Violences sexuelles : mieux les dépister !

Les violences sexuelles entrainent des conséquences psychiques mais aussi somatiques, beaucoup moins connues.

« Les violences sexuelles sont un crime », rappelle le Dr Violette Guérin, endocrinologue et gynécologue à Paris. Une femme sur quatre en est victime au cours de sa vie, un homme sur six, et des milliers d'enfants. 75% des agressions ont lieu dans le milieu familial. Un sujet dont on parle peu malgré la fréquence du phénomène : sur près de 11 000 viols survenus en 2010 chez des personnes de 18 à 75 ans, 20% seulement ont porté plainte.

L'amnésie post-traumatique

Pour survivre, beaucoup de victimes développent un mécanisme de défense appelé “amnésie post-traumatique”. « Il dure de quelques instants à plusieurs années, explique le Pr Louis Jehel, président de la société française de psychotraumatologie. Plus l'intensité de la réaction de stress est élevée, plus le processus de dissociation l'est aussi. La victime se dit “ce n'est pas vrai”, “ce n'est pas possible”. Elle préfère se dire que c'est un cauchemar pour se protéger de la réalité ». Sauf que ce qui ne s'exprime pas par la parole s'exprime dans le corps. L'imagerie médicale permet de voir que la persistance du stress altère le fonctionnement de l'hypocampe qui devient moins volumineux.

Diabète, hypertension, fibrome

Les victimes de violences sexuelles souffrent aussi souvent d'addictions à l'alcool et au cannabis, de douleurs chroniques diverses, de troubles fonctionnnels (il y a deux fois plus de syndromes de côlon irritable chez elles) et de lésions. Une étude de cohorte sur des infirmières américaines, dont 33% avaient subi des violences pendant l'enfance ou l'adolescence, révèle qu'elles déclenchent plus de diabète, d'hypertension et de fibromes utérins que celles qui n'ont pas été violées. Plus les violences sont graves et répétées, plus elles ont lieu pendant l'enfance et plus le risque augmente.

Une prise en charge précoce

Des indications à prendre en compte dans le cadre d'un meilleur dépistage. Pour l'heure, c'est loin d'être effectif: 75% des victimes de violences ont pris des anti-dépresseurs mais les médecins prescripteurs ne les ont pas repérées. « Il nous faut oser poser la question à nos patients : “avez-vous vécu des violences physiques, morales ou sexuelles”? suggère Violette Guérin. S'ils ne peuvent pas répondre tout de suite, ils sauront que nous pouvons accueillir leur parole". Une prise en charge précoce permet de s'en sortir plus vite. Le protocole doit être personnalisé (chaque personne n'a pas vécu la même chose), mais le soin passe obligatoirement par une reconfrontation au vécu de façon à mettre du sens sur chaque symptôme. "Une affection ORL récidivante peut être liée à unefellation imposée" signale le Dr Guérin.

Oui, on peut guérir

Souvent, la personne est polytraumatisée, mieux vaut donc que les professionnels travaillent en équipe. "Il faut rassurer la victime sur sa capacité à se reconstruire en faisant la chasse à sa culpabilité, généralement très forte, elle pense "c'est ma faute" et c'est ce qu'on lui renvoie parfois dans son entourage, indique Violette Guérin. Il faut aussi la prévenir des phases par lesquelles elle va passer. Il est légitime, par exemple, qu'elle ait des envies de meurtre envers son agresseur, à défaut, elle risque de retourner sa violence contre elle. Surtout, il est important de lui dire “oui, vous pouvez guérir”, il restera une cicatrice mais ce ne sera plus une plaie ouverte ».

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Source : Conséquences médicales des violences sexuelles : comment les dépister et les soigner ? Entretiens Bichat, 8 octobre 2015.
Intervention du Dr Violette Guérin, endocrinologue et gynécologue à Paris.