Récidive du cancer : vaincre la dépression grâce aux associations, le témoignage d’Isabelle

Publié par Isabelle Delaleu
le 1/09/2016
Maj le
6 minutes
femmes souriantes portant des roses et des rubans pour le cancer du sein sur fond blanc
Istock
Isabelle, 45 ans, a pu profiter après sa récidive de cancer du sein, alors qu’elle était en train de sombrer dans la dépression, d’un séjour d’accompagnement offert par l’Association A chacun son Everest. Elle raconte son expérience…

Une récidive qui m’a fait basculer dans la dépression

Mon premier cancer du sein date de 2010. J’avais 39 ans, la maladie me semblait totalement inattendue (je n’avais aucun cas dans ma famille et une vie saine) et, comme tant d’autres femmes, j’ai suivi le protocole classique (intervention chirurgicale, chimiothérapie et radiothérapie), jusqu’en décembre de la même année. Une fois ces traitements -qui avaient bien fonctionné- terminés, j’ai ensuite bénéficié d’un suivi classique… jusqu’à la dernière consultation des 5 ans, en mai 2015, qui a révélé une récidive. Ca a été un terrible coup de bambou, un vrai drame. Fin juin, on me retirait le sein et la chaine de ganglions lymphatiques et en juillet, je commençais la chimiothérapie… mais les effets secondaires de celle-ci ont été véritablement dévastateurs. J’étais atrocement malade et moralement, j’ai plongé : j’avais des idées noires, je n’avais plus envie de me battre (plus envie de rien d’ailleurs), je ne supportais plus rien ni personne. Je baissais les bras, je voulais juste que tout ça s’arrête, me laisser couler. J’ai commencé à me sentir un peu mieux à partir de l’automne, quand on a changé le médicament de chimiothérapie pour un nouveau que je supportais un peu mieux, mais le décès de mon père est venu s’ajouter à mes difficultés et j’ai véritablement sombré dans la dépression. C’était extrêmement difficile pour moi mais également pour mon époux, pourtant très présent et solide et qui m’a toujours soutenue.

Ce sont les infirmières de l’hôpital où j’étais soignée qui m’ont parlé de « Chacun son Everest ». Elles avaient déjà abordé le sujet il y a 5 ans mais j’avais refusé : j’ai tendance à être assez réfractaire aux groupes et associations, et je n’avais absolument aucune envie de me retrouver entre malades, à ne parler que de nos maladies… Cette fois-ci, vu mon moral, elles ont insisté, et je me suis « laissée faire »… Ce sont elles qui ont contacté l’association et ont donné à Christine Janin, la directrice, mes coordonnées. Je me suis dit que cela ne pouvait me faire que du bien et me changer les idées puisque j’étais au fond du gouffre…

Une expérience incroyablement bénéfique

Le déclic a été immédiat. Moi qui d’ordinaire ai besoin d’un certain temps d’observation face à des inconnus avant de me livrer, en 10 minutes, toutes mes barrières étaient tombées ! Et j’ai la sensation d’être partie une semaine en « colonie de vacances » : très belle entente entre les 12 femmes du groupe, toutes malades comme moi, rigolades à n’en plus finir et même batailles nocturnes de polochons, nous formions une vraie bande d’adolescentes déchaînées ! Toute ma jovialité est revenue d’un coup, comme mon côté boute-en-train qui ne s’exprimait plus vraiment depuis de longs mois… Pas un moment de répit, la semaine est intensive, mais ce n’était que du bonheur, ma dépression avait disparu : sport tous les jours (j’ai fait du yoga, du taï-chi-chuan, des raquettes, de la randonnée, de la Via Ferrata, de l’escalade…), soins variés et cocooning (coiffeur, massages…), groupes de parole (qui peuvent être des entretiens individuels si on préfère, ce qui n’a pas été mon cas…), les activités s’enchaînent et on ne voit pas passer le temps. Tout est conçu pour notre confort et notre lâcher-prise. Dès l’instant où l’on met le pied dans l’établissement, la prise en charge est totale : rien à faire, sauf… prendre soin de soi ! Les infrastructures sont parfaites, le paysage superbe, et tout le monde est aux petits soins, une vraie semaine de break complet, sans souci, sans portable, avec des filles formidables !

Des bienfaits durables, physiques et moraux

Cette semaine a tout changé, même s’il est difficile pour moi d’expliquer précisément pourquoi et comment, puisque l’effet a été quasi-instantané ! Je suis arrivée en pleine dépression à cause de ma récidive, et ressortie une semaine plus tard en étant redevenue pleinement moi-même. Pour moi, il y a vraiment eu un « avant » et un « après » mon séjour. Physiquement, les activités sportives m’ont permis de redécouvrir mon corps et ses capacités, moi qui pensais n’être plus capable de rien et n’en n’avait même plus envie. J’ai même retrouvé l’envie de faire des activités de montagne (ce que je ne faisais plus depuis des années alors que j’y vis) et je sais désormais que mon corps en est capable. A tel point que cet été, je suis montée, seule, au refuge de montagne où travaillait mon fils ! Il y avait plusieurs heures de randonnée assez ardue avec du dénivelé, mais j’ai mis un point d’honneur à l’accomplir, comme un challenge… et quand mon fils m’a vue arriver, cela a été pour nous deux un moment de grande fierté mais également très fort en émotions. Ce séjour m’a permis d’avancer, de sortir la tête de l’eau, de retrouver le moral et confiance en moi, et même si je me sens encore un peu mal dans mon corps de femme (j’ai pris quelques kilos et mes cheveux, qui ont repoussé dès la fin de la chimio, sont encore courts comme un garçon), je renoue avec la confiance et la bonne humeur. Cette semaine a été incroyable, et moi qui rechignais à y aller, j’aurais volontiers refait une semaine supplémentaire, même payante, tellement l’expérience a été positive, salvatrice ! C’est une vraie chance d’avoir pu profiter d’un tel séjour, et je souhaite à chaque malade de pouvoir bénéficier de tels moments et d’un si bon accompagnement. Personnellement, cela m’a permis d’avancer, et de prendre un nouvel élan. J’ai repris courage, retrouvé le sourire, et la vie continue son chemin…

Asso « A chacun son Everest »

L’association « A chacun son Everest » a été créée en 1994 par Christine Janin, médecin, alpiniste, et première femme à avoir atteint le sommet de l’Everest en 1990. En établissant un parallèle entre le chemin vers ce sommet mythique (8848 mètres) et celui, personnel, vers la guérison, son association propose des séjours d’une semaine à des patients en rémission de cancer. Une escapade accompagnée pour les aider à « guérir mieux » grâce à « l’ascension de leur Everest » et qui fait partie intégrante du parcours de soin. Initialement destiné uniquement aux enfants touchés par la leucémie, ce lieu de vie dédié s’est ouvert depuis 2011 aux femmes victimes d’un cancer du sein. Basé à Chamonix, l’établissement propose chaque année 14 séjours pour les enfants et 14 séjours pour les femmes (par groupes de 12 personnes), et a déjà reçu plus de 4000 enfants et 600 femmes. Cette association loi 1901 est reconnue d’utilité publique et finance intégralement les séjours.

http://www.achacunsoneverest.com/

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