L’autisme aujourd’hui : améliorer le dépistage pour mieux soigner

Dépistage de l’autisme : un diagnostic trop tardif
Actuellement, le diagnostic de l’autisme est plutôt posé vers 4 à 5 ans en France. Associations et familles réclament qu’il soit réalisé plus précocement depuis des années. Dans un rapport daté du 8 mars dernier, l’Académie de médecine en fait aussi une de ses recommandations.
Dr Richard Delorme, pédopsychiatre à l’hôpital Robert Debré à Paris : « L’idéal est de faire le diagnostic entre 2 et 3 ans. Avant, c’est un peu tôt : quand l’enfant a un tableau typique, ce n’est pas difficile mais, à 18 ou 20 mois, un enfant peut présenter des signes proches de l’autisme sans forcément que ce soit cela. Il faut faire attention au dépistage de particularités comme aux États-Unis où il y a une surestimation de la maladie ».
En France, la prévalence de l’autisme est d’environ 1% (dix fois plus qu’il y a cent ans) et touche 4 garçons pour 1 fille.
Soigner l’autisme : mieux former les soignants
Si certains enfants présentent des signes d’alerte dès la naissance, les symptômes de l’autisme se révèlent en moyenne autour de 15 mois. Difficultés à regarder dans les yeux, parler, sourire, s’intéresser à l’environnement, répondre à son prénom, jouer avec les autres, pointer un objet du doigt... Les parents repèrent souvent que quelque chose ne va pas mais faute de formation, les soignants passent parfois à côté du diagnostic.
Dr Delorme : « Il faut avoir un bon généraliste ou un bon pédiatre, connaître les réseaux de soins pour orienter les patients et les familles vers des consultations spécialisées, ce n’est pas suffisamment le cas aujourd’hui. Il y a encore une tendance à banaliser les symptômes et à se dire qu’on attend pour voir comment ça évolue». La mise en œuvre d’un parcours thérapeutique approprié est pourtant cruciale pour conditionner l’évolution des troubles.
Prise en charge de l’autisme : le scandale
« Il y a une grande hétérogénéité des situations selon l’endroit où on se trouve, estime le psychiatre Bruno Falissard. Tout repose beaucoup sur la mobilisation des parents ». Résultat : des enfants et des familles en détresse et un véritable scandale. En 2014, la France a été condamnée pour la cinquième fois par le Conseil de l’Europe pour discrimination à l’égard des autistes et en 2015, l'État a été sommé de verser 240 000 euros à sept familles pour « défaut de prise en charge adaptée » de leur enfant autiste. En effet, faute de places en institution, de structures spécifiques et de méthodes éducatives pertinentes, beaucoup de parents se tournent vers la Belgique pour soigner ou scolariser leurs enfants dans de bonnes conditions. Néanmoins, les choses commencent à bouger : le dernier plan Autisme prévoit la création de 3400 places d’accueil d’ici 2017.
Nouvelles approches de l’autisme: la fin du tout « psy »
Les pratiques évoluent aussi. Longtemps confiée aux seuls « psy », elles ont changé de camp sous l’impulsion des familles depuis 2012, date à laquelle la Haute Autorité de Santé a considéré que les approches éducatives comportementales cognitivistes précoces étaient les plus efficaces. « Elles reposent sur une hyperstimulation du langage, un conditionnement à l’apprentissage, un forçage à la communication... qui donnent des résultats. Il faut vulgariser les soins modernes sans tabou, affirme le psychiatre Bruno Falissard. Cela ne veut pas dire que les pratiques psychanalytiques sont à rejeter. Tout n’est pas noir ou blanc. Psy ou pas, il faut des gens compétents. De plus, il y a une ambiguïté sur la définition de l’autisme actuellement. On passe d’enfants qui ont des troubles manifestes à des phénotypes légers, cela rend le discours médical difficile à tenir ».
L’autisme : une autre intelligence ?
C’est peut-être le regard sur l’autisme qui est en train de changer. « Avant, aux États-Unis, on mesurait tout ce que l’enfant autiste ne faisait pas et on essayait de combler les déficients. Actuellement, on considère tout ce que le cerveau d’un autiste peut faire et on le nourrit, expose Laurent Mottron, de l’université de psychiatrie du Québec. On s’appuie sur ses forces et non pas ses faiblesses. C’est une erreur de comparer les progrès à ceux d’enfants normaux. C’est comme de crier dans les oreilles d’un sourd, ça ne sert à rien ». D’autant que les études montrent que les enfants autistes peuvent avoir des capacités équivalentes, voire supérieures, à la normale, dans certains domaines : ils sont meilleurs que nous pour des tâches de recherches visuelles, recomposer des figures géométriques complexes, repérer un changement dans un son, traiter des problèmes de logique non verbales...
Les facteurs de risques :
- la génétique : 250 gènes ont été identifiés
- l’âge parental avancé
- la grande prématurité
- le déficit en folates de la mère
- l’exposition prénatale à des médicaments (antidépresseurs...)
- l’exposition à des substances chimiques in utero est évoquée
Sources
- Session de l’Académie de médecine : « L’autisme : aux confins de la psychiatrie du développement et de la neurologie, évolution des modèles et des pratiques », 8 mars 2016, Paris.
- SOS Autisme : http://sosautismefrance.fr/