Le goût salé persistant : quand votre bouche signale un trouble systémique profond

Publié par La Rédaction E-Santé
le 11/11/2025
4 minutes
dans une cuisine, une jeune femme sale un plat contenant un poulet roti en utilisant une saliere dan
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Un goût salé inhabituel qui persiste sur la langue n'est pas anodin. Au-delà des causes locales comme une gingivite ou un rhume, il peut être le symptôme d'un déséquilibre systémique sous-jacent, tel qu'un dysfonctionnement thyroïdien ou rénal, voire le signe d'une maladie auto-immune comme le syndrome de Sjögren. Cette altération du goût, ou dysgueusie, agit comme un signal d'alerte et justifie une approche diagnostique holistique pour identifier et traiter la cause profonde.

Désordres auto-immuns : une piste sérieuse

Lorsqu'un goût salé s'installe durablement, la piste d'une maladie auto-immune doit être considérée. Le syndrome de Gougerot-Sjögren, qui infiltre et détruit les glandes salivaires et lacrymales, est souvent en cause. La sécheresse buccale (xérostomie) qui en résulte est un symptôme majeur. En diminuant le volume de salive, elle concentre les minéraux naturellement présents dans la bouche, dont le sodium, ce qui intensifie la perception du sel. Face à un Sjögren, ce goût salé lié à la bouche sèche devient un indice clinique important d'une pathologie qui peut aussi affecter d'autres organes, comme les reins ou le système nerveux.

Un autre acteur clé est la glande thyroïde. Les hormones qu'elle produit régulent le renouvellement des cellules gustatives et influencent la composition de la salive. Ainsi, un dérèglement peut directement altérer les saveurs perçues. L'hyperthyroïdie modifie la biochimie salivaire et peut accentuer ce goût salé. Inversement, l'hypothyroïdie entraîne une sécheresse buccale chez près d'un tiers des patients non traités, créant une impression salée par concentration du sodium. Certains patients, pour compenser une sensation gustative générale affaiblie, sont d'ailleurs tentés de consommer des aliments plus salés, créant un cercle vicieux.

Quand les reins et l'équilibre des électrolytes sont en cause

Les reins sont les maîtres de l'équilibre des électrolytes dans l'organisme, notamment du sodium. Leur défaillance a des répercussions directes sur notre perception gustative. En cas d'insuffisance rénale chronique, les reins ne filtrent plus correctement le sang, ce qui provoque une accumulation de toxines et de déchets. Ces substances peuvent intoxiquer les récepteurs gustatifs, engendrant une dysgueusie avec des sensations métalliques, amères ou salées. Ce symptôme buccal est rarement isolé ; il s'accompagne souvent de fatigue, d'une hausse de la pression artérielle ou d’œdèmes.

Ce déséquilibre peut également être induit par la prise de certains médicaments. Les diurétiques ou les antiépileptiques, par exemple, modifient l'équilibre hydro-électrolytique du corps en agissant sur la régulation du sodium par les reins. La concentration de la salive s'en trouve modifiée, ce qui peut se manifester par une sensation de goût salé persistante. Cette origine iatrogène doit être explorée lors du diagnostic, car un simple ajustement de traitement peut parfois résoudre le problème.

Au-delà du sel : goût métallique et atteintes neurologiques

La dysgueusie ne se limite pas au sel. Un goût métallique est un effet secondaire fréquent de la chimiothérapie, touchant plus de la moitié des patients. Il est causé par la composition de certains agents, comme les sels de platine, qui altèrent directement les récepteurs du goût. Pour atténuer cette sensation désagréable, il est parfois conseillé d'utiliser des couverts en plastique ou en bois, car le contact des aliments avec les ustensiles métalliques exacerbe le phénomène. D'autres traitements, comme la radiothérapie de la tête et du cou, peuvent provoquer une sensation de "carton" en détruisant les papilles.

Le système nerveux central joue également un rôle crucial dans l'interprétation des saveurs. Une perturbation des signaux nerveux peut provoquer des altérations gustatives. La sclérose en plaques est connue pour causer une altération du goût, affectant jusqu'à 20 % des patients. Les lésions cérébrales propres à cette maladie perturbent le traitement de l'information envoyée par la langue. Une étude a même montré qu'un tiers des malades avait des difficultés spécifiques à détecter le goût salé. D'autres atteintes neurologiques, comme un accident vasculaire cérébral (AVC) ou un traumatisme crânien, peuvent avoir des conséquences similaires.

Diagnostic : vers une approche globale du symptôme

Un goût salé qui perdure plus de deux semaines sans cause évidente justifie une consultation médicale. C'est la persistance qui doit alerter sur une possible cause systémique grave. Le médecin cherchera à identifier l'origine du trouble à travers une approche globale. Des bilans sanguins seront souvent prescrits pour vérifier la fonction thyroïdienne, la santé des reins et dépister d'éventuelles carences. Une consultation chez un dentiste est également indispensable pour écarter toute cause locale, comme une infection ou des saignements de gencives.

Le traitement de cette dysgueusie dépend entièrement de la pathologie identifiée. Il pourra s'agir d'un ajustement hormonal en cas de trouble thyroïdien, d'une prise en charge spécifique de la maladie rénale ou d'une adaptation des traitements en cours. L'objectif n'est pas de masquer le symptôme mais bien de traiter sa cause profonde pour restaurer un bien-être général et une perception gustative normale.