Performance du sportif : c’est dans les gènes ?
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L’hémochromatose, la maladie de la performance

C’est l’histoire d’une maladie du fer -l’hémochromatose- devenue la maladie de la performance. Elle est due à la mutation d’un gène - le gène HFE- qui provoque l’accumulation toxique du fer dans les tissus humains avec des conséquences très graves (maladies cardiaques et de la thyroïde, cirrhose, cancer du foie, diabète etc.).

Le Pr Olivier Hermine et ses collègues (les Prs Jean François Toussaint de l’IRMES et Gérard Dine de l’Institut de Biotechnologie) ont découvert que les athlètes qui avaient cette mutation sans être malades étaient souvent plus performants*. De plus, l’autre effet est que le sport s’avère être un traitement de l’hémochromatose : le fer, utilisé pour produire plus de globules rouges et pour régénérer les muscles, n’est alors pas stocké en excès dans les tissus. Dans ce cas, le sport de haut niveau pourrait être protecteur.

Pr. Olivier Hermine : « Parmi les podiums olympiques, mondiaux et européens, 85% des athlètes ont cette mutation du gène HFE qui les avantage, contre 15% au maximum en population générale. La mutation HFE est treize fois plus présentechez les athlètes qui sont montés sur un podium internationalque chez les autres athlètes ».

Comment la mutation d’un gène peut fabriquer un sportif "gagnant" ?

Chez les sportifs de haut niveau, une carence en fer peut s’établir. En effet, le sport intensif augmente la quantité de substances synthétisées par le système immunitaire (cytokines inflammatoires) ce qui accroit la fabrication d’une hormone par le foie (hepcidine). Son rôle est de freiner l’absorption du fer au niveau digestif. La conséquence est une diminution des apports qui ne sont plus en rapport avec les besoins pour fabriquer des globules rouges et faire fonctionner la chaine respiratoire du muscle. D’où une chute des performances.

Or, le fait d’avoir une mutation HFE pour un sportif va diminuer la production d’hepcidine et donc permettre d’augmenter la disponibilité du fer pour la fabrication d’une plus grande quantité de globules rouges et de muscle. Ce fer ne sera donc pas stocké, contrairement à ce qu’il se passe chez les personnes ayant la mutation et qui ne font pas de sport intensif.

C’est pourquoi les skieurs de fond "mutés" sont plus performants en altitude car ils peuvent synthétiser plus d’hémoglobine que les autres. Dans d’autres sport (judo... ) cet avantage se traduit par une régénération plus rapide des cellules musculaires.

Les recherches du Pr Hermine et de ses collègues se dirigent désormais vers des maladies génétiques des muscles (myopathies) afin d’analyser si le fait d’être muté ou non confère un avantage pour un muscle plus performant, plus longtemps.

Le dépistage génétique, c’est-à-dire la recherche dans le génome d’un sportif, des gènes de la performance n’est pas pour demain. C’est néanmoins une évolution plausible, hors de tout jugement éthique. On peut aussi imaginer à plus longue échéance, bien qu’encore très utopique, le "dopage génétique", c’est à dire la modification d’un génome (in utero ou dans l’enfance) pour fabriquer des champions. De la science-fiction ?

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Source : *Hermine O. et al HFE mutations associated with High level sport performance Biochimie 2015
D’après un entretien avec le Pr Olivier Hermine, chercheur Département d’hématologie clinique (Necker), INSERM U 1163 / CNRS ERL 8254 (Paris).