IVG par médicaments : comment ça se passe ?

Près de 212 000 femmes ont interrompu une grossesse non désirée en 2016. Plus de 40 ans après sa légalisation, l'IVG est régulièrement sollicitée par les Françaises, que ce soit à l'hôpital ou en cabinet médical de ville.
De plus en plus souvent, il suffit de deux médicaments pour parvenir à mettre fin à cette grossesse non programmée. Par rapport à la méthode instrumentale, le recours à l'IVG médicamenteuse ne cesse de progresser.
Il faut dire qu'avec l'abolition du délai de réflexion, en 2016, l'accès à ce service médical s'est considérablement simplifié. Désormais, tout médecin ou sage-femme formé peut proposer un avortement médicamenteux à une patiente qui le demande.
Toutes les femmes jusqu'à 14 semaines
Les règles d'accès à l'IVG sont simples. Toute femme qui découvre une grossesse, et ne souhaite pas la poursuivre, peut la demander à un professionnel de santé (médecin ou sage-femme). La limite est fixée à 14 semaines depuis la fin des règles – soit environ 12 semaines de gestation.
Il en va de même pour le choix de la méthode médicamenteuse. "Rien ne s'oppose à une IVG médicamenteuse jusqu'à 14 semaines", souligne le Pr Israël Nisand, président du Collège national des gynécologues-obstétriciens français (CNGOF).
Et pour cause : ce sont les mêmes médicaments qui sont utilisés dans le cadre d'un avortement pour motifs médicaux, qui sont possibles jusqu'au terme de la gestation. C'est donc le choix de la femme qui prime. "Les médecins n'ont plus le droit d'imposer une IVG instrumentale", martèle le gynécologue en poste à Strasbourg (Bas-Rhin).
En revanche, choisir la méthode chirurgicale doit rester possible. "Cette demande est légitime, souligne Nicolas Dutriaux, secrétaire général du Collège national des Sages-Femmes de France (CNSF). Les professionnels médicaux que nous sommes s'inquiètent de voir une trop grande généralisation de la méthode médicamenteuse au détriment de la méthode chirurgicale qui reste à l'heure actuelle du seul ressort du médecin et dont on connait les difficultés d'accès."
Pour l'accompagner, le médecin ou la sage-femme l'informe des différentes méthodes, leurs avantages et leurs risques; un dossier guide lui est aussi remis, ainsi qu'une attestation de consultation.
Deux médicaments à prendre à intervalles réguliers
L'IVG médicamenteuse se déroule en deux temps. "Elle commence par une prise de mifépristone (Mifegyne®, Miffee®), qui interrompt la grossesse en stoppant le fonctionnement du placenta en formation", explique Nicolas Dutriaux.
Dans un délai de 24 à 48 heures, un deuxième médicament est administré : le misoprostol (Gymiso®, Misoone®). "A l'origine, il était indiqué dans les troubles gastriques, mais il a aussi pour effet de provoquer des contractions utérines", souligne le sage-femme en exercice à Herblay (Val-d'Oise). C'est cette dernière molécule qui permet l'expulsion de l'embryon.
Des antidouleurs si nécessaires
Selon le stade de la gestation, l'avortement peut être plus ou moins douloureux. Une prescription d'antalgiques est parfois nécessaire. "Le ressenti des femmes est très variable, confirme le Pr Nisand. Lorsque l'IVG est très douloureuse, il ne faut pas hésiter à proposer des antalgiques plus forts."
Du paracétamol sera prescrit en priorité. Mais selon le niveau de souffrance, les soignant.e.s peuvent adapter leur ordonnance. "On peut être amené à compléter avec des anti-inflammatoires ou des dérivés de l'opium", illustre Nicolas Dutriaux.
A partir de 9 semaines d'aménorrhée, ces antalgiques centraux ne suffisent pas toujours. Dans ce cas, les équipes hospitalières peuvent proposer une péridurale. "Comme toute douleur, il y a une composante émotionnelle qui peut influencer la façon dont elle est ressentie", ajoute le maïeuticien. D'où l'importance de proposer un accompagnement humain.
Une fois que l'expulsion a été accomplie, la douleur est censée s'interrompre. Les saignements, eux, peuvent durer un peu plus longtemps.
Il est possible de faire l'IVG à domicile
Actuellement, une IVG sur cinq se réalise en dehors de l'hôpital. Même dans les murs d'un établissement de soins, une sur deux est médicamenteuse. Théoriquement, il serait donc possible d'en pratiquer plus à domicile.
"C'est même préférable, lorsque la patiente n'est pas trop jeune, estime Israël Nisand. 30 % des IVG pourraient se faire à domicile, contre 10 à 12 % actuellement." Le reste des cas correspondrait à des grossesses trop avancées ou à des femmes présentant des facteurs de risque.
"La première règle, c'est d'être accompagnée par un proche informé qui connait les circonstances, indique Nicolas Dutriaux. Les praticiens de villes doivent rester disponibles, au moins par téléphone, pour répondre aux demandes au cours de la procédure."
Une fiche de liaison est remise à chaque patiente qui choisit l'IVG médicamenteuse à domicile. En cas d'alerte, elle doit pouvoir être prise en charge rapidement par une équipe médicale. C'est pourquoi il est nécessaire d'être accompagnée mais aussi de comprendre le français.
Ce choix est toutefois limité dans le temps. Après neuf semaines d'aménorrhée, l'IVG se fait en hôpital de jour. Le motif invoqué est très terre à terre : des antalgiques plus forts peuvent être utilisés. "Si les établissements ont une équipe d'anesthésie dédiée, ils peuvent proposer une péridurale après 10 semaines."
Par ailleurs, la gestion de l'embryon expulsé répond à des règles spécifiques. En France, l'élimination des déchets biologiques est strictement encadrée, pour éviter notamment des transmissions d'agents pathogènes.
Un accompagnement possible avant et après
Aucun accompagnement psychologique spécifique n'est imposé avant ou après une interruption volontaire de grossesse. Mais un réseau dense est à la disposition des femmes qui en expriment le besoin.
"Si nécessaire, on peut prendre le temps d'accompagner la patiente pour qu'elle ne regrette pas son choix par la suite", approuve le Pr Nisand. Plusieurs professionnels sont disponibles, à commencer par les personnes spécialisées dans le conseil conjugal et familial.
"L'entretien est obligatoire pour les mineurs et il est systématiquement proposé aux adultes, explique Nicolas Dutriaux. Mais comme cela exige un délai de 48 heures, la plupart des femmes ne le solliciteront pas."
Il est important de savoir que ces professionnel.le.s restent accessibles après l'IVG. Les réseaux périnataux proposent aussi des consultations de psychologie.
Sources
L'interruption volontaire de grossesse (IVG) en France, Assurance maladie, 21 mars 2018
IVG.gouv.fr, site du gouvernement sur l'IVG
L'interruption volontaire de grossesse, Recommandations pour la pratique clinique du CNGOF, 2016