Adénome prostatique : les lasers sont arrivés !

Publié par Hélène Joubert
le 9/01/2016
Maj le
5 minutes
Autre
Lorsqu’une hypertrophie de prostate rend le quotidien invivable malgré les médicaments, la chirurgie devient incontournable. Heureusement, les techniques mini-invasives par laser s’imposent de plus en plus dans l’adénome prostatique, rapides et surtout avec peu de complications hémorragiques.

Adénome prostatique : 1 million d’hommes ont des "problèmes de prostate"

L'hyperplasie bénigne de la prostate (HBP) ou adénome prostatique est une des affections bénignes les plus fréquentes chez l'homme passé 50 ans. Avec l’âge, les cellules de la prostate (glande de l'appareil reproducteur masculin) se multiplient et donnent une prostate hypertrophiée appelée « adénome de prostate » ou adénome prostatique ; la glande pèse alors plus de 30 grammes. Cela passe inaperçu chez la plupart des hommes mais pour près d’un million d’entre eux, cette excroissance de la prostate provoque des symptômes gênants. Cette masse peut en effet soit obstruer le canal de l’urètre par où s’écoule l’urine (difficulté à l'évacuation de la vessie/dysurie), parfois provoquer des mictions très fréquentes (pollakiurie) ou urgentes (impériosité) voire entraîner des complications (lithiases) parfois sévères comme une insuffisance rénale ou une rétention urinaire aiguë (complète).

Repousser la chirurgie grâce aux médicaments

Avant de penser « opération chirurgicale », plusieurs médicaments peuvent être prescrits au long cours pour soulager les symptômes :

  • Les plantes. La phytothérapie (Serenoa Repens et Pygeum africanum) est très prescrite en France (une exception en Europe) mais à l’efficacité limitée.
  • Les médicaments dit « alphabloquants » relâchent le tonus exercé par l’adénome de prostate au niveau du canal de l’urètre. Ils agissent très vite et sont donc privilégiés en cas de rétention urinaire importante.
  • Les molécules appelées « inhibiteurs de la 5 alpha réductase » réduisent le volume de la prostate. Pour cette raison, ils sont préférés dans le cas de l'adénome prostatique de gros volume (>40g).
  • Les médicaments « inhibiteurs de la phosphodiestérase-5 » sont déjà utilisés dans les troubles de l’érection. Des molécules double-effet (non remboursés), utiles en cas de troubles de l’érection concomitants.

Malgré ces médicaments, près de 70 000 opérations pour hypertrophie prostatique bénigne (HBP) sont pratiquées chaque année en France, ce qui en fait la chirurgie la plus courante chez l’homme. Les urologues ne la proposent qu’en cas d’échec des médicaments ou en cas de complication grave de l’adénome prostatique comme un blocage complet pour uriner.

Dr Vincent Misraï, chirurgien urologue (Clinique Pasteur, Toulouse) : « Parler de prostate est encore tabou, associé à des problèmes d’érection ou d’incontinence…. Pourtant, il faudrait consulter l’urologue dès lors que l’on ressent des difficultés à uriner et non pas une fois le débit urinaire devenu très faible, situation pourtant la plus fréquente aujourd’hui. A trop attendre, dans l’adénome prostatique l’efficacité des médicaments et des chirurgies laser ou conventionnelles en sera réduite. ».

Le laser, mini invasif et moins risqué

Les technologies laser s’imposent depuis quelques années. Les techniques plus anciennes perdent beaucoup de terrain, comme la "résection transurétrale de prostate" (on élargit le canal de l’urètre qui passe au niveau de la prostate en taillant des petits copeaux de tissu de prostate) et la chirurgie ouverte "adénomectomie" (incision de l’abdomen au niveau du pubis) au risque d’hémorragie parfois sévère. Cette dernière est sur le déclin, de 6000 opérations annuelles il y a dix ans à 2500 aujourd’hui.

Les lasers passent par les voies naturelles : le canal de la prostate. Deux types ont vraiment émergé depuis 2010, employés au choix selon l’expérience du chirurgien-urologue :

  • L’énucléation par laser Holmium consiste à retirer intégralement la partie interne de la prostate. Exemple imagé : c’est un peu comme si on enlevait un œuf d’un coquetier (sans retirer le coquetier) en passant la fibre laser entre l’œuf et le coquetier.
  • La vaporisation par laser Greenlight (30% des opérations en 2015) détruit l’excédent de tissu prostatique en élargissant depuis l’intérieur le canal de l’urètre. Pour poursuivre l’exemple précédent, il s’agit là de retirer le jaune de l’œuf.

L’association des deux techniques est baptisée énucléation GreenLEP. Dans les adénomes prostatiques volumineux, cette technique hybride -encore en phase de test- permet à la fois d’énucléer et de vaporiser l’adénome prostatique. Les premiers résultats sont français* et confirment la sûreté de la procédure avec des résultats satisfaisants sur les mictions et la qualité de vie à un an.

Les lasers, l’avenir de la chirurgie de la prostate

Comme pour toute chirurgie, il existe des risques dans la chirurgie de l’HBP même minimes de traumatisme de l’urètre (sténose c’est-à-dire un rétrécissement du calibre du canal urinaire), d’incontinence urinaire transitoire mais aussi de troubles de l’éjaculation (éjaculation rétrograde, le sperme s’écoule en arrière de la vessie) définitifs. Si ce dernier est paradoxalement un témoin de la bonne désobstruction de l’urètre, en revanche c’est une conséquence ennuyeuse surtout chez les hommes "jeunes". On peut limiter ce risque en limitant la désobstruction (par vaporisation laser) au strict minimum, quitte à réopérer 5 à 10 ans plus tard par laser.

Dr Misraï : « Dans l’HBP, les lasers font aussi bien que les chirurgies conventionnelles en termes de résultats fonctionnels, c’est à dire sur les mictions (le fait d’uriner) et la qualité de vie des hommes. Néanmoins, ils sont l’avenir dans l’adénome prostatique symptomatique du fait du risque hémorragique extrêmement limité qu’ils font courir au patient mais aussi parce que les durées de sondage vésical et d’hospitalisation sont pour cette raison beaucoup plus courtes (parfois même en ambulatoire, sur une journée). Argument de poids, c’est aussi la technique la moins coûteuse ! Le risque hémorragique des chirurgies conventionnelles était tel que l’on repoussait l’acte opératoire, en sachant que les résultats seraient bien moins bons. Et comme avec les médicaments, il faut changer notre manière de voir et traiter tôt, au tout début des troubles urinaires pour obtenir de bien meilleurs résultats. Si avant l’âge de 50 ans on commence à se plaindre de troubles urinaires, il ne faut pas hésiter à se faire traiter ».

Sources

* Misrai V, Kerever S, Phe V, Zorn KC, Peyronnet B, Rouprêt M. J Urol. Oct 2015

D’après un entretien avec le Dr Vincent Misraï, chirurgien urologue (Clinique Pasteur, Toulouse), membre du Comité des Troubles Mictionnels de l'Homme de l'Association Française d'Urologie, le premier en France à avoir éprouvé la courbe d’apprentissage de la technique laser la plus récente (GreenLEP) dans les gros adénomes de prostate présenté au congrès de l’Association Française d’Urologie 2016 (abstract AFU-O16)

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