Vitiligo : repigmenter les taches blanches sur la peau, c’est possible !

Publié par Rédaction E-sante.fr
le 9/07/2015
Maj le
8 minutes
tête amicale de belle femme
Istock
Le vitiligo est une maladie de la peau gênante dans la vie quotidienne personnelle, professionnelle et sociale. Outre le maquillage des zones dépigmentées et les traitements médicamenteux, les techniques de greffes ont fait un grand bond en avant. Le point avec le Dr Michel Pascal, dermatologue, sur les différentes possibilités de repigmenter les taches blanches sur la peau liées au vitiligo.

Qu’est-ce que le vitiligo ?

Le vitiligo est une maladie auto-immune qui se traduit par une dépigmentation de la peau. Le système immunitaire adopte à tort un comportement agressif vis-à-vis des mélanocytes, cellules fabriquant la mélanine, pigment responsable de la coloration de la peau. C’est ainsi que certaines zones cutanées n’ont pas de pigmentation et que des taches blanches apparaissent sur la peau.

Cette maladie touche 0,5 à 2 % de la population. Il existe des formes familiales témoignant d’une transmission génétique, mais le plus souvent les cas de vitiligo sont isolés.

Dans 25 % des cas, il débute dans la petite enfance, avant l’âge de 10 ans.

Le vitiligo s’associe de façon préférentielle à certaines maladies auto-immunes dont les plus fréquentes sont les maladies de la thyroïde.

On distingue le vitiligo segmentaire, où le patient présente une zone unique de dépigmentation de la peau sur une partie du corps, comme le front, le maxillaire ou la région latéro-thoracique, du vitiligo généralisé qui atteint simultanément les poignets, les jambes, la région anale, génitale, ou toute autre région comme la bouche et les yeux.

Cette maladie évolue par poussée avec des plaques dépigmentées qui s’aggravent en s’agrandissant et en se multipliant à la surface du corps. Mais le vitiligo peut aussi rester stable plusieurs années. Encore mieux, il régresse tout seul dans 20 % des cas avec des plaques qui se repigmentent spontanément.

Cette maladie n’est ni contagieuse ni dangereuse. Elle n’atteint aucun autre organe que la peau et n’engage donc pas le pronostic fonctionnel ou vital. En revanche, c’est une maladie très « affichante », d’autant plus lorsque les zones touchées sont découvertes, comme le visage et les mains.

Cette maladie de la peau représente un problème social et d’estime de soi

Le vitiligo est très gênant dans la vie sociale, professionnelle et affective. Dans notre pays, il ne crée pas d’exclusion, mais l’aspect bicolore de la peau génère de la méfiance. Outre les difficultés à l’école, au travail et dans les relations amoureuses, le vitiligo est aussi embarrassant pour son image : on se sent différent des autres. L’estime personnelle et la confiance en soi en sont affectées.

De plus, pour les hommes comme pour les femmes, ces taches blanches sur la peau imposent de se maquiller durant des heures tous les matins pour obtenir un teint homogène, étape d’autant plus difficile que la différence de couleur est souvent très importante. Sur les zones étendues, comme les jambes, les patients ont souvent recours à une crème teintée de type autobronzant.

Le diagnostic du vitiligo : facile, mais quelques pièges…

Le diagnostic est facile lorsque les plaques dépigmentées sont bien visibles. Mais parfois ce sont des plaques qui rosissent et rougissent au soleil alors que la peau normale apparaît bronzée. « C’est ainsi que certains patients consultent un dermatologue après l’été, persuadés que le soleil est responsable de la survenue de la zone dépigmentée. Or c’est l’inverse, c’est le soleil qui révèle la plaque », explique le Dr Michel Pascal. Un vitiligo peut aussi se traduire par la présence d’une mèche blanche, si la plaque dépigmentée se situe sur le cuir chevelu.

Attention, le phénomène de Koëbner, selon lequel une plaque dépigmentée apparaît sur le lieu d’un traumatisme cutané (choc, brûlure), ne constitue pas la cause déclenchante d’un vitiligo, mais il a une valeur pronostique de gravité dans l’évolutivité de la maladie.

Vitiligo et soleil : une association dangereuse ?

Le vitiligo est souvent associé au cancer de la peau, mais à tort. En effet, les plaques de vitiligo ne bronzent pas et rougissent facilement, et les expositions excessives au soleil peuvent accentuer des plaques de vitiligo non protégées. En revanche, le risque de cancer de la peau est même moindre chez les personnes atteintes d’un vitiligo. Plus le vitiligo est étendu, plus le risque de cancer est faible. Ce phénomène s’explique au niveau génétique et moléculaire : on suppose que des gènes compensateurs agiraient sur l’immunité.

D’ailleurs les UV sont utilisés dans le cadre du traitement pour stimuler la fabrication de mélanine, des mélanocytes redevenus fonctionnels. Les UVB sont aussi immuno-modulateurs, c’est-à-dire qu’ils diminuent l’agressivité du système immunitaire.

Quels sont les traitements du vitiligo ?

Les crèmes dermocorticoïdes

Les traitements médicaux ont pour vocation de bloquer l’extension du vitiligo, de repigmenter les plaques et d’éviter les rechutes.

Les médicaments les plus fréquemment proposés et les plus efficaces sont des crèmes dermocorticoïdes qui neutralisent l’agressivité du système immunitaire vis-à-vis des mélanocytes. Elles s’appliquent sur les plaques 2 fois par jour 15 jours par mois. Les dernières recommandations européennes* rappellent néanmoins la nécessité d’éviter l’utilisation de corticoïdes topiques (en crème) sur le visage.

Le tacrolimus, également employé dans des maladies de peau comme l’eczéma atopique, module lui aussi le système immunitaire. Il s’applique tous les soirs pendant trois mois pour commencer.

Ensuite, un traitement d’entretien (2 à 3 applications par semaine) est nécessaire afin de prévenir les rechutes de vitiligo. Ce traitement d’entretien peut être associé aux UVB. On peut s’exposer au soleil une heure par jour, en évitant les heures les plus chaudes de la journée. À défaut, des séances d’UVB contrôlées dans un cabinet de dermatologie ou via un appareillage à domicile sont recommandées à raison de 2 fois par semaine pendant 3 mois à 2 ans.

Un médicament, le tofacitinib, qui traite déjà la polyarthrite rhumatoïde, pourrait faire partie de l’arsenal thérapeutique. Des études préliminaires en 2015* ont montré qu’il réduisait les taches de décoloration du vitiligo, sans aucun effet indésirable. A suivre.

Le maquillageLe maquillage n’est pas un vrai traitement, puisqu’il ne fait que camoufler les plaques. Mais il permet de sortir et d’aller au travail sans être trop dévisagé. Le procédé est souvent très long et les patients recourent souvent à des crèmes teintées de type autobronzant. L’Association française du vitiligo (www.afvitiligo.com) propose des ateliers de maquillage correcteur afin d’apprendre les bases et les techniques d’auto-maquillage.Le tatouage quant à lui est discutable, car la couleur appliquée sur une plaque de vitiligo peut donner un résultat cosmétique très décevant du fait de la différence chromatique entre peau normale et peau tatouée. Les traitements chirurgicauxLa chirurgie n’est proposée qu’en cas d’échec des traitements médicaux, et uniquement lorsque le vitiligo est stable. On traite ainsi les vitiligos segmentaires très gênants et les vitiligos généralisés étendus.Les techniques de greffe de mélanocytesLes premières greffes ont été réalisées en prélevant dans des zones de peau saine des « punches » à l’aide d’un petit bistouri circulaire. Ces punches sont ensuite implantés dans les zones atteintes toujours sous anesthésie locale. Cette technique fastidieuse et à risque de cicatrice n’est plus utilisée, mais remplacée par des techniques de greffe plus performantes.La greffe épidermique minceUn fragment de peau de 0,3 mm d’épaisseur est prélevé au niveau de la fesse ou de la cuisse avec un dermatome électrique. Cette tranche de peau est subdivisée en petits patches. Sous anesthésie locale, on procède ensuite à une petite abrasion laser de la zone dépigmentée, qui devient alors suintante, et sur laquelle on vient coller les patches (l’implantation se fait au niveau du derme papillaire). Cette technique a l’avantage de ne prélever qu’un mince fragment de peau, mais le greffon comporte à la fois des cellules épidermiques et un peu de derme. De ce fait, après la greffe, se crée une surépaisseur que l’on peut cependant supprimer lors d’une 2e intervention par laser. Cette technique est encore très intéressante, notamment en cas de vitiligo des paupières supérieures.La technique Viticell®Il existe une troisième technique, encore plus récente et plus performante, c’est la greffe dite cellulaire, qui consiste à implanter non plus un fragment de tissu aussi petit soit-il, mais une suspension cellulaire.Le procédé de départ est le même avec un prélèvement de peau au dermatome. Mais ensuite, les cellules de ce greffon sont séparées pour ne récupérer qu’une suspension cellulaire de kératinocytes et de mélanocytes. Ce procédé appelé « Viticell® » a été mis au point par les laboratoires Genevrier : un cocktail enzymatique contenant de la trypsine est utilisée pour cliver les cellules épidermiques, puis de l’acide hyaluronique transforme la suspension cellulaire en gel que l’on applique sur la plaque abrasée de vitiligo à traiter. Un pansement gras est maintenu en place pendant 3 à 4 jours pour initier la cicatrisation. Quelques jours après, des séances d’UVB sont prescrites au cabinet du dermatologue pour stimuler la production de mélanine.Les résultats sont très rapides avec des pigments qui apparaissent dès 3 semaines, puis une repigmentation de la peau dès 3 mois, par rapport à un délai d’un an avec les crèmes dermocorticoïdes dont les effets doivent être longuement renforcés avec les UV. Or on sait bien que les traitements longs génèrent beaucoup d’abandons. Cela dit, même avec la chirurgie, le risque de rechute est réel. Il n’existe à jour aucun traitement curatif.Aspects pratiques

La technique Viticell® se présente sous la forme d’un kit que le patient peut acheter lui-même, mais c’est le dermatologue qui réalise le traitement. Ce kit est actuellement disponible sur le site de Genevrier prévu à cet effet :www.viticell.com. Il fournit tous les produits nécessaires au traitement de 100 cm2 de peau, soit 10 cm sur 10, nécessitant un prélèvement de peau de 20 cm2.

Il coûte 480 euros non remboursés, la mise en œuvre par le dermatologue revient à 1500-3000 euros, auxquels il faut ajouter le prix de quelques séances d’UV.

Evaluer la stabilité du vitiligo, pour choisir le meilleur traitement

L’évaluation de la stabilité des lésions de vitiligo est cruciale, car décisive pour le choix du traitement (traitement topique, photothérapie, traitement chirurgical). En effet, les lésions de vitiligo très évolutives sont une contre-indication à la transplantation de mélanocytes. Malheureusement, jusqu'à maintenant, aucun critère clinique et biologique fiable permettait de prendre une décision rapide. C’est désormais possible : une récente étude a enfin lié l’aspect des lésions et leur évolutivité, par un simple examen clinique et sans faire de biopsie.

Il ressort que les lésions pâles (d’aspect "hypochromique") à bords déchiquetés peuvent être considérées comme des lésions instables et évolutives et de ce fait, être traitées par un traitement topique (par crème) et photothérapie. Inversement, les lésions "achromiques" (totalement dépigmentées) à bords nets sont stables et peuvent faire envisager un traitement chirurgical.

Pour en savoir plus :

Association française du vitiligo, www.afvitiligo.com.

Sources

En collaboration avec le Dr Michel Pascal, Dermatologue, Paris. Association Française du Vitiligo, www.afvitiligo.com. Conférence de presse des laboratoires Genevrier, Viticell®, 25 juin 2015.

Partager :