Maladie mentale : quel est le rôle de l'alimentation ?

Maladie mentale : en partie liée à l’alimentation
Si l’alimentation ne peut bien sûr pas être considérée comme unique cause de la maladie mentale, il est par contre prouvé qu’il existe un lien entre la (non) qualité de celle-ci et ces pathologies : il est notamment établi pour la dépression, l’autisme et la schizophrénie.
Comme l’explique le Professeur Marion Leboyer, psychiatre et chercheur INSERM(*) : « L’impact d’un régime alimentaire déséquilibré est réel. Nous savons que chez les malades, certaines règles d’hygiène de vie ne sont souvent pas respectées, que certains aliments ne sont pas assez consommés (menant à des carences en nutriments comme le zinc, la vitamine D ou B9), et que d’autres aliments sont, à l’inverse, trop consommés. De plus, nous rencontrons deux fois plus de syndromes métaboliques (obésité, hyperglycémie ou diabète, hypertension artérielle, excès de cholestérol et de triglycérides…) chez les patients atteints de maladie mentale, par exemple dans le trouble bipolaire ou la schizophrénie, que dans la population générale. D’ores et déjà, nous savons que l’hygiène de vie, et en particulier une alimentation équilibrée, est l’un des trois piliers du traitement des maladies psychiatriques, avec les médicaments et les psychothérapies. Tout comme on apprend à un patient cardiaque de nouvelles règles d’hygiène de vie, il devrait en être de même chez les patients atteints de maladie psychiatrique : alimentation équilibrée, sommeil de qualité, activité physique régulière, réduction des excitants comme l’alcool ou le café… En pratique, ce n’est pas toujours le cas ».
L’intestin, centre caché de la maladie mentale ?
Si l’alimentation semble jouer un rôle essentiel, c’est, d’une part, parce que certaines carences en vitamines ou minéraux semblent influer fortement : par exemple, il a été prouvé que la malnutrition pendant la grossesse multiplie par 2 le risque de schizophrénie à l’âge adulte. Mais c’est également parce qu’elle agit sur le système digestif, et plus particulièrement sur la flore intestinale, ou microbiote.
Ce véritable « nouvel organe » composé de 100 000 milliards de bactéries et pour un poids de 1 à 5 kg, que l’on commence à décrypter de plus en plus précisément, joue un rôle essentiel sur l’état de santé physique, mais également mental. Depuis une dizaine d’années, des chercheurs commencent à entrevoir l’existence de liens entre le microbiote et l’autisme, la dépression et la bipolarité, ou les troubles anxieux. Ils étudient actuellement l’impact des déséquilibres de la flore intestinale (on parle de dysbiose), notamment l’appauvrissement en certaines souches bactériennes, sur les maladies psychiatriques.
On sait également que certains types d’aliments (graisses et sucres en excès, notamment), induisent la dysbiose, provoquent une inflammation du système digestif et des changements de perméabilité de la barrière intestinale qui pourraient permettre à des molécules du tube digestif de migrer dans le sang, entraînant des phénomènes auto-immuns.
Alimentation et maladies mentales : la recherche « en voie de développement »
La connaissance de plus en plus précise du microbiote permettra-t-elle de soigner, ou même de prévenir les maladies mentales ? Des travaux de recherche internationaux, et pluridisciplinaires, explorent de nombreuses pistes.
Ainsi, des essais de traitement de l’autisme par des greffes de microbiote fécal, ou par une antibiothérapie permettant de faire un « reset » des bactéries intestinales ont été effectués à petite échelle. Certains TAG (Troubles anxieux généralisés) ont été soulagés par l’administration de probiotiques, (bactéries bénéfiques pour la flore intestinale) et chez des patients schizophrènes, les symptômes ont pu être atténués grâce à une supplémentation en vitamine B9, ou encore par un régime sans gluten (la sensibilité à cette protéine semblant plus fréquente chez ces patients).
Toutefois, des recherches de plus grande envergure et des essais thérapeutiques sont nécessaires. « Mais c’est là que le bât blesse : la psychiatrie reste le parent pauvre de la Recherche », déplore le Pr Leboyer.
Alors même que les pathologies mentales explosent (12 millions de Français sont touchés au moins par l’une d’entre elles) et coûtent chaque année (directement et indirectement) 107 milliards d’euros, les crédits, eux, ne représentent que 4,5% du budget de la recherche biomédicale (contre 20% pour le cancer, par exemple). Elles sont pourtant, désormais, la deuxième cause de perte de qualité de vie…
Sources
(*) Le professeur Marion Leboyer est responsable du pôle Psychiatrie et chercheur INSERM à l’hôpital Henri Mondor (Créteil), et Directrice de la Fondation FondaMental, qui vise à financer la recherche sur les maladies mentales (www.fondation-fondamental.org).
« Le microbiote et la santé humaine », synthèse FFAS, 2014.
« Microbiote intestinal : un rôle potentiel dans les troubles psychiatriques majeurs », G. Fond, 2015.
Published online 2004 May 7. doi: 10.1113/jphysiol.2004.063388 PMCID: PMC1664925 - Nobuyuki Sudo,Yoichi Chida, Yuji Aiba,Junko Sonoda, Naomi Oyama, Xiao-Nian Yu, Chiharu Kubo, and Yasuhiro Koga.
2/ "Ingestion of Lactobacillus strain regulates emotional behavior and central GABA receptor expression in a mouse via the vagus nerve" - PNAS january 2011, vol. 108 no. 38, Javier A. Bravo, 16050–16055, doi: 10.1073/pnas.1102999108.