Dépression : une maladie délaissée

Publié par Dr Philippe Presles
le 17/04/2001
Maj le
3 minutes
Autre
Selon un rapport d'un groupe d'experts, la dépression est insuffisamment diagnostiquée, les patients peu informés, trop rarement pris en charge et mal perçus par la société. Il est devenu impératif de « démasquer » les dépressifs et de les replacer, ainsi que leur entourage, dans les dispositifs médico-sociaux.

Tous les ans, la dépression touche 5% de la population, soit près de 3 millions de Français. Ainsi, 17 à 19% de personnes souffrent ou ont souffert au cours de leur vie d'une vraie dépression nécessitant un traitement médical. Il s'agit d'une maladie de longue durée, à caractère récurrent dans 75 à 80% des cas. Pourtant, elle est rarement traitée (selon une évaluation, toujours très difficile, les chiffres de 50 à 70% ont été avancés). De plus, en cas de prise en charge médicale, près de la moitié des patients ne suivent pas correctement leur traitement, les amenant à rechuter dans les deux ans à venir: dans 70% des cas les malades arrêtent prématurément leur traitement, et dans 75% des cas les doses ne sont pas suffisantes. Ces constats montrent que les dispositifs de soins actuels sont largement déficitaires pour prendre en charge efficacement la dépression. Des objectifs et des recommandations ont donc été formulés afin d'apporter des réponses adaptées.

Informer les patients

Il est indispensable d'apporter aux patients des informations leur permettant d'identifier les symptômes de la dépression (toutes causes confondues, celui qui « souffre dans sa tête » se présente comme un dépressif), d'en parler, de savoir vers qui se tourner, d'aller consulter et de mieux comprendre la nature et les résultats des traitements (médicament et psychothérapie). Sans ces données, souffrance et handicap sont inutilement prolongés.

Des idées fausses et des vérités à rétablir :

o la dépression est une maladie et non une faiblesse de caractère;o c'est une pathologie qui se soigne et dont on guérit;o il n'existe pas de dépendance pharmacologique aux antidépresseurs !

Former les médecins généralistes

Pour 79% des Français, le médecin de famille est le professionnel de santé le plus à même pour traiter cette maladie. Il faut donc lui donner les moyens de mieux répondre à la prise en charge de leurs patients grâce à une meilleure formation et à une information régulière. Et ce d'autant plus, qu'il incombe au praticien généraliste de savoir « démasquer » une dépression derrière des signes indirects, la plupart du temps cachés par honte et par peur du mépris. Le traitement du malade dépressif étant multiforme (sociale, psychothérapique et médicamenteuses), il est également important de favoriser les échanges entre généralistes et psychiatres. Il manque notamment un accès plus facile aux spécialistes et des délais plus courts de consultation.

Les traitements existent

La dimension relationnelle doit être privilégiée afin que le patient accepte le diagnostic et le traitement. De plus, il est nécessaire de tenir compte du contexte social et familial. Prendre en charge un déprimé implique également d'aider sa famille.Le médecin dispose aujourd'hui d'un arsenal thérapeutique: psychothérapie et médicaments. Les antidépresseurs sont efficaces dans 65 à 70% des cas, mais à condition d'en suivre la prescription, c'est-à-dire de ne pas les arrêter prématurément. Ils permettent d'éviter l'aggravation et les complications (notamment le suicide). Cela dit, le traitement médicamenteux n'est pas une fin en soi. La prise en charge doit être globale et dépend en pratique des solutions disponibles dans l'environnement du malade. Ainsi, le soutien psychologique est fondamental, notamment pour une bonne observance au traitement médicamenteux dont la durée de 6 mois doit être abordée d'emblée. La passivité n'est plus de mise. Bien au contraire, le patient doit participer et être écouté afin d'élaborer son traitement en collaboration avec les professionnels de santé. En effet, le dépressif a de nombreuses compétences et il faut utiliser ses capacités pour faire jouer les processus auto-thérapeutiques.

Les patients doivent savoir que leurs troubles sont légitimes et que le médecin généraliste est un interlocuteur privilégié. « Il faut oser demander de l'aide » !

Sources

Rapport d'experts " Itinéraires des déprimés ", édité avec le soutien logistique des laboratoires Lundbeck, Servier et Glaxosmithkline (http://smbh7.smbh.univ-paris13.fr), février 2001.

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