Cancer de la prostate : faut-il se faire dépister ?

Il existe une polémique autour du dépistage du cancer de la prostate : faut-il dépister tous les hommes ? Un revirement inattendu pourrait bien sonner le glas de cette polémique : les études scientifiques entérinent désormais le bénéfice du dépistage vis-à-vis de la mortalité et de la découverte de potentielles tumeurs à un stade précoce, avant même qu’elles ne métastasent. Au congrès de l’Association Française d’Urologie (16-19 novembre 2016, Paris), les urologues ont réaffirmé l’intérêt d’un dépistage individuel du cancer de la prostate.
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Dépistage du cancer de la prostate : du rififi dans les études scientifiques !

Le cancer de la prostate est la seconde cause de décès par cancer chez l'homme, après celui du poumon, avec 9 000 décès annuels.

Plusieurs études scientifiques majeures permettent en 2016 de trancher le débat sur l’intérêt d’un dépistage du cancer de la prostate, non pas systématique à l’image de celui du cancer du sein, mais individuel chez tous les hommes qui le souhaitent :

  • Avec les années, les résultats de la vaste étude européenne ERSPC (E uropean Randomized Study of Screening for Prostate Cancer, compilant plusieurs études nationales) (1) sont de plus en plus éloquents, en faveur du dépistage du cancer de la prostate. Parmi les populations de l’étude ayant le plus de recul (par exemple celle de Göteborg en Suède a débuté il y a 14 ans), le dépistage du cancer de la prostate réduit de 21% le risque de décès par cancer de prostate et de 37% la mortalité totale. Plus le temps passe et plus le bénéfice du dépistage est marqué. Celui-ci est effectué principalement au moyen du dosage d’un antigène appelé A ntigène Spécifique de la Prostate ou PSA sérique total et par un toucher rectal.
  • La seconde étude majeure étudiant l’intérêt d’un dépistage du cancer de la prostate est américaine (PLCO, Prostate, Lung, Colorectal and Ovarian cancer screening trial). Ses conclusions -« le dépistage n’apporte pas de bénéfice en termes de survie »- sont mises en avant par les pays (dont la France) ne souhaitant pas se lancer dans un dépistage de grande envergure. Mais des révélations en mai 2016 (2) sur une erreur méthodologique considérable de l’étude a provoqué un tollé et l’ont totalement décrédibilisée. En effet, les hommes du groupe "sans dépistage" (qui étaient comparés à ceux qui avaient un dépistage) avaient malgré tout eu pour la moitié d’entre eux un dosage de PSA avant leur entrée dans l’étude. Et pendant l’étude, 80% des hommes de ce même groupe s’étaient prêtés au moins une fois au dosage du PSA !

Pr Thierry Lebret, chef du service d’urologie de l’hôpital Foch et Secrétaire général de l’AFU : « En France, la campagne lancée au printemps 2016 sous l'égide de la CNAM (Caisse Nationale d’Assurance Maladie), de l'INca (Institut National du cancer) et du Collège de la médecine générale (CMG) remettait en cause l’utilité du PSA, et soulignait qu'un dépistage réalisé grâce au PSA entraînait des sur-traitements. Je suis en désaccord avec les conclusions de cette récente publication. Au vu de ces nouvelles données, les autorités sanitaires pourraient rapidement faire machine arrière. D’autant que les coûts engendrés par les nouveaux traitements anticancéreux d’un cancer découvert à un stade avancé et métastatique sont incomparables à celui d’un simple dosage sanguin du taux de PSA ! »

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Source : (1) Published Online August 7, 2014 http://dx.doi.org/10.1016/ S0140 6736(14)60525-0. ; (2) N Engl J Med 2016; 374:1795-1796; (3)May 5, 2016DOI: 10.1056/NEJMc1515131;
D’après un entretien avec le Pr Thierry Lebret, chef du service d’urologie de l’hôpital Foch et Secrétaire général de l’Association Française d’Urologie.