Seniors : attention aux effets indésirables des anti-inflammatoires !

Publié par Dr Stéphanie Lehmann
le 13/08/2001
Maj le
4 minutes
Autre
Les problèmes articulaires représentent la principale cause des douleurs chroniques chez le sujet âgé. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont des médicaments très efficaces pour soulager ces tourments rhumatologiques. C'est ainsi que les seniors sont devenus les premiers consommateurs de cette famille thérapeutique. Malheureusement, ce sont également eux les plus touchés par des effets indésirables souvent graves, parfois mortels. Voici quelques principes simples à connaître.

Pourquoi l'âge représente-t-il un facteur de risque quand on prend des AINS ?

Le senior voit sa fonction rénale diminuer, ralentissant l'élimination des substances toxiques. Le nombre de ses pathologies augmente, ce qui le fragilise. Il en découle souvent une majoration des prescriptions, multipliant les risques d'interaction médicamenteuse. De plus, la menace de dénutrition souvent réelle, surtout par carence d'apport en protéines, joue sur la concentration sanguine des médicaments.

Quels risques pour quels organes ?

Les effets secondaires chez le sujet âgé concernent surtout le tube digestif mais également le foie et les reins, moins bien connus et moins souvent diagnostiqués.Le tube digestif: de la brûlure à l'ulcère Le risque d'érosion de l'estomac, du duodénum ou des intestins est majeur au cours des 3 premiers mois de traitement. Il existe d'autant plus qu'avec l'âge, les mécanismes de défense de la muqueuse gastrique s'affaiblissent. Ce phénomène peut rester très longtemps sans symptômes avant de se découvrir au moment d'une complication aiguë (hémorragie, perforation, anémie par saignement passé inaperçu).L'œsophage peut-être lui aussi touché par l'inflammation chronique, occasionnellement responsable d'un vrai rétrécissement.Les reins: insuffisance rénale et trouble de la tension artérielle Par leurs principes actifs, les anti-inflammatoires favorisent l'insuffisance de la filtration rénale et le rein peut être touché dans chacune de ses parties structurelles. Pour autant qu'il y ait déjà une insuffisance cardiaque ou rénale chronique, une hypertension artérielle ou encore une prise de médicaments comme les diurétiques ou les antihypertenseurs, les risques d'insuffisance rénale aiguë sont quasiment inéluctables.Les AINS augmentent la pression artérielle, que les gens soient hypertendus ou non. Ainsi parfois, l'utilisation de ces médicaments conduit à la prescription d'antihypertenseurs !Le foie: attention à l'hépatite médicamenteuse Les hépatites dues aux anti-inflammatoires ne sont pas rares et méritent que l'on y pense.Les autres problèmes Les AINS perturbent l'équilibre sel/eau, ce qui peut provoquer des oedèmes des membres inférieurs, voire une décompensation cardiaque. Peuvent également apparaître des états confusionnels, des crises d'asthme ou des hypoglycémies chez des sujets âgés traités par certains médicaments antidiabétiques.

Les questions à poser avant de prendre un anti-inflammatoire

Un autre traitement est-il possible? Parfois des antalgiques bien utilisés peuvent suffire.Quelles sont les contre-indications? L'insuffisance rénale chronique, les antécédents d'ulcère gastro-duodénal et tout terrain à risque déterminé par votre médecin.Mes autres médicaments sont-ils compatibles? Notez bien les médicaments suivants et demandez à votre médecin ou votre pharmacien de vous les désigner s'ils font déjà partie de votre traitement habituel. Leur association avec les anti-inflammatoires est particulièrement dangereuse. Il s'agit de l'aspirine (même à très faible dose), des corticoïdes, des anticoagulants, des diurétiques et des inhibiteurs de l'enzyme de conversion.Par ailleurs, prenez garde à la composition des traitements vendus sans ordonnance, ils contiennent parfois des anti-inflammatoires.

Lorsque les AINS se révèlent vraiment indispensables :

  • le médecin évitera de prescrire certaines familles (indoliques ou oxicams) et proposera des molécules éliminées rapidement par l'organisme;
  • la dose prescrite sera la plus faible possible, la durée la plus courte possible;
  • le médecin rajoutera de façon systématique un protecteur gastrique;
  • il surveillera régulièrement la pression artérielle, recherchera l'apparition d'œdèmes des membres inférieurs et de symptômes digestifs;
  • le contrôle de la bonne tolérance rénale se fera par une prise de sang une semaine après le début du traitement;
  • l'arrêt du traitement est obligatoire à l'apparition d'effets indésirables physiques ou biologiques.

Que penser des nouveaux AINS ?

Les inhibiteurs de la COX-2 étant moins toxiques pour l'estomac, ils représentent un réel progrès. Ils ne sont pourtant pas dénués d'effets secondaires, notamment sur les reins. N'oublions pas qu'il n'y a que peu de recul et que les essais cliniques n'incluent que rarement des sujets âgés.

Les anti-inflammatoires sont des médicaments efficaces dont l'utilisation banalisée minimise les dangers pour les seniors. Il est vraiment important de garder à l'esprit que le bénéfice annoncé peut être dans certains cas contrecarré par des risques de complications graves voire mortelles. Alors, prudence…

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