Vivre sa séropositivité aujourd'hui

« Lorsque j’ai appris ma séropositivité en 2001, raconte Anne-Lise 37 ans, tout de suite, j’ai eu envie de le dire à tout mon entourage. En fait, je crois que je voulais apaiser mes angoisses et mon désespoir. Je ne savais plus où j’en étais, je me sentais si vulnérable. Finalement, je ne le l’ai pas fait et je ne le regrette pas car une fois que les choses sont dites, impossible de revenir en arrière ! C’est vraiment important de se confier à des personnes en qui l’on a totalement confiance. Avec le recul, je connais pas mal de séropos qui regrettent de s’être livrés trop facilement à beaucoup de gens et en particulier dans le cadre du boulot. On ne peut pas décrire ce qui se produit à ce moment-là, c’est comme un véritable tsunami ! Tout change de manière radicale et parfois cela peut être très violent. »
VIH, des traitements performants
Si l’on mourait à coup sûr du sida, dans les années 80, depuis 1996, les traitements antirétroviraux ont considérablement modifié le visage de l’épidémie en offrant aux personnes atteintes, une meilleure qualité de vie sur le plan physique et une espérance de vie inespérée.
À tel point que l’on estime aujourd’hui qu’une personne dépistée et bien prise en charge a une espérance de vie équivalente à la population générale !
C’est d’ailleurs pourquoi les dernières recommandations thérapeutiques de l’OMS, de juin 2013, préconisent d’administrer les traitements antirétroviraux (désormais plus faciles à gérer puisque c’est une pilule unique une fois par jour) à un stade précoce afin d’aider les porteurs du VIH à avoir une bonne santé et voire à endiguer l’épidémie !
Un diagnostic toujours douloureux
Au demeurant, sur un plan psychologique, l’annonce d’un tel diagnostic reste aujourd’hui encore un véritable choc qui plonge la plupart des gens dans une profonde détresse. D’autant que ces personnes ne reçoivent pas toujours – malheureusement – le soutien et la bienveillance de leur entourage.
« Si je regarde un peu autour de moi, poursuit Anne-Lise, je me rends compte que j’ai beaucoup de chance. Que ce soit mes parents, ma sœur, mon beau-frère et pas mal de collègues, tous ont été et sont encore formidables avec moi. Personne ne m’a jamais jugée ni cataloguée. Bien au contraire, ils ont toujours été très présents et réconfortants. Mais c’est loin d’être toujours le cas ! »
Un secret encore tabou
Une enquête de 2004 de ANRS-VESPA (Agence Nationale de Recherche sur le Sida) reflète d’ailleurs toute la problématique de cette affection qui est très souvent perçue comme stigmatisante et redoutable.
Sur les 5 080 patients séropositifs interrogés, 52 % avouent n’avoir dévoilé leur secret à aucun membre de leur famille. 45 % n’ont pas informé leur père et 41 % leur mère. 7 % ont choisi de ne pas le dire à leur conjoint et 5 % ont même carrément décidé de n’en parler à personne !
Il faut dire que si l’on en croit une autre étude réalisée par Aides : face aux préjugés et aux discriminations, 70 % des personnes actives qui vivent avec le VIH choisissent de cacher leur maladie au travail. Et une personne sur deux quitte son emploi six mois après avoir annoncer sa séropositivité !
Même en 2013, les préjugés sont tenaces, on a beau savoir que le virus ne se transmet que par voie sexuelle ou sanguine, le sida est encore trop souvent perçu comme très contagieux !
Toujours le même refrain
Et du coup comment trouver un compagnon ou une compagne lorsque l’on est infecté par un virus à la réputation si sulfureuse ?
« Si l’on a la chance d’être très bien portant, souligne Anne-Lise, ce n’est pas rencontrer quelqu’un qui est difficile, c’est de parvenir à établir une relation suffisamment complice pour pouvoir avouer son statut de séropo… Mais dès qu’on prononce VIH, c’est souvent le même refrain, la personne s’excuse et elle finit par prendre la poudre d’escampette ! »
L’étude de 2009, réalisée par Sida info service (www.sida-info-service.org), concernant l’impact du VIH sur la sexualité des femmes vivant avec le virus est à ce titre assez significative. 67,9 % des femmes estiment avoir eu ou avoir des difficultés à rencontrer un partenaire du fait de leur séropositivité. Elles sont 49,5 %, soit moins de la moitié, à vivre en couple. Parmi celles qui indiquent un partenaire sexuel privilégié, un tiers précise que leur compagnon est également séropositif.
Se comprendre et s’épauler
D’ailleurs le fait de vivre avec quelqu’un de séropositif semble rassurer les femmes, déjà parce que cela leur ôte la crainte de la contamination.
Huit femmes sur 10 ont en effet une peur presque panique de contaminer l’autre (peur que le préservatif craque ou peur des rapports oraux). Et puis aussi parce qu’elles se sentent épaulées par quelqu’un qui vit la même chose et donc mieux armé pour les comprendre.
49,5 % des femmes déclarent aussi souffrir de troubles sexuels ou d’absence de désir. Bien souvent ces troubles sont liés aux traitements. Mais c’est aussi parfois la conséquence de leur rapport antérieur avec les hommes, de leur perte de confiance à l’égard des hommes : ces derniers les ayant trahis en les contaminant ou parce qu’ils se sont enfuis au pire moment !
Devenir parent quand on est séropo
Pour autant, dans la réalité, il existe quand même un grand nombre de couples et en particulier des couples discordants (partenaire séropositif et l’autre négatif) qui parviennent à avoir une vie harmonieuse et une sexualité de qualité pendant des années tout veillant à se protéger avec des préservatifs.
Certains ont même le bonheur d’agrandir leur famille en ayant recours à une AMP (l’assistance médicale à la procréation) avec lavage de sperme si c’est l’homme qui est infecté.
En France, le risque de transmission du VIH de la mère porteuse du virus à son enfant est extrêmement réduit, moins de 1 %. Si bien sûr, durant toute la grossesse et les mois qui suivent la naissance, la maman et son enfant bénéficient d’une bonne prise en charge médicale.
Un programme destiné aux femmes séropositives
Élaboré par des femmes infectées par le VIH, des associations de patients et des médecins spécialisés dans le suivi de patients atteints du VIH, SHE (pour Strong, HIV Positive, Empowered Women) est un site qui a pour vocation d’aider les femmes séropositives et souvent très isolées, à mieux vivre la maladie au quotidien et reprendre confiance en elles en partageant leurs expériences et leurs idées sur le VIH.
Une boîte à outils qui s’articule autour de sept modules :
- le diagnostic du VIH,
- l’accès aux soins,
- la santé mentale et sexuelle,
- les rapports sociaux (discrimination, stigmatisation),
- les traitements existants,
- les projets de grossesse
- les droits des femmes touchées par le VIH et qui permet surtout aux femmes.
www.sheprogramme.fr
Sources
Magazine Côté Santé n°81, Octobre 2013