Séparation, crise d'adolescence, gestion des conflits: le rôle du médecin généraliste

Séparation, familles recomposées, garde partagée, crise d’adolescence... La place des uns et des autres au sein de la famille bouge : « Le schema familial ne repose plus essentiellement sur l'hérédité, de nouvelles solidarités apparaissent. Un jour, un enfant m'a parlé de sa “demi-mère” pour évoquer sa belle-mère », relate Marie-Michèle Bourrat, pédopsychiatre à Limoges. Il arrive que tout se passe au mieux, il arrive aussi d’être sollicité pour la gestion des conflits qui peuvent survenir. Pour ce qui concerne le divorce, par exemple, la garde alternée de l'enfant peut être un facteur de risque.
Le divorce: 17% des enfants en garde alternée
Actuellement, 17% des mineurs vivent alternativement chez l'un ou l'autre de leurs parents, un chiffre qui augmente régulièrement. « Les enfants peuvent être mis en difficulté émotionnelle, la fatrie peut-être un repère pour eux », souligne Marie-Michèle Bourrat. S'il existe une abondante littérature sur les conséquences (anxiété, dépression, difficultés scolaires, toxicomanie, tentatives de suicides...) chez les enfants de la séparation de leurs parents, aucune étude épidémiologique sérieuse ne permet de conclure à un risque augmenté des troubles chez ces jeunes. La crise d’adolescence peut aussi être un moment où la famille est mise à mal. « La famille reste quelque chose d'important même pour les ados, assure le Dr Duverger, pédopsychiatre au CHU d'Angers. Mais elle peut être parfois déstabilisante".
Pas plus de crise en cas de séparation
Pour autant, « il ne faut pas avoir peur de la crise d'adolescence, on ne grandit pas sans elle, assure le spécialiste. Il faut la distinguer de ce qui est de l'ordre d'un processus normal -l'adolescent se transforme et doit trouver ses marques- de l'adolescent en crise. Là, il y a urgence car des passages à l'acte sont possibles ». Bonne nouvelle, selon lui, « Les familles recomposées ne provoquent pas plus de crises que les autres. Il y a le cas de la situation familiale où les parents sont ensemble depuis longtemps et qui vont très mal. Ce qui est compliqué pour un adolescent, c'est de trouver sa place. Tout dépend du lien qu'il a avec ses parents et/ou ses beaux-parents, affirme le Dr Duverger ».
Le médecin généraliste en première ligne
Néanmoins, en cas de conflit, les parents sont souvent démunis. « Il ne faut surtout pas prendre à la légère les demandes de consultation pour aider à la gestion des conflits, note Marie-Michèle Bourrat. Les parents nous disent “j'ai raté mon couple, je ne veux pas rater le divorce”. Pour les aider, le médecin généraliste a un rôle essentiel : c'est lui qui connait le mieux la situation familiale ; c'est lui, en général, que les parents consultent en premier.
Voici quelques points qui peuvent guider sa consultation :
- Prendre le temps d'écouter un enfant ou un adolescent seul, en dehors de ses parents.
- Entendre les deux parents en faisant attention à ne pas être instrumentalisé : « En consultation, ils ont tendance à dire “mon ado n'arrête pas de faire ceci ou cela, qu'en pensez-vous?”. Il ne faut surtout pas prendre position et ne pas poser de jugement, souligne le Dr Duverger. En revanche, il n'est pas interdit de leur rappeler leur rôle de guide éducatif, particulièrement lors de la crise d’adolescence ».
- Repérer s'il y a des violences verbales, physiques, une addiction aux jeux vidéos ou autres, des difficultés scolaires...
- Réfléchir avant de rédiger des certificats médicaux : « Ils risquent d'être utilisés par l'un ou l'autre parent dans une procédure judiciaire, pour le divorce, et peuvent se retourner contre l'enfant. Il n'y a pas de bons certificats », estime Marie-Michelle Bourrat. Dans le cas de maltraitance, ce document peut pourtant être nécessaire : « Il faut alors faire attention à ce que l'on écrit, parler de dépression est un abus, parler de pleurs est une observation, c'est complètement différent. Il faut rester descriptif ».
- Se rappeler que les conflits sont normaux, surtout au moment de la crise d’adolescence, il ne s'agit donc pas de les effacer ou de les nier. « Mais il faut qu'ils aboutissent à quelque chose, précise le Dr Duverger. Il ne faut surtout pas se poser en juge de paix car, malgré ses qualités, le médecin n'y arrivera pas ».
- Orienter si besoin la famille ou un de ses membres vers un spécialiste, un service de pédopsychiatrie comme un CMPP, un médiateur pour la gestion des conflits.
Sources
"Comment aborder les “crises familiales” en médecine générale ? : savoir accompagner la famille". Entretiens de Bichat, 9 octobre 2015.
Intervention de Marie-Michèle Bourrat, pédopsychiatre à Limoges.