Estime de soi : un peu, beaucoup, à la folie ou pas du tout ?

Amélie se donne beaucoup de mal pour réussir dans son travail. Elle cherche toujours à satisfaire ses supérieurs hiérarchiques, mais elle craint en permanence de ne pas remplir correctement sa tâche. Albert est incapable de prendre une décision pour lui-même sans demander d'abord à sa femme si elle est vraiment d'accord. Quant à Philippe, peintre reconnu par des proches et dans son milieu, il n'arrive jamais à être satisfait de ce qu'il réalise et estime toujours qu'il devrait faire mieux. Tous les trois, à des degrés divers, manquent « d'estime de soi », parce qu'ils n'ont pas confiance en eux, parce qu'ils ne sont pas sûrs d'eux ou bien parce qu'ils n'arrivent pas à être contents d'eux-mêmes.
L'estime de soi : une subtile alchimie entre plusieurs ingrédients
Les termes utilisés dans le langage courant pour désigner l'estime de soi sont en fait très nombreux. Tous traduisent des aspects différents qui contribuent à définir ce concept comme « avoir confiance en soi », « être content de soi », « être sûr de soi », avoir de « l'amour de soi », « de l'amour propre », « croire en soi », etc.Tous ces termes montrent aussi que « l'estime de soi » ne repose pas sur une seule qualité ; elle est le fruit d'une subtile alchimie psychologique reposant sur plusieurs ingrédients. Les psychiatres Christophe André et François Lelord* en identifient trois principaux : l'amour de soi, la confiance en soi, la vision de soi.
L'amour de soi
Pour les deux psychiatres, l'amour de soi est le pilier principal de l'estime de soi et cet amour est par définition inconditionnel. Il n'est pas toujours facile de se représenter ce que peut-être un amour inconditionnel et sans limite pour soi-même. Pour ceux qui ont été parents, il représente cet amour immense que l'on peut ressentir pour son enfant, en dépit de toutes les difficultés que l'on peut être amenés à traverser. Autrement dit, comme les auteurs le précisent, l'amour de soi, c'est s'aimer « malgré ses défauts et ses limites, malgré les échecs et les revers ».L'amour de soi ne nous protège pas de l'adversité, ne nous épargne pas des échecs, mais nous aide à nous reconstruire et à ne pas sombrer dans le désespoir.
La confiance en soi
Il arrive plus souvent que l'on dise d'une personne qu'elle n'a pas confiance en elle ou de reconnaître pour soi-même que l'on ne se sente pas très sûr de soi. Cette acception psychologique se perçoit plus facilement car elle s'exprime à travers nos actes, fussent-ils les plus quotidiens. Si chaque fois que Jacqueline invite ses amis à partager un délicieux gratin (sa spécialité !), elle attend anxieusement que ces derniers la rassurent sur ses talents culinaires, il est probable qu'elle n'a pas confiance en elle. Ainsi, en est-il de Bertrand, qui perd tous ces moyens chaque fois qu'il passe un examen. De même, que la confiance en soi s'exprime dans nos gestes quotidiens, ce sont aussi ces derniers qui contribuent à alimenter la confiance en soi. Les parents intuitivement le savent bien, lorsqu'ils cherchent à valoriser leur enfant qui accomplit une tâche, même si elle n'est pas parfaitement réussie.
La vision de soi
Le troisième pilier de l'estime de soi repose sur la vision que l'on a de soi. Quel regard je porte sur moi ? Est-il de la même nature que celui que je porte sur mon meilleur ami ou bien ressemble-t-il plutôt à ma façon de regarder mon pire ennemi ? La réponse à ces questions toutes simples en dit long sur la vision que l'on a de soi. La vision de soi ne repose pas sur une connaissance objective de soi. Bien au contraire, elle prend ses racines, dans toute la subjectivité de notre être. Combien d'adolescentes que leurs parents et amis trouvent jolies, se plaignent « d'être moches » ! Ce regard sans concession porté sur elles-mêmes, témoigne de leurs visions négatives (passagères souvent à l'adolescence) d'elles-mêmes. A l'inverse, une vision positive de soi est à l'origine d'une immense force intérieure qui aide à défier les obstacles de la vie.
Nourrissez votre pot d'estime de vous !
Les trois composantes de l'estime de soi sont en fait très imbriquées. Une vision positive de soi vient enrichir la confiance en soi, plus de confiance en soi, nous aide à avoir plus d'amour pour soi, etc. Le succès du livre des psychiatres F. Lelord et C. André révèle bien à quel point nous sommes probablement tous, dans une proportion variable, selon les moments de notre vie, notre éducation ou les difficultés rencontrées, concernés par « l'estime de soi », voire surtout par le manque d'estime pour soi. Pour autant, cela n'a rien d'irrémédiable. Pour améliorer l'estime de soi, il est parfois nécessaire d'avoir recours à une aide psychologique extérieure. Mais commencez donc par faire de vous votre meilleur(e) ami(e). Placez pour cela un pot (symbolique ou réel) et nourrissez-le de pensées positives pour vous-même. Vous serez rapidement surpris de vous voir plus beau (belle), plus confiant(e), plus intelligent(e)… que ce que vous imaginiez.
* Christophe André. François Lelord. L'estime de soi. S'aimer pour mieux vivre avec les autres. Editions Odile Jacob, avril 1999.