Tokophobie ou peur d’accoucher : des conséquences graves pour la mère et l’enfant

Plus d’une femme sur 10 ont une peur panique d’accoucher
Jusqu'à 14% des femmes souffriraient de tokophobie. Ce nom barbare désigne un mal méconnu, la phobie de l’accouchement. Si la grande majorité des femmes redoute ce moment intense et inconnu, pour certaines il s’agit d’une peur insurmontable.
“La tokophobie se décline en trois formes. Tout d’abord, elle concerne les femmes qui n’ont jamais été enceintes. Et justement, pour éviter de le devenir, elles cumulent les contraceptifs jusqu’à se rendre malades. La deuxième catégorie regroupe les femmes qui ont déjà accouché et pour qui cet événement a été un traumatisme. Elles ne veulent pas revivre ce moment et donc, ne plus accoucher. La dernière catégorie est celle des femmes qui sont enceintes et qui ont un stress prénatal décuplé. Elles ne peuvent pas accoucher”, explique Valérie Sengler, psychanalyste à Paris et à Saint-Mandé.
Pour les femmes dont l’accouchement s’est mal déroulé, il faut traiter le traumatisme. Dans certains cas, elles ont failli mourir, perdre leur enfant ou il est né avec une maladie, une malformation… Autant de situations traumatisantes qu’il convient d’identifier et de soulager avec une thérapie spécifique. ”Pour les femmes qui n’ont jamais eu d’enfant ou qui en attendent un, la tokophobie révèle souvent un abus sexuel dans l’enfance, un viol. En effet, le bébé doit passer par le vagin mais la femme associe, inconsciemment, cette zone à son propre traumatisme. La naissance est alors une manière pour elles de revivre leur agression”, précise la spécialiste.
Parfois, les femmes tokophobes font également des dénis de grossesse. Elles ont aussi recours à plusieurs interruptions de grossesse afin de ne pas accoucher. Pour elles, la césarienne représente une solution pour éviter d’accoucher. Elle leur permet d’éviter le processus physique de la mise au monde.
Une peur paralysante de mourir pendant l’accouchement

Les femmes qui souffrent de tokophobie ont peur de mourir pendant l’accouchement. Souvent, elles imaginent le pire quant au déroulé de ce moment rendant d’ailleurs la mise au monde certaines fois plus longue que la normale. Ces femmes redoutent aussi qu’il arrive quelque chose à leur enfant lors de l’accouchement et que lui-même décède.
“Ces femmes ont peur de donner la vie à un enfant malade, malformé ou avec un souci de santé. Cette phobie traduit aussi la peur de devenir mère”, explique Valérie Sengler. Dans certains cas, les femmes ont aussi une peur panique des hôpitaux et du milieu médical. Chez certaines patientes, cette peur est le résultat d’une confrontation au milieu médical (ou d’un examen) qui ne s’est pas bien déroulé. Pour elles, il ne s’agit jamais d’un événement heureux dont elles se réjouissent.
Tokophobie : les solutions

Comme toutes les phobies, la tokophobie doit être prise au sérieux. “Je lis parfois qu’il faut faire participer les patientes à des cours de préparation à l’accouchement. C’est une aberration car ces cours vont mettre la femme en contact direct avec l’objet de sa phobie et ainsi accentuer dramatiquement celle-ci !”, martèle la psychanalyste. Alors, pour tenter d’apaiser la future mère il existe certaines thérapies.
L’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) est une technique de désensibilisation des chocs émotionnels grâce aux mouvements oculaires.
Il est également recommandé de réaliser un travail psychanalytique avec un professionnel. “Avec certaines femmes, j’utilise en plus de l’EMDR, la thérapie transgénérationnelle car il est possible de ressentir physiquement un abus sexuel subi par une arrière-grand-mère. Une femme peut donc porter le traumatisme vécu par une femme de sa famille, traumatisme qui n’a pas été nommé et qui lui a été transmis inconsciemment”, énonce Valérie Sengler.
Peur d’accoucher : quelles conséquences sur le nouveau-né ?

Une fois qu’une femme tokophobe a accouché, la situation est loin d’être réglée. En effet, ce moment est vécu comme un traumatisme. Comme pour une victime d’attentat, la femme peut ressentir un choc post-traumatique. “Ces femmes souffrent souvent d’une dépression post-natale. Elles parviennent difficilement à établir un lien avec leur bébé”, alerte la spécialiste.
Pendant la grossesse, le nouveau-né sent qu’il n’est pas “accueilli” sereinement, il ne prend donc pas toute la place qu’il devrait. “Souvent, ces bébés sont plus petits que la moyenne, ils peuvent souffrir d’anorexie, de dépression. Au lieu d’avoir passé les neuf premiers mois dans un cocon, ils se sont développés dans un environnement hostile”, explique Valérie Sengler.
Une fois l’accouchement terminé, un accompagnement psychologique s’impose pour aider la mère à accepter et établir un lien serein avec son enfant.
Sources
Merci à Valérie Sengler, psychanalyste
Worldwide prevalence of tocophobia in pregnant women: systematic review and meta‐analysis, Obstetrics & Gynaecology, le 30 mars 2017