Vers un nouveau féminisme, ou " quand les femmes s'éveilleront "...

Le féminisme classique est peut-être en train de vivre ses derniers instants. Ce féminisme qui consiste à revendiquer, à se battre pour que les femmes gagnent le droit à vivre comme des hommes est en voie d'être remplacé par un féminisme intégré. Ce féminisme ose prendre sa place aux côtés des valeurs masculines (efficacité, productivité…) et donner de la présence aux valeurs féminines que sont l'expression des émotions, la douceur, la lenteur, la passivité, le lien affectif entre les êtres… Valérie Colin-Simard, psychothérapeute et auteur de « Quand les femmes s'éveilleront, oser le féminin » nous a accordé une interview.

De l'importance d'exprimer sa féminité

Valérie Colin-Simard estime que les valeurs masculines dominent depuis trop longtemps, étouffant le féminin chez les femmes, mais aussi chez les hommes. Ainsi, les valeurs que l'on doit mettre en avant dans notre société sont la vitesse, l'efficacité, l'organisation, l'autonomie… Les valeurs plus féminines sont méprisées, ce qui nous coupe de notre être profond. Nous ? Surtout les femmes qui souffrent terriblement de devoir cacher la partie la plus vivante d'elles-mêmes. Alors, les femmes dépriment, s'angoissent et vont très mal de devoir donner d'elles-mêmes une image de façade, image à laquelle elles pensent devoir se plier pour être acceptées.Dans son livre, Valérie Colin-Simard leur ouvre les yeux et leur demande de se recentrer sur elles-mêmes, sur leurs désirs, sur leur vérité.

« Ce qui m'a donné envie d'écrire ce livre, c'est d'abord qu'étant psychothérapeute, je rencontre des femmes qui pensent qu'elles n'ont aucune valeur. J'ai souvent été choquée d'observer des femmes qui sont brillantes et qui réussissent dans leur vie professionnelle, mais qui, dans l'intimité, ne se donnent aucune valeur. Alors, elles en font 10 fois plus pour avoir le sentiment de mériter leur place dans la société.Sur un plan plus personnel, les racines de ce livre remontent sans doute à très loin. Ma grand-mère était une femme très intelligente, licenciée es-sciences. Elle était l'assistante de Marie Curie. Son mari méprisait les femmes et l'a obligée à arrêter de travailler. Elle s'est suicidée. Ma mère, elle, a travaillé, et même pour deux, puisque mon père souffrait d'une maladie grave. Elle a dû se mettre à travailler avant les autres. Et elle m'a appris qu'une femme doit être autonome, indépendante, et que sa priorité c'est la réussite professionnelle. J'ai été éduquée dans le « Tu réussiras ma fille ». J'ai donc été en avance sur mon époque, puisque j'ai expérimenté ce que vivent les jeunes femmes d'aujourd'hui. Les valeurs masculines sont portées aux nues, et tout le monde doit s'y conformer en mettant de côté les valeurs féminines, quel qu'en soit le prix à payer. Mais au-delà de cette expérience personnelle, j'ai vu les limites du système, et j'ai fait un travail sur moi, ce qui m'a donné du recul. Et ce que me confient les femmes a aujourd'hui, fait écho à mon expérience personnelle.J'ai donc fait un chemin pour retrouver le féminin. Notre société a oublié la richesse que représente le féminin. Pourtant il est aussi précieux que le masculin. Dans la bible, c'est déjà écrit : 'Dieu a fait l'homme à son image, homme et femme il les créa'. Dieu n'est pas seulement homme, il est aussi femme.Plus concrètement, cela signifie qu'être doux est aussi important que d'être ferme, être dépendant est aussi important que d'être indépendant, savoir être lent aussi essentiel que d'être rapide…Je rencontre des jeunes femmes qui se croient par exemple obligées de ne dépendre de personne. Elles ne comprennent pas pourquoi elles font de la boulimie, pourquoi elles sont mal dans leur peau. Elles ont poussé trop loin la valeur masculine de l'indépendance. Ce qui est toxique, c'est la dépendance absolue à une personne. Mais on est toujours dépendant de ceux qu'on aime. C'est un aspect à accepter et même à valoriser. Si l'on s'accroche à l'idée d'indépendance totale, on n'y arrive pas, et l'on oublie, on nie notre humanité.

Même si nous avons tous en nous, hommes et femmes du masculin et du féminin, je m'adresse en priorité aux femmes pour leur dire : continuons à savoir être des hommes, à accueillir leurs valeurs (savoir prendre des décisions, être actives), mais retrouvons aussi la part en nous du féminin. Nous pouvons nous permettre aussi d'être douces, dépendantes de ceux qu'on aime, d'exprimer nos émotions. Cela donne une force très importante, contrairement à la peur que nous avons que cela nous affaiblisse. »Un exemple dans le livre de Valérie Colin-Simard illustre très bien ce propos. Une femme qui dirige une équipe se sent en échec. Quand elle donne un ordre, il n'est pas exécuté. Tout le monde traîne des pieds. Et un jour, au lieu de donner des ordres, elle exprime son sentiment et dit : « je suis très inquiète pour l'entreprise… » Et à partir de ce moment, comme par magie, toutes ses demandes sont écoutées et réalisées très facilement sans effort de sa part. « Accepter de montrer ses faiblesses, ses émotions, c'est très puissant » explique Valérie Colin-Simard. S'appuyer sur ce que l'on ressent et oser l'exprimer donne une puissance extraordinaire. Et cela évite le harcèlement moral qui ne peut avoir lieu que là où l'on a honte de ses émotions, comme dans l'entreprise par exemple. Si vous avez honte de vos émotions, il n'y a plus de limites à ce que l'autre peut vous faire. Vous lui laissez le champ libre. Il faut réussir à dire « cela me blesse quand vous me parlez ainsi », ou exposer ses limites sans chercher à se justifier en disant « je ne peux pas ». Par exemple : une réunion à 9h30 ce soir ? Je ne peux pas… quelle qu'en soit la raison. » Ce livre est à conseiller vivement à toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté, ceux qui ont envie de s'entendre en couple, en famille, dans le travail… Il est à la fois touchant, évident, très fort et l'auteur donne beaucoup d'elle-même. Elle parle en tant que femme comme les autres qui a fait ce chemin vers ce nouveau féminisme et qui a envie d'encourager ses soeurs à la suivre. Et une grande soeur comme elle, tout le monde en voudrait une !Voici un exemple en situation, très concret et facile à tester si vous êtes une femme. Vous devez sortir et votre conjoint râle parce que vous mettez du temps à vous préparer. « Que tu es lente, quel temps il te faut pour être prête… » Au lieu de vous sentir honteuse, réagissez et affirmez-vous : « Et bien oui, j'ai besoin de temps pour me préparer, c'est très important pour moi… » Vous verrez, il va instantanément baisser les yeux et se calmer. Car, au-delà de vos paroles, vous revendiquez une valeur féminine. Vous dites : « Oui, je suis différente. Je ne suis pas un homme. Je suis une femme et me préparer c'est important pour moi, c'est un temps précieux. Et cela te fait peut-être un bien fou d'avoir près de toi quelqu'un qui te rappelle que la lenteur, c'est aussi important. » D'ailleurs, on pourrait parler de ce que les femmes ont à apprendre aux hommes sur le plan de la lenteur en amour et de la sexualité…

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Source : Source et pour en savoir + : " Quand les femmes s'éveilleront, Oser le féminin ", Valérie Colin-Simard, édition Albin Michel, www.valeriecolin-simard.com.