Cannabis : l’impact sur la santé des jeunes

Cannabis : certains essaient, d’autres accrochent
La consommation de cannabis débute, en moyenne, vers 14-15 ans. A 17 ans, 40% des adolescents ont déjà fumé au moins un joint. Souvent l’expérimentation se fait avec les copains, après les cours ou lors d’une fête. « Certains jeunes vont se contenter d’essayer et d’autres vont accrocher », souligne le Pr Michel Reynaud, addictologue à l'hôpital Paul Brousse à Paris. Environ 10% des garçons fument régulièrement contre 3% des filles. Y-a-t-il un profil particulier ? Pr Reynaud : « Il y a des jeunes qui ont besoin de sensations fortes et chez qui l’expérience initiatique est de cet ordre. Chez d’autres qui souffrent d’une mauvaise image d’eux-mêmes, le cannabis peut venir apaiser les angoisses, mettre à distance les problèmes et faciliter les relations avec les autres ».
Dégâts du cannabis chez 5 à 10% des fumeurs
Comme avec l’alcool et le tabac, plus on consomme tôt, plus le produit risque d’entrainer une dépendance, plus les effets du cannabis peuvent altérer la santé. « Le cannabis est particulièrement dangereux sur le cerveau des adolescents car ce dernier est en train de maturer des zones impliquées dans l’autonomie, la prise de décisions, l’intérêt, la communication... Or, sous l’effet du produit, cette maturation se fait moins bien », explique le spécialiste. En cause, une substance psychoactive, le THC, (tétrahydrocannabinol) qui se concentre dans le système nerveux. Elle provoque des dégâts chez 5 à 10% des gros consommateurs, ceux qui fument tous les jours ou trois à quatre fois par semaine et plusieurs joints à chaque fois.
Effets du cannabis : ralentissement et décrochage scolaire
Le principal problème est un ralentissement psychologique qui se caractérise par une altération de l'adaptation, de la volonté, de l’envie de faire des choses... « Petit à petit, l’adolescent se replie sur ses habitudes de fumeurs, explique le Pr Reynaud. Il n’y a plus que ça qui devient intéressant, il dort le jour et cherche à fumer la nuit ». Cela se traduit souvent par un décrochage scolaire et universitaire. La mémoire immédiate, l’attention, la concentration, les réflexes sont également diminués, les perceptions auditives et visuelles sont modifiées. En cas de conduite, il y a 15 fois plus de risques d’accident mortel, surtout quand le cannabis est associé à l’alcool. Les données demandent à être confirmées mais, à l’arrêt du produit, les capacités seraient récupérées chez les sujets adultes, toutefois, des anomalies persisteraient chez ceux ayant beaucoup fumé à l’adolescence.
Risque d'hallucinations et de schizophrénie
Plus rarement, il arrive que dès les premiers joints, le cannabis entraine des tremblements, des crises d’anxiété, de panique, voire des hallucinations, des bouffées et des idées délirantes. « La personne a l’impression d’être en danger, persécutée, elle se méfie de tout le monde, raconte le Pr Reynaud. Cela passe dans la majorité des cas mais c’est très angoissant ». Chez moins de 1% des jeunes, cet épisode aigu peut annoncer les premiers symptômes d’une schizophrénie. Le cannabis n’est pas forcément la cause de cette grave maladie psychiatrique -« statistiquement, ce n’est pas clair » selon l’addictologue- mais il est un facteur déclenchant. La schizophrénie apparaît deux ans plus tôt chez les consommateurs par rapport aux non-consommateurs.
Attention aux poumons et aux artères
Des études montrent que, lorsque le cannabis est fumé avec le tabac (ce qui est la règle dans 90% des cas), il peut engendrer des problèmes pulmonaires plus tard : asthme, bronchites chroniques... Certains travaux évoquent même la possibilité d’un lien avec le cancer du poumon qu’il pourrait favoriser. C’est aussi un facteur de risques d'artérite (rétrécissement des artères) des membres inférieurs et cérébrale. Les effets du cannabis pourraient jouer aussi sur le métabolisme. Mais alors qu’il augmente l’appétit chez les petits consommateurs sans pour autant savoir s’il est responsable d’une prise de poids, d’après une étude récente, il serait à l’origine d’une perte de poids et d’un amaigrissement chez les gros consommateurs.
Arrêter la consommation de cannabis, oui mais comment ?
Certains jeunes s’arrêtent de fumer facilement, d’autres non. Tout dépend du contexte. « Le déclic est de reconnaître que sa consommation devient problématique, affirme le Pr Reynaud. Mais c’est compliqué car l’adolescent a tendance à dire “tu n’y connais rien, je gère et je m’arrête quand je veux”. C’est longtemps vrai jusqu’au jour où ça ne l’est plus même s’il continue à s’en auto-persuader ». Médecin traitant, associations, spécialistes... Il ne faut pas hésiter à demander de l’aide. Un conseil aux parents : ne pas diaboliser le produit.
Pr Reynaud : « Ce n’est pas le vécu de l’adolescent qui va systématiquement répondre qu’il a plein de copains qui fument autour de lui qui vont très bien, et c’est vrai. Mieux vaut lui dire, “Je suis inquiet pour toi, je t’aime et je ne veux pas que tu t’abîmes. Je voudrais que tu t’en sortes et je vais essayer de t’aider et je tiendrai le temps qu’il faudra”».
Le site grand public Addict’Aide, lancé en avril dernier, permet d'auto-évaluer sa dépendance, de trouver de l’aide et d’échanger de façon anonyme avec d’autres consommateurs et des professionnels de santé.
Sources
Entretien avec le Pr Michel Reynaud, psychiatre et addictologue à l’hôpital Paul Brousse à Paris, coordinateur du portail Addict’Aide : https://www.e-sante.fr/addictions-site-pour-aider-personnes-dependantes/breve/624
Brochures « Cannabis, ce qu’il faut savoir » et « Les risques expliqués aux parents » sur le site de l’Institut national de la prévention et d’éducation à la santé : www.inpes.sante.fr