Après un cancer du sein : quelles solutions pour améliorer la sexualité ?

Quelle place pour la sexualité après un cancer du sein ?
Dr David Elia : Après un cancer du sein, des consultations de suivi et de surveillance sont organisées une à deux fois par an environ. L'objectif premier du médecin : rechercher d'éventuelles métastases et des traces de récidives afin de s'assurer que la maladie est bien en régression. Les consultations de cancérologie étant le plus souvent surchargées, la qualité de vie n'est généralement pas un sujet toujours abordé et encore moins la sexualité, ni par la femme qui se considère chanceuse d'être encore en vie et qui n'ose pas en demander plus, ni souvent par le cancérologue, par manque de temps et de solutions simples. Les femmes devraient oser aborder cette question avec leurs médecins qui, eux, devraient plus souvent leur demander si elles ont noté une dégradation de leur vie sexuelle ou des difficultés, et dans l'affirmative, tenter de les résoudre. D'ailleurs, souvent les problèmes ne sont pas seulement organiques, comme c'est le cas d'un homme qui n'ose plus toucher sa femme parce qu'elle a eu un cancer du sein ou d'une femme qui a peur de se mettre toute nue devant son conjoint parce qu'elle a un sein mutilé. Il est donc nécessaire d'explorer les différents aspects des troubles de la libido. Il existe trois principaux problèmes dans la sexualité :
1- La sécheresse vaginale.
2- Les bouffées de chaleurs, qui plus est, en induisant fatigue, mauvais sommeil et lassitude, accentuent encore les démobilisations sexuelles.
3- La libido « éteinte ».
Quelles solutions contre la sécheresse vaginale ?
Dr David Elia : Même si dans certains cas rarissimes, il arrive que l'on prescrive un traitement hormonal à une femme ayant eu un cancer du sein, cela reste exceptionnel et doit le rester. Il faut donc s'orienter vers d'autres solutions contre la sécheresse vaginale. On conseille les lubrifiants à appliquer au moment du rapport. Ils sont souvent très efficaces à condition d'en mettre généreusement, et d'en remettre aussi souvent que nécessaire pendant l'acte sexuel. Il existe également des produits qui hydratent les parois vaginales. Ils s'appliquent généralement le matin et sont aussi en vente en pharmacie.
La 3e possibilité repose sur les gélules et les crèmes à base d'hormone (estrogènes ou équivalent d'estrogènes), mais elles sont actuellement l'objet d'un débat chez les médecins. En effet, la grande question est de savoir si ces produits augmentent ou non le risque de récidives du cancer du sein, car l'estrogène est susceptible de passer dans le sang. Cette possibilité est dépendante d'une sensibilité individuelle. Notons par ailleurs que l'action de ce passage sanguin serait nulle chez les femmes recevant un traitement anti-récidive à base d'anti-aromatases, médicament qui protège le sein de toute influence estrogénique. Quoi qu'il en soit, la prescription de spécialités à base d'estrogènes à usage local est l'objet d'une polémique et les réponses que les femmes obtiennent sont assez variables selon le médecin. D'ailleurs, toutes les spécialités disponibles présentent comme contre-indication relative ou absolue : le cancer du sein, excepté aux Etats-Unis, où les autorités de santé ont reconnu la possibilité de donner de tels produits à des femmes ayant eu un cancer du sein. Leurs effets sont vraiment très intéressants car ils réinstaurent une certaine souplesse à la paroi vaginale et améliorent aussi les problèmes de fuites urinaires.
Enfin, on peut recourir aux infiltrations d’acide hyaluronique et ou au laser vaginal, deux techniques capables de redonner souplesse et lubrification à la muqueuse vaginale.
Quelles solutions contre les bouffées de chaleur ?
Dr David Elia : Là encore, il est impossible d'utiliser le traitement hormonal de la ménopause. On se reporte alors vers deux compléments alimentaires : les isoflavones de soja (phytoestrogènes), qui sont efficaces dans 50% des cas, et le Serelys®, composé d'extraits de pollens dont on a enlevé tous les éléments allergisants, et qui donne une amélioration pour 60% des femmes.
Il faut savoir que les isoflavones de soja ont été l'objet de polémiques dans cette application. Selon certains médecins, nous ne disposons pas d'études montrant leur innocuité, ce qui serait légitime dans la mesure où ce sont des molécules estrogéniques. Selon d'autres médecins, les symptômes comme les bouffées de chaleur, sont tellement ennuyeux qu'il est nécessaire de proposer des isoflavones de soja. Quant au Serelys®, il n'y aurait pas d'interaction possible entre le sein et le pollen, même si on ne connaît pas le mécanisme d'action de ce produit. Enfin, certains anti-dépresseurs sont éventuellement candidats, mais n'ont pas encore obtenu d'indications officielles contre les bouffées de chaleur.
Quelles solutions pour remonter la libido ?
Dr David Elia : En ce qui concerne la libido, nous n'avons aucune médication. En revanche, la piste du coaching médical ou paramédical est une aide qui semble très intéressante. Il a été montré que lorsque les thérapeutes sont formés à écouter et à discuter de ce sujet, et qu'il existe une bonne entente entre l'équipe soignante et la patiente, l'amélioration des symptômes est considérable. Autrement dit, lorsque les problèmes de la sexualité ont été largement abordés au cours des entretiens, les progrès sont très positifs. Ce type de coaching est actuellement très peu pratiqué, faute de temps et de formation des médecins et des équipes médicales, mais est très prometteur.
En conclusion, même si les solutions sont peu nombreuses, elles doivent être explorées afin de rétablir une bonne qualité de vie chez les femmes ayant eu un cancer du sein, même dans le domaine de la sexualité.
* Le Dr David Elia est gynécologue, rédacteur en chef du magazine GENESIS, leader de la presse gynécologique, publie régulièrement dans les revues scientifiques et est l'auteur de plus de 35 livres grand public. Il a également créé un site internet à destination des femmes : www.docteurdavidelia.com.