Vaccination contre le méningocoque : comment convaincre les parents ?

Publié par Hélène Joubert
le 23/08/2016
Maj le
6 minutes
un médecin fait l'injection la vaccination des enfants bébé
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La méningite bactérienne est encore responsable de 170 000 décès dans le monde malgré des vaccins efficaces. En France, la vaccination contre le méningocoque C est largement insuffisante et les cas de méningites chez les nourrissons et les non vaccinés s’envolent. On oublie qu’une méningite bactérienne peut tuer en moins de 24h et qu’environ 10% des personnes infectées en décèdent, malgré l’antibiothérapie d’urgence. 

Pourquoi se vacciner contre les méningites bactériennes ?

Les méningites sont une inflammation d’origine infectieuse des fines membranes enveloppant le cerveau (méninges). Elles peuvent être bactériennes, virales ou fongiques (dues à des champignons, rares mais sévères en cas d’infection au VIH). Depuis 30 ans, la vaccination des nourrissons a pratiquement permis de rayer de la carte les méningites dues au virus des oreillons, à celui de la rougeole ou à Haemophilus influenza b. Mais les méningites dues à des bactéries restent un problème aigu, car potentiellement graves et mortelles, avec un taux de décès d’environ 10% et de séquelles de 30% (lésions cérébrales, perte de l’audition, troubles des apprentissages etc.). Dans les deux tiers des cas elles touchent les enfants de moins de 5 ans.

Deux types de bactéries sont en cause : le pneumocoque (Streptococcus pneumoniae) et le méningocoque (Neisseria meningitidis), qui affectent davantage les enfants, adolescents et les jeunes adultes. Les méningocoques responsables de la maladie appartiennent aux sérogroupes A, B, C, W, X et Y.

Méningites à pneumocoque, consolider la couverture vaccinale

Selon le calendrier vaccinal français, tous les enfants de moins de deux ans devraient être vaccinés contre le pneumocoque par le vaccin pnemococcique appelé "conjugué 13-valent" (regroupant 13 sérotypes de cette bactérie). La couverture vaccinale des jeunes enfants est globalement satisfaisante, avec en 2014, 93,6% des enfants de 9 mois vaccinés avec deux doses. La bataille est sur le point d’être gagnée : le nombre d’infections invasives à pneumocoqueprovoquées par les sérotypes vaccinaux est en net recul depuis l’introduction de la vaccination.

Certains pensent que ces maladies à prévention vaccinale ne sont pas fréquentes. Mais c’est justement grâce à l’immunité collective qui fait barrière contre la dissémination bactérienne. Néanmoins, le pronostic de la méningite à pneumocoque chez une personne non vaccinée reste grevé d’une mortalité élevée (10% chez l’enfant et 30% chez l’adulte), de lourdes et fréquentes séquelles (jusqu’à 30%) et de risque de récidive.

Méningites à méningocoque, le signal d’alarme est tiré

Le tableau des méningites à méningocoque C est nettement plus inquiétant. Le vaccin contre le méningocoque C a beau être recommandé et remboursé depuis 2010 chez les 1 à 24 ans, la vaccination ne décolle pas. Or, en deçà d’une couverture vaccinale suffisante de la population, on expose l’ensemble des individus à la circulation de la bactérie, d’où la nécessaire "immunité de groupe" pour protéger les plus faibles et ceux qui ne sont pas vaccinés. Dans les chiffres, la couverture vaccinale contre le méningocoque C est largement insuffisante : en 2015, 70% des 24 mois étaient vaccinés, 23% des 15-19 ans et 6,6% des 20-24 ans seulement.

On est loin du compte pour une protection individuelle et collective ! En conséquence, les méningites à méningocoque C augmentent de façon préoccupante chez les personnes non vaccinées. Rien qu’en 2015, 469 infections invasives à méningocoque ont été déclarées, généralement avant l’âge de 5 ans et chez le jeune adulte avant 25 ans avec 11% de létalité (décès). Parmi ces cas, 118 sont dus au méningocoque C avec 13% de létalité.

Pr Muhamed-kheir Taha, de l’Unité des Infections bactériennes Invasives, Institut Pasteur (Paris) : « Adultes jeunes, vaccinez-vous ! Protégez-vous et vous protégerez ainsi les moins de 1 ans. L’exemple des Pays-Bas est parlant : la maladie a rapidement reculé avec plus de 90% des 1-18 ans vaccinés mais également chez les moins de 1 an non-vaccinés. »

Méningites, reconnaître les signes de l’urgence absolue

Certains signes de gravité évoquent une méningite, une situation d’extrême urgence :

  • Le premier des signes est "mon enfant n’est pas comme d’habitude".
  • Un accès brutal de fièvre ; une fièvre élevée.
  • Des maux de tête (céphalées) associés à l’impossibilité de supporter la lumière (photophobie).
  • Une raideur dans la nuque.
  • Des nausées et vomissements.
  • Une éruption cutanée : purpura (le Purpura Fulminans est la forme la plus sévère). Ce sont des taches rouges ou violacées sous la peau dues à des hémorragies. Le test à la vitropression est utile. Il consiste à appuyer sur une lésion de la peau avec une lame de verre transparente afin de chasser le sang des vaisseaux de la zone comprimée. Si les lésions ne disparaissent pas, c’est bien un purpura (sortie des globules rouges hors des vaisseaux). En cas de purpura, le risque de décès est plus élevé (létalité de 31% pour les cas de purpura fulminans dus au sérogroupe C).
  • Des signes que l'apport sanguin artériel à un organe (ischémie) diminue comme les extrémités froides des membres.
  • Des douleurs au niveau des cuisses et de l’abdomen.
  • Un état de somnolence et de confusion chez l’adulte. Une apathie, l’absence de réaction aux stimulations chez le petit enfant.
  • Des courbatures.
  • Un choc cardiorespiratoire brutal (collapsus) indique que la bactérie colonise l’ensemble de l’organisme (septicémie).
  • Des convulsions, un coma.

Méningites, une course contre la montre

A chaque instant, un dixième la population française héberge le méningocoque en elle, sans pour autant être malade (ce sont des porteurs sains). Certaines souches sont virulentes. Pour les transmettre, il faut un contact très rapproché (gouttelettes de salive ou sécrétions naso-pharyngées) entre deux personnes.

La méningite est une urgence absolue, il faut consulter sans délai son médecin, à l’hôpital ou appeler le SAMU (15). A l’hôpital, la ponction lombaire (prélèvement de liquide céphalo-rachidien) permet de confirmer l’infection par un méningocoque et de déterminer le sérogroupe, afin d’injecter une puissante antibiothérapie sans délais. Malgré ce traitement, 5 à 10% des personnes décèdent dans les 24 à 48 heures après les premiers symptômes. Sans traitement pris à temps, la maladie est mortelle dans plus de 80% des cas. La méningite peut être foudroyante.

Mme Patricia Merhant-Sorel, présidente de l’Association Petit Ange et co-fondatrice du collectif « Ensemble contre la méningite » : « Si j’avais su. Ma fille de 4 ans a été emportée en une nuit. Mon conseil aux parents est de se rendre aux urgences dès qu’ils repèrent un enfant qui ne tolère pas bien la fièvre et qui « réagit différemment des autres fois ». Il ne faut pas attendre 18 heures (le délai moyen entre les premiers signes et l’arrivée aux urgence). La méningite reste mal connue du public qui ne sait pas qu’elle peut tuer -souvent un enfant ou un adolescent- en moins de 24 heures. On ne parle pas assez des vaccins, notamment pour les adolescents. De nombreux parents d’adolescents et d’enfants décédés de méningite ne savaient même pas que les vaccins existaient ».

Pour en savoir plus : www.associationpetitange.com

Sources

D’après une conférence de presse « Prévention vaccinale contre les méningites » juin 2016 (Paris), organisée par le laboratoire Pfizer et l’interview du Pr Taha, de l’Unité des Infections bactériennes Invasives, Institut Pasteur (Paris).

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