucoup d'oxygène. Ceci explique pourquoi le placenta est si richement vascularisé. Les conséquences de la diminution de l'oxygénation par le tabac sont multiples et redoutables: augmentation du nombre des fausses couches, diminution de la durée des grossesse (naissances prématurées), diminution du poids de naissance, risque de grossesse extra-utérine. Après la naissance, le risque de mort subite du nourrisson est augmenté. Rien ne prouve autant la toxicité du tabac que cet impact sur la vie naissante.

Quel panorama ! Et si vous témoigniez ?

Il est classique de dire que les listes de maladies ne font pas peur et que les gens doivent être directement concernés par le décès d'un proche, ou par une maladie grave pour se décider enfin à s'arrêter de fumer. Cela est vrai des listes, mais les documents qui montrent quelles sont réellement les souffrances auxquelles s'exposent les tabagiques sont rares. C'est la raison pour laquelle e-sante.net a décidé de décrire toutes les conséquences de cette intoxication. Cela peut être contesté ou au contraire soutenu. A vous de juger. Dans tous les cas ne vous privez pas de réagir et envoyez nous vos remarques et vos témoignages en cliquant sur "contact". Nous les publierons.

Mais comment s'en sortir ? Les pièges à connaître

En pratique, il devient essentiel d'arrêter de fumer et de savoir comment s'y prendre. Quelques pièges sont importants à connaître:- quand on a envie d'arrêter de fumer on se dit souvent qu'il faut attendre le bon moment, les vacances ou une période plus calme… C'est un piège ! Quand ce moment tant attendu arrive, le temps passé sans fumer paraît très long, et la tentation de reprendre se fait lancinante. Il faut donc arrêter à tout moment, en continuant à vaquer comme à l'habitude,- il ne faut pas s'arrêter de fumer à plusieurs en même temps: le premier qui craque fait craquer les autres. Ceci est très vrai pour les couples qui en général se disputent beaucoup lors de ce moment tendu,- il faut fuir les cafés et les apéritifs pendant quelques mois. Vous le savez bien, le petit café appelle une petite… cigarette,- il faut enfin ne pas sous-estimer votre dépendance au tabac. Celle-ci est souvent très élevée et la nicotine est sur ce plan l'une des drogues les plus "dures". Le manque est cruel, surtout le premier jour et la première semaine: les aides ne sont pas à négliger.

Les solutions ne manquent pas

De nombreuse solutions sont maintenant disponibles, à commencer par les substituts de nicotine (patch, gommes à mâcher), l'acupuncture ou l'auriculothérapie et enfin le soutien psychologique. Peu importe la méthode, ce qui compte c'est le résultat. De ce fait il est essentiel de bien s'informer et les moyens ne manquent plus, à commencer par le dialogue avec votre médecin ou votre pharmacien. Il vous faut connaître "Tabac Info Service" (0.800.309.310) qui peut répondre à toutes vos questions. Il est possible de trouver des compléments d'information ainsi que la liste de tous les centres antitabac sur le site www.tabac-info.net

Il ne reste plus qu'à s'y mettre et à donner aux autres l'envie de vous suivre ! Dans tous les cas, souhaitons que les jeunes femmes arrêtent de vouloir imiter bêtement les hommes. Les enjeux sont trop importants. Il faut néanmoins se poser politiquement la question de la souffrance de la jeunesse, qui est réelle et contribue aux comportements dangereux.

Sources

Conférence de presse du Secrétariat d'Etat à la Santé du 30 mai 2000 www.tabac-info.net Tabac Info Service : 0.800.309.310 OMS : 52ème Assemblée mondiale de la Santé Conférence de consensus organisée par l'ANAES les 8 et 9 Octobre 1998 Le Concours Médical - 03.06.2000 - 122-22

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