Ces ruptures de médicaments qui inquiètent

Publié par Dr Philippe Presles
le 25/11/2013
Maj le
4 minutes
pharmacien et client à la pharmacie
Istock
La France ne fabrique presque plus de médicaments et dépend maintenant des industriels chinois et indiens pour ses approvisionnements.Les ruptures de stock se multipliant, cette situation devient inquiétante. Rien que le mois dernier, les pharmaciens ont noté 539 ruptures de stock, dont des produits essentiels comme le Lévothyrox pour le traitement des hypothyroïdies.Faudra-t-il envisager une nouvelle politique du médicament en Europe ?

C’est maintenant à l’Extencilline de faire défaut, cet antibiotique injectable indiqué dans le traitement de la syphilis. Que proposer d’autre à ces 500 à 600 cas de syphilis récents répertoriés par le Réseau de surveillance des infections sexuellement transmissibles RésIST ? La question est d’autant plus grave que le nombre de cas réels est à multiplier par 10.

Les ruptures de stock de médicaments se multiplient pour dépasser les 500 par mois selon l’ordre des pharmaciens, qui a mis en place un nouveau logiciel baptisé DP-rupture. C’est que la situation est devenue très inquiétante.

Comment en est-on arrivé là ?

La question se pose de savoir comment on en est arrivé à cette situation de dépendance complète envers des pays producteurs comme la Chine ou l’Inde, cette dépendance étant d’autant plus grave que nous n’avons plus les compétences pour remonter de telles usines sur notre sol.

En pratique, l’industrie pharmaceutique a complètement mondialisé son organisation, et schématiquement on peut considérer que la recherche se fait surtout aux États-Unis, la production surtout en Asie, le juridique et le commercial demeurant dans les pays clients comme la France. Et revenir en arrière nécessiterait maintenant de repenser complètement cette organisation, mais aussi de revoir notre politique du médicament.

Cela est d’autant plus important que les pays producteurs sont maintenant en train de se doter de leurs propres centres de recherche, qui leur permettront un jour de s’affranchir de nous fournir des génériques, pour nous proposer des médicaments équivalents, mais plus chers, car brevetés.

Faire un mois de stock

Que faire si vous avez un besoin important, voire vital, de pouvoir vous procurer un médicament ?

Au vu des difficultés rencontrées, on ne peut que conseiller aux personnes concernées de se constituer un mois de stock personnel et de ne pas attendre que celui-ci soit épuisé pour s’occuper de se réapprovisionner. A défaut, vous pourrez être amené(e) à attendre plus de 4 jours comme on peut le constater dans la moitié des cas de rupture.

Quid du vaccin ?

Heureusement, la France a encore conservé sa capacité de production vaccinale, ce qui est essentiel pour être en capacité de protéger la population en cas d’épidémie mondiale grave, comme cela aurait pu être le cas lors de la dernière pandémie grippale.

A défaut, il devient impossible pour un Etat de se procurer les vaccins, la capacité mondiale de production étant bien en deçà des besoins de la planète. Les pays producteurs se réservent donc en priorité les vaccins pour eux.

Mais la pratique de la vaccination est en baisse dans notre pays, et la récente plainte pour une hypothétique sclérose en plaques en relation avec le Gardasil®, vaccin contre le papillomavirus, ne devrait pas arranger les choses. Les cas de ce genre sont tellement rares, qu’il est impossible d’établir scientifiquement une relation de cause à effet. On constate simplement la survenue d’une maladie quelque temps après l’administration d’un vaccin. Dans tous les cas, le rapport bénéfice-risque reste très largement favorable à la vaccination, car elle protège contre des maladies potentiellement mortelles et relativement fréquentes.

Mais ne conviendrait-il pas de considérer que le doute devrait bénéficier systématiquement aux victimes, sans avoir à s’engager dans des procédures dans lesquelles experts et avocats tourneraient en rond ? Un fonds public d’indemnisation aurait tout son sens. Après tout, la vaccination est aussi une démarche collective et utile à tout le monde, les personnes vaccinées ralentissant la diffusion de la maladie et protégeant de ce fait les autres. Inversement, ceux qui ne se vaccinent pas constituent un point faible et bénéficient de la protection des autres sans s’engager. C’est pour cela que dans notre pays nous avons vu réapparaître des épidémies de rougeole.

Trouver une solution satisfaisante à de tels problèmes moraux serait essentiel pour garder nos usines de vaccins en France.

Source : Le Point 18 novembre 2013.

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