Accouchement : les 12 choses qu'on ne vous dit pas sur l'après

Publié par Audrey Vaugrente
le 6/03/2018
Maj le
9 minutes
tired mother suffering from post natal depression
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Certaines le décrivent comme le plus beau jour de leur vie. D'autres comme un calvaire. En tout cas, les femmes aiment parler de leur accouchement.
Mais de l'après, on entend peu de confessions honnêtes. Libido, hémorroïdes, déprime… E-Santé vous révèle 12 choses que l'on tait souvent sur les suites de couches.

767 000 bébés ont vu le jour en France en 2017. Et presque autant de maman qui décrivent leur venue au monde comme un moment inoubliable. Mais derrière les sourires et les anecdotes, l'accouchement  est aussi une épreuve, physique autant que morale.

Moins accompagnées que pendant leur grossesse, les jeunes mamans peuvent se sentir perdues face à un rôle auquel elles n'ont pas toujours été préparées. "Quand elles sont enceintes, tout le monde est aux petits soins. Et puis du jour au lendemain, elles doivent tout gérer", reconnaît Sylvie Coché, sage-femme depuis 34 ans.

Cette spécialiste de la maternité revient, avec E-Santé, sur ces choses qui se passent après l'accouchement, mais dont on ne parle pas suffisamment.

Le corps est fatigué

Avec un poids moyen de 3.5 kg, porter un bébé et lui donner naissance n'est pas une mince affaire. "On ne parle pas de 'travail' par hasard, sourit Sylvie Coché. Le corps peut être fatigué par la fin de grossesse – qui est peu confortable –, l'accouchement et la chute des hormones."

En effet, les hormones dont était saturée la maman s'effondrent brutalement après la mise au monde. Progestérone et œstrogène étaient à leur pic, les voilà revenus à leur niveau de base. Cette redescente s'accompagne, généralement, d'un gros coup de fatigue qui n'a rien d'anormal.

Seule exception : la prolactine, qui permet l'allaitement. Elle se maintient à un niveau élevé si la mère choisit de donner le sein à son nouveau-né. Dans le cas contraire, les taux reviennent progressivement à un seuil plus bas.

Il faut porter des serviettes hygiéniques

Sur le plan physique, l'accouchement ne signe pas la fin du travail. Pendant plusieurs jours – généralement une semaine –, des saignements vaginaux se produisent. Ce sont les "lochies", composées de débris de muqueuse et de caillots qui n'ont pas été évacués lors de l'accouchement.

"Ces pertes sanglantes sont tout à fait normales", souligne Sylvie Coché. Mais elles nécessitent le port de serviettes hygiéniques car elles peuvent être abondantes. "Les deux premiers jours, le flux est plus important que des règles. Au bout de 48 heures, ça s'amenuise pour ressembler à des fins de règles", explique la sage-femme.

Précisons que le flux peut varier fortement selon les femmes. Certaines auront des saignements jusqu'à leur "retour de couches", c'est-à-dire les premières règles suivant l'accouchement.

Les contractions continuent

Dans le même temps, les contractions de l'utérus se poursuivent. Elles remplissent un rôle bien précis puisqu'elles "permettent à l'utérus de reprendre sa place et sa taille habituelle", précise Sylvie Coché. Normalement, ces manifestent ne doivent pas durer plus de deux à trois jours.

Durant le séjour à la maternité, une palpation de l'abdomen est régulièrement réalisée. Elle sert à s'assurer que l'organe de la gestation retrouve un volume correct. "Après le retour à la maison, on n'est plus censée sentir de contractions, avertit la sage-femme. Sauf si on met le bébé au sein, ce qui fait se contracter l'utérus."

De manière générale, une douleur au ventre après la mise au monde est anormale. Si elle se manifeste, consulter un médecin ou un.e maïeuticien.ne est nécessaire.

Les fuites urinaires sont courantes

C'est un sujet peu abordé, voire tabou. Et pourtant, les fuites urinaires après avoir accouché sont courantes. "Beaucoup de femmes ont du mal à retenir leurs urines, mêmes pour de faibles volumes, dans les jours qui suivent l'accouchement", rassure Sylvie Coché.

Certains facteurs peuvent favoriser ce trouble transitoire : avoir donné naissance à un bébé de grande taille ou avoir bénéficié d'une aide instrumentale (forceps), blessant au passage le périnée – un ensemble de muscle qui sert à retenir ses urines.

"Au-delà de la visite post-partum, à 6 semaines, ces fuites doivent avoir disparu", précise la sage-femme. Si ce n'est pas le cas, le périnée a probablement été plus endommagé et aura besoin d'une rééducation (voir plus bas).

Les hémorroïdes sont très fréquentes

Autre sujet tabou : les hémorroïdes. Leur survenue n'a rien d'étonnant. Avec la grossesse, le volume sanguin augmente, tout comme le calibre veineux. Dans le même temps, l'utérus occupé par le fœtus pèse sur les autres organes et la pression abdominale augmente. "Le retour veineux se fait moins bien, un peu comme les varices", illustre Sylvie Coché.

Personne n'en parle, alors que de nombreuses femmes en souffrent. "Il faut en parler car des méthodes permettent de les soulager, insiste la sage-femme. Les poches de glace font beaucoup de bien. Il existe aussi des pommades, de suppositoires qui fonctionnent."

Même en population générale, ces troubles circulatoires sont fréquents. Mais la spécialiste des grossesses le reconnaît, "on a l'impression d'être un extraterrestre si on aborde le sujet". Un silence d'autant plus dommageable que "les crises hémorroïdaires sont plus douloureuses qu'une épisiotomie", ajoute-t-elle.

L'instinct maternel tarde à venir

A en croire certains, la maternité serait un instinct. Mais Sylvie Coché le reconnaît, "le lien avec le bébé peut mettre du temps à se mettre en place". Les mères peuvent ainsi refuser un bébé sanglant et hurlant, préférant qu'il soit lavé avant de le prendre contre elle.

De même, il n'est pas rare qu'elles aient un sentiment d'anomalie face à ce petit être dans son berceau. Mais la sage-femme se veut rassurante : "elles culpabilisent alors que ça ne signifie pas qu'elles ne l'aimeront pas."

Du haut de ses 34 ans d'expérience, Sylvie Coché estime qu'on exige un peu trop de perfection des jeunes mamans. En fait, cette perfection n'existe pas. "Les mères ont tendance à oublier les mauvais moments, analyse-t-elle. Elles idéalisent un peu la réalité, mais il faut relativiser tout cela."

On a l'impression d'être un robot

Tout en se remettant de l'accouchement, la jeune maman doit aussi intégrer de nombreuses nouveautés. Allaiter, changer, nettoyer… "Tout est à découvrir et il est stressant de penser qu'on ne sera pas à la hauteur, reconnaît Sylvie Coché. On a l'impression qu'il faut être tout de suite la mère parfaite : belle, efficace, avec un bébé qui dort et qui mange correctement."

Face à cette pression, l'impression d'être un robot n'est pas rare. Surtout qu'après trois jours, "la maman se retrouve toute seule à devoir tout comprendre", déplore la sage-femme. Le programme Prado, proposé par l'Assurance maladie, compense un peu cela.

Il permet aux femmes de bénéficier d'un accompagnement d'une sage-femme à leur domicile. "Elles peuvent aussi entrer en contact avec la maïeuticienne libérale qu'elles ont vu pendant leur grossesse. C'est une personne qu'elles connaissent, qui vient dans leur milieu", souligne-t-elle.

Un coup de déprime

On l'a dit, les hormones s'effondrent après l'accouchement. Cela peut se traduire par le fameux baby blues, une déprime passagère qui peut s'accompagner de sautes d'humeur. On la reconnaît par une anxiété marquée, accompagnée d'insomnies, d'irritabilité et de crises de larmes brutales.

"Le baby blues est assez généralisé mais pas systématique, modère toutefois Sylvie Coché. La fatigue physique accentue sans doute ce sentiment de ne pas s'en sortir." Mais le baby blues n'a rien à avoir avec la dépression du post-partum, qui touche seulement une jeune maman sur dix.

Plus sévère et prolongée, elle nécessite une prise en charge médicale car elle est anormale. Elle se distingue par une fatigue intense – dès le matin – accompagnée d'une perte d'intérêt pour les activités quotidiennes et d'une tristesse durable.

On n'est pas bien dans son corps

Outre ce sentiment de déprime, les jeunes mamans peuvent souffrir d'un réel mal-être. Il faut dire que leur corps a considérablement changé avec la grossesse. Au ventre gonflé succèdent des seins enflés aux montées de lait régulières et un ventre qui tombe.

"On a été un peu malmenée, admet Sylvie Coché. Certaines femmes auront du mal si elles ont du mal à perdre leur poids de grossesse, si elles ont eu une épisiotomie ou une césarienne."

Cette sage-femme le reconnaît, un meilleur accompagnement à la maternité pourrait aider à mieux vivre cette transition. "Mais dans le public comme dans le privé, tout le monde se plaint de ne pas être disponible. Du coup, beaucoup de mamans se sentent abandonnées après l'accouchement." Là encore, le programme Prado fait office de substitution.

La libido est en berne

Les semaines qui suivent l'accouchement sont aussi un moment difficile pour le couple, qui doit souvent mettre entre parenthèse sa vie sexuelle. Du côté de la jeune maman, la libido est souvent aux abonnés absents. Et il y a plusieurs raisons à cela.

Outre la chute des hormones, le corps doit se remettre d'un épisode éprouvant. "Pendant les six premières semaines, il faut se préserver, le temps que le corps se remettent de ses efforts", souligne Sylvie Coché qui conseille aux femmes d'être égoïstes.

Cette baisse de libido peut durer jusqu'à six mois après l'accouchement. Une transition nécessaire… qui s'explique aussi par la fatigue liée à l'arrivée du bébé dans le foyer. "Quand on est épuisé, on a plus envie de mettre la tête sur l'oreille que d'enfiler de la lingerie fine", rappelle la sage-femme.

La clé pour reprendre une activité sexuelle, c'est de parler. Surtout après une césarienne ou une épisiotomie, qui peuvent provoquer une peur de s'y remettre. "Une femme doit parler avec son conjoint et ne pas se sentir obligée", insiste Sylvie Coché.

Les sensations au lit ne sont pas les mêmes

Au moment de la pénétration, les sensations vont sûrement être différentes. Rien d'étonnant à cela : l'utérus et le vagin ont été déformés par le passage du bébé, et les tissus ont besoin de temps pour s'en remettre. Il faut dire que la tête d'un bébé fait en moyenne 95 mm de diamètre.

"S'il y a eu épisiotomie, la cicatrisation doit se faire. Il est normal que ce soit sensible ou douloureux, explique Sylvie Coché. Mais il faut que les choses évoluent et s'améliorent avec le temps. Si la douleur persiste, ce n'est pas normal."

Du côté du ressenti, le plaisir peut donc mettre du temps à venir. La rééducation du périnée et la masturbation sont alors une aide : elles permettent non seulement de se réapproprier son corps, mais aussi de comprendre son nouveau fonctionnement. Les lubrifiants doivent aussi être utilisés dans un premier temps : la sécheresse vaginale est fréquente après un accouchement.

Il faut rééduquer son périnée

Enfin, toutes les femmes enceintes doivent désormais passer par la même étape : une visite médicale 6 semaines après l'accouchement, et une rééducation du périnée. C'est un processus indispensable.

"On a compris que les muscles du périnée, fortement étirés pendant la grossesse et après l'accouchement, avaient besoin d'être travaillés rapidement pour éviter un délabrement", développe Sylvie Coché. Sans cela, le périnée risque de se relâcher, provoquant des fuites urinaires.

Mais muscler son périnée est important pour une autre raison : cela permet d'éviter la descente d'organes, plus fréquente après une mise au monde. Les femmes qui ont donné naissance à un gros bébé, ou qui ont bénéficié d'une aide instrumentale sont particulièrement concernées.

Sources

Mamans ! On vous dit tout…, Sylvie Coché, Editions de l'Opportun

Poussez Madame !, Sylvie Coché, Editions de l'Opportun

Le dépistage néonatal et le suivi à la maternité, Assurance maladie, 30 janvier 2018

Accouchement et nouveau-né – de retour à la maison, Assurance maladie, 16 février 2018

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