Problèmes de lubrification : causes et solutions.

Les causes multifactorielles des problèmes de lubrification
Comme nous l'avons vu dans la partie 1, le degré d'excitation (et, bien sûr de non-excitation !) joue un rôle fondamental. Cette excitation optimale nécessite une motivation sexuelle (et/ou affective), c'est-à-dire une disponibilité pour appréhender le contexte érotique. En réponse à des stimuli érotiques, une excitation subjective précède le désir sexuel objectif et s'accompagne d'un début de lubrification pas toujours perçu consciemment. Ce n'est que secondairement que le désir sexuel conscient survient si aucun élément perturbateur (extérieur ou problèmes relationnels) n'intervient. Le désir se focalise alors plus directement sur l'acte sexuel lui-même avec une intensification des réponses physiologiques (élévation du degré de lubrification, modifications anatomiques du petit bassin).Ainsi, la lubrification optimale dépend de multiples facteurs, les uns organiques, les autres psychologiques. Dans la grande majorité des cas, chez une même femme, plusieurs mécanismes contribuent à la sécheresse vaginale. Des études (3, 4) ont montré que chez des femmes se plaignant de manque d'excitation et de lubrification la projection de séquences érotiques provoquait une vasocongestion pelvienne identique à celle de femmes indemnes de troubles sexuels. En revanche, l'excitation subjective n'apparaissait que chez les femmes indemnes de problèmes.Une étude récente en résonance magnétique nucléaire n'a montré aucune différence dans les réponses physiques à des stimulations érotiques entre femmes ménopausées et non ménopausées, en particulier pas de modification des réponses des organes érectiles ni du flux sanguin loco-régional (5). Mais il est vrai que cette étude concernait des femmes sans troubles de la lubrification.Dans une autre étude, aucune différence de réponse vasomotrice n'a pu être observée entre deux populations de femmes ménopausées, l'une présentant des troubles de l'excitation sexuelle et l'autre pas (6).Il semble donc que la majorité des femmes ménopausées conserve leur capacité physique de réponse génitale pour peu que la stimulation sexuelle soit suffisante.Enfin, les modifications hormonales ont une action centrale sur les centres cérébraux qui modulent l'activité sexuelle. On connaît bien l'action négative de la carence en testostérone sur le désir sexuel. Cependant, les modifications du taux de testostérone chez la femme ménopausée sont très variables d'une femme à l'autre. L'action centrale des estrogènes sur le comportement sexuel est connue depuis longtemps (7). L'importance de la carence estrogénique dans ce domaine est encore à préciser.
Les causes simples des problèmes de lubrification
De multiples facteurs bien connus sont incriminés dans le manque de lubrification génitale :
- certains médicaments : antidépresseurs tricycliques, certains antihistaminiques, anticholinergiques, anti-estrogènes, antipsychotiques ;
- le tabac ;
- certains facteurs locaux : savons décapants, déodorants, protège-slips, douches vaginales, spermicides, tampons hygiéniques ;
- certaines circonstances : post-partum, allaitement, abstinence sexuelle prolongée ;
- certaines maladies : dépression en particulier.
Que prescrire ?
Chez certaines femmes, le degré d'atrophie vaginale justifie un traitement médical, même si les implications psychologiques sont à considérer.Ailleurs, il faudra moduler la prise en charge.L'absence de lubrification peut être, en effet, une réponse NORMALE à un contexte environnemental perturbé. Prenons l'exemple si fréquent d'une femme de 50 ans qui vit mal ses transformations physiques liées à la ménopause et les deux kilos qu'elle n'arrive plus à perdre, affublée d'un mari, certes gentil, mais plus préoccupé de son handicap au golf que des problèmes de sa femme, avec deux enfants à l'avenir éducatif incertain, qui subit les fluctuations professionnelles dues au jeunisme ambiant et qui, malgré tout, doit se montrer disponible pour les quelques moments où la seule réussite érectile de son compagnon résume les vestiges d'un amour oublié Comment imaginer que cette femme puisse manifester une excitation sexuelle, a fortiori un désir sexuel ?Le manque de lubrification est alors une réponse normale à un contexte conflictuel Faut-il pour autant se contenter d'une prise en charge psychologique ? Certes pas, même si cette dernière s'avère quasi indispensable. L'existence de produits destinés à réduire l'inconfort sexuel permet à cette femme de se libérer de la hantise du rapport, de le rendre physiquement plus supportable et de ne pas cumuler souffrance physique et morale.Chez la femme ménopausée, les estrogènes locaux demeurent un traitement de fond mais leur action est lente et pour certains (à base d'estriol) en raison d'un faible passage systémique, ils peuvent être mal tolérés physiquement (métrorragies, tension mammaire ) ou psychologiquement (crainte liée à l'hormonothérapie de substitution).En dehors de ces produits, existent des composés lubrifiants ou hydratants aux mécanismes d'action variés. Les lubrifiants classiques à base d'eau (Sensilube®, Try®, Hydragel® ) ont une action immédiate mais courte et peuvent donc être utilisés juste avant le rapport à l'entrée du vagin ou sur la verge du partenaire.Les polymères bioadhésifs (Replens® par exemple) ont une action plus durable et peuvent être considérés comme des produits hydratants.L'acide hyaluronique, dont les propriétés hydratantes sont connues est largement utilisées dans de nombreux produits. Il est également utilisé en rhumatologie pour augmenter la viscosité de la synovie dans les arthroses. Il s'agit d'un véritable piège à eau qui forme avec l'eau des gels dotés de propriétés viscoélastiques importantes. Son action est prolongée, si bien que l'on peut considérer qu'il s'agit d'un véritable hydratant. Plusieurs produits sont disponibles (Mucogyne®, Monasens®). Monasens®, gel lubrifiant, présente l'avantage d'associer deux produits hydratants connus (l'acide hyaluronique et le glycérol) à un dérivé de l'acide nicotinique dont on connaît l'action vasodilatatrice (8). Ainsi, se dessine une double action : hydratation passive (grâce à l'acide hyaluronique et le glycérol) et hydratation active par la vitamine PP qui contribue à améliorer la transsudation physiologique.Les récents progrès dans la mise au point de produits hydratants permettent au praticien de soulager physiquement les inconforts, voire les douleurs liées au manque de lubrification vaginale. Ces traitements sont une étape importante vers le retour à une vie sexuelle plus harmonieuse. Cependant, pour beaucoup de patientes, une prise en charge psychologique peut s'avérer nécessaire afin que ménopause continue à signifier arrêt des règles et ne sonne pas le glas de la vie sexuelle de la femme.
Sources
1. Van Geelen J.M., Van de Weijer P.H., Arnolds H.T. 'Urogenital symptoms and resulting discomfort in non-institutionalized Dutch women aged 50-75 years'. Int. Urogynecol. J. Pelvic Floor Dysfunct., 2000 ; vol. 11 : 9-14. 2. Utian W.H., Schiff I. 'North American Menopause Society-Gallup Survey on women's knowledge, information sources, and attitudes to menopause and HRT'. Menopause, 1994 ; vol. 1 : 39-48. 3. Morokoff P.J., Heiman J.R. 'Effects of erotic stimuli on sexually functional and dysfonction women: multiple measures before and after sex therapy'. Behav. Res. Ther., 1980 ; 18 : 127-37. 4. Brotto L.A., Basson R., Gorzalka B.B. 'Psychophysiological assessment in premenopausal sexual arousal disorder'. J. Sex. Med., 2004 ; 1 : 266-77. 5. Suh D.D. et al. 'MRI of female genital and pelvic organs during sexual arousal'. J. Psychosom. Obstet. Gynaecol., 2004 ; 25 (2) : 153. 6. Van Lunsen R.H. et al. 'Genital vasculaire responsiveness and sexual feelings in midinette women: psychophysiologic, brain, and génital imaging studies'. Menopause, 2004 ; 11 (6 Pt 2) : 7 418. 7. Pfaff D.W., Vasudevan N., Kia H.K., Zhu Y.S., Chan J., Garey J., Morgan M., Ogawa S. 'Estrogens, brain and behavior: studies in fundamental neurobiology and observations related to women's health'. J. Steroid. Biochem. Mol. Biol., 2000 ; 74 (5) : 365-73. 8. Burns D.M., Ruddock M.W., Brown J.C.W., Kennovin G.D., Dykes E.L., Flitney F.W., Hirst D.G. 'The effects of vasodilator nicotinamide on cyclic nucleotide pathways in vasculaire smooth muscle'. Biochemical Society Transactions, 1997 ; 25.